Ezra Furman à la Sala Rossa avec Art Moore le 12 septembre 2022
L’autrice-compositrice-interprète donnait le coup d’envoi à sa tournée nord-américaine à Montréal, un peu plus de deux semaines après la sortie de son album All Of Us Flames.
Art Moore
C’est à Art Moore qu’est revenue la lourde tâche d’assurer la première partie d’Ezra Furman. Rapidement, le côté planant des compositions de Taylor Vick, la meneuse de la formation, a empli la salle. Sa manière de livrer ses chansons avait également un petit quelque chose d’introspectif. Le tout donnait une certaine impression d’être avec elle dans sa chambre alors qu’elle est en train de composer. Non pas que ses compositions ne sont pas abouties, loin de là, c’est simplement que sa livraison est à ce point personnelle. Cela s’explique peut-être par son habitude de chanter les yeux fermés.
Après deux chansons, Vick s’adressera à la foule afin de l’informer que c’est la « première fois [qu’elle] joue devant des gens. » Cette prémisse ne se remarque pas outre mesure, si ce n’est que le carnet ouvert sur le synthétiseur de la chanteuse qu’elle feuillette entre les chansons. Après trois chansons, on la sent être plus à l’aise encore. Sur scène, elle assure les synthétiseurs, la basse, la guitare (mais pas en même temps, pour des raisons de logistique évidentes) ainsi que la voix. Elle est accompagnée par Sam Durkes à la batterie et Trevor Brooks à la guitare (ou la basse lorsque Vick s’occupe de la guitare). Très rapidement, les gens dans la foule ondulent au rythme des mélodies de la formation. En bref, Art Moore a été une découverte musicale agréable et un bon choix pour ouvrir la soirée.
Ezra Furman
Dès son arrivée sur scène, Ezra Furman est chaudement acclamée. « Prends ton temps », lui lance une personne dans le public dans la langue de Shakespeare pendant qu’elle s’étire avant d’offrir la première chanson de son spectacle, Lilac And Black. On la sent nerveuse pendant cette première pièce. Entre les couplets, elle se rend aux extrémités de la scène. Ça donne une impression qu’elle est soit aux prises d’un énorme trac ou encore qu’elle est sur le point d’éclater en sanglot. Considérant que c’est sa première prestation depuis le lancement de son album All Of Us Flames, on lui pardonne. D’autant plus que dès qu’elle se retrouve derrière le micro, elle chante comme si sa vie en dépendait.
Habituellement, ça se sent quand quelqu’un chante pour sa vie. Ezra Furman fait partie de cette catégorie d’artiste. C’est limpide dans la manière qu’elle a de se tenir derrière son micro, de livrer ses paroles et de regarder la foule. D’ailleurs, le public lui envoie une immense dose d’amour dès ses premières notes. Dans l’audience, les gens se tiennent par les épaules, dansent, crient et applaudissent fort.
Dès le second morceau, l’autrice-compositrice-interprète se permet de s’amuser. Pendant Evening Prayer aka Justice, elle se permet de se laisser aller musicalement, sourire aux lèvres, avec son guitariste Max Talay. Tout au long de son concert, Furman restera très laconique. Elle lancera un bref merci entre chaque chanson, se permettant parfois une phrase ici et là, mais jamais rien de superflu. Elle n’a pas besoin d’en faire des masses : il y a quelque chose de très puissant et d’émotif dans sa voix qui, personnellement, vient me chercher. À plusieurs reprises, je me suis retrouvée les yeux mouillés pendant ses interprétations. Justement, avant de se lancer dans I Wanna Be Your Girlfriend, elle lancera un God bless you all sincère à la foule rassemblée qui me rend un peu émotive.
Ezra Furman se permet de fouiller dans son répertoire plutôt touffu pour ce spectacle. Évidemment, elle offre ses nouvelles compositions, dont Lilac And Black susmentionné, Point Me Toward The Real, Dressed in Black et Poor Girl A Long Way From Heaven. Elle se permet aussi de jouer ses pièces plus connues, dont I Wanna Be Your Girlfriend citée ci-haut, Love You So Bad, My Zero et Suck the Blood from my Wound pour ne nommer que celles-ci. C’est lorsqu’elle pige dans son répertoire plus ancien que la foule semble la plus heureuse, quoique plusieurs de ses nouvelles chansons touchent la cible. Dans sa manière de se cacher derrière ses cheveux en les replaçant derrière ses oreilles, on la sent gênée, mais surtout touchée par l’immense dose d’amour qu’elle reçoit par le public.
Sa dernière chanson du rappel, Because the Night, reprise de Patti Smith, la musicienne l’offre aux spectateurs comme un moment de protection pour que les gens rentrent en sécurité à la maison. C’était beau de voir les gens se prendre dans leurs bras juste après le spectacle. J’ai eu l’impression d’assister à quelque chose de magique ce soir à la Sala Rossa. Comme si cette salle s’était transformée, le temps de quelques heures, en safe space pour toutes et tous.
Crédit photo: Tonje Thilesen