La ville suédoise de Malmö accueillait le fameux concours de chant le plus populaire au monde afin de trouver la chanson gagnante de 2024. Une année difficile pour les amateurs de l’Eurovision, teintée de déception, de colère et de choix controversés.

Ce fut… Un événement! Sans doute, un spectacle inconfortable pour plusieurs amateurs du concours partout dans le monde. Après de nombreuses années à entendre les mêmes discours d’amours et de respect de la part des organisateurs du concours, cette année tout s’est déroulé sur fond de polémique israélienne et néerlandaise.

Scandale & Polémique

Plusieurs ont reproché à l’organisation de manquer de cohérence dans leurs actions. En 2022, l’Eurovision publiait un communiqué disant bannir la Russie de l’événement à la suite de l’invasion russe en Ukraine. À l’approche de cette nouvelle édition du concours, il était attendu que l’organisation décide de faire de même avec le cas d’Israël, par suite du conflit israélo-palestinien qui se tient toujours. Pourtant aucun message ou communiqué n’a été fait, ceci donnant accès à Israël à sa voix au spectacle. Cela donne l’impression, à tout le moins, d’une inégalité entre les nations. Bien évidemment, des manifestations en ligne et en personne ont eu lieu, de même que des campagnes de boycottage de cette nouvelle édition de l’Eurovision ont fait rage un peu partout dans le monde. Il y a l’exemple d’un grand événement de 800 personnes qui devait avoir lieu au London’s EartH Venue hier soir, animé par la célèbre drag queen Crystal, qui a avoué aux journalistes anglais avoir annulé l’événement par acte de solidarité avec la Palestine.

Mais les problèmes ne se sont pas arrêtés là. La veille de la grande finale, la délégation néerlandaise, représentée par le chanteur Joost et sa chanson Europapa, a été disqualifiée après des rumeurs d’intimidation faite envers une membre de l’équipe de production. Une décision qui a bouleversé plusieurs personnes, dont de nombreux artistes, qui se sont retirés de l’annonce des résultats par les jurys. Ce fut le cas d’Allesandra Mele, représentante de la Norvège à l’édition de 2023, qui s’est retirée du poste de porte-parole du jury norvégien mentionnant la ‘’situation enflammée’’ à Malmö.

Cela dit l’Eurovision a eu lieu et de multiples talents venant tous de pays différents se sont démarqués à travers cette aventure des plus chaotique. Il serait bon de pouvoir se concentrer sur les grands noms, les coups de cœur et les petits moments de bonheur que ce concours a pu difficilement nous offrir cette année.

Première demi-finale

7 mai, première journée de compétition. On rencontre pour la première fois nos deux animatrices qui nous guideront tout au long de ce concours. Petra Mede et Malin Akerman, qui en est, ont fait un bon travail de leur côté, quoiqu’à plusieurs moments, l’envie de lâcher un incontrôlable soupir de fatigue prenait le dessus. Les deux animatrices nous ont constamment rappelé l’importance de l’Eurovision aux yeux de la Suède, un sujet qui a été répété tout au long des deux demi-finales. Je qualifierais l’ambiance mise en place par ces deux animatrices comme étant, simplement, odieuse. C’était de la vanité sans compter, où à certains moments il y avait, je trouve, un aspect de supériorité glissé entre chaque blague, entre chaque chanson, nous rappelant le succès qu’a la Suède à l’Eurovision. Ce qui va à l’encontre du slogan du concours qui lit « United by Music », une phrase qui souligne l’aspect de communauté et non de prépondérance d’un pays versus un autre.

Qu’importe, cette première demi-finale contenait les plus grands noms du concours de cette nouvelle édition. Malheureusement, des quinze délégations, seuls dix d’entre elles ont été retenues. Mettant de côté la Pologne et leur représentante LUNA avec sa chanson The Tower, une de mes chansons coup de cœur de cette année, qui s’harmonise dans la pop des années 2010. C’est doux et à la fois rythmé, il y a une énergie et une vulnérabilité venant de cette artiste qui est incroyable et contagieux. Puis, il y a le cas de l’Australie qui n’a peut-être pas été retenu pour la grande finale, mais s’est démarqué de façon historique sur la grande scène de Malmö. Electric Fields et leur chanson One Milkali (One Blood). Pour la première fois dans l’histoire de l’Eurovision, une langue aborigène australienne a été chantée sur scène, devant un public. La chanson est écrite à la fois en anglais et en yankunytjatjara. Le chant de ces deux langues mélangées avec cette mélodie pop et folklorique avec la musicalité des didgeridoos nous donne une expérience australienne hallucinante.

Deuxième demi-finale

9 mai, deuxième journée de compétition. Alors qu’on nous traite aux petits oignons par les animatrices et leur comédie musicale ayant pour thème… Je vous laisse deviner. Nous découvrons qui, des seize délégations, iront à la grande finale. C’est avec plaisir que la foule a appris la qualification de l’Estonie avec leur groupe 5miinust & Puuluup et leur chanson (nendest) narkootikumidest ei tea me (küll) midagi. Qui mélange hip-hop et rap est européen, encore une fois sur une trame folklorique. C’est surprenamment une bonne chanson à faire jouer durant un barbecue cet été. Cela dit, en termes de paroles, la chanson aborde le thème de l’itinérance, la dépendance et la violence. Alors, je ne suggère pas de rechercher les paroles avant d’avoir écouté et dansé sur cette chanson. Puis, l’Arménie, qui va dans le folklore à 100% avec sa chanson Jako par son groupe Ladaniva, autre grand succès de la soirée qui se voit aller à la grande finale. Aussi, un autre de mes coups de cœur, la délégation de l’Autriche représentée par la chanteuse Kaleen et sa chanson We Will Rave. Je me suis vu transporté dans le passé. La chanson prend des airs épiques de Cascada; c’est techno, on se croirait en 2005 dans un club bourré de néon bleu et vert lime. Cette chanson est une époque en soi.

En revanche, six performances ont été mises de côté à la fin de cette demi-finale. Ce fut le cas de la délégation de Saint-Marin avec 11 :11 par Megara. Chanson rock chantée en espagnol où tous les membres du groupe étaient vêtus de noir et de fuchsia. Il y avait pourtant quelque chose de lumineux dans cette performance. C’était un plaisir incontesté. Autre déception de la soirée, le cas de Sarah Bonnici, représentante de l’île de Malte, avec sa chanson Loop. Grande surprise de mon côté alors que selon les sondages et les pourparlers, elle et sa chanson montaient ainsi suffisamment pour se qualifier. Sa chanson a pourtant une belle énergie pop qui se démarque plutôt bien du reste des délégations.

La grande finale

11 mai : le jour est arrivé, quelqu’un remportera cette 68^ème édition de l’Eurovision. Le spectacle s’est ouvert sur la narration de Ludwig Göransson, gagnant de deux Oscars pour son travail musical sur Black Panther et Oppenheimer. Puis, est lancée une performance surprise de Björn Skifs avec sa chanson Hooked On A Feeling, un classique.

Comme la tradition le veut, le fameux défilé des pays a eu lieu présentant chaque délégation une dernière fois avant leur dernière performance. C’est sur The Winner Takes It All du groupe ABBA que nos deux animatrices entrent en scène. En avant la musique!

Parlant du légendaire groupe ABBA, il était évident qu’aux célébrations des cinquante ans du groupe que l’animation suédoise placerait quelques mots pour en parler. Vers la fin du spectacle, en direct de Londres, nous avons eu le droit aux avatars créé par intelligence artificielle des membres du groupe avec l’aide harmonieuse de trois gagnantes du concours : Conchita Wurst (Autriche, 2014), Carola (Suède, 1991) et Charlotte Perrelli (Suède, 1999), pour une performance en direct de Waterloo, leur chanson couronnée à l’Eurovision de 1974. S’en est suivi d’une performance de science-fiction de la gagnante de l’an dernier, Loreen avec sa nouvelle chanson Forever puis s’en ai suivi d’une version remixée de sa chanson gagnante de l’an dernier, Tattoo.

Nous voyons passer chacune des 26 prestations. Dont l’Irlande, un pays représenté par Bambi Thug et sa chanson Doomsday Blue, avec sa performance métal iconique marquée par une thématique satanique romantique, ayant pour slogan « Crown the Witch ». Nous avons été charmés par la Croatie avec Rim Tig Tagi Dim par Baby Lasagna. Mon préféré cette année de même que celui de plusieurs amateurs du concours. C’est un rock humoristique qui se joue aussi dans le folklore croate qui discute de l’exode et de l’aliénation d’une personne vivant dans un milieu rural vers un milieu urbain. La France maintenant avec Slimane et Mon Amour. La chanson française a été la première annoncée en novembre 2023 et depuis elle est restée au top 10 du classement, une réussite pour le chanteur. Mon Amour réside dans la beauté et l’émotion à la française, une puissance vocale. On s’est tourné vers la Suisse, la chanson de fer dont plusieurs prévoyaient la popularité grandissante pour la chanson The Code par Nemo, ouvertement non binaire et fier, qui brise littéralement les codes en mélangeant les multiples genres musicaux ainsi donner un produit de haute qualité.

Du côté du Royaume-Uni, le populaire Olly Alexander en était le représentant avec sa chanson Dizzy. Chanson typique pop mignonne qui se démarquait beaucoup plus par sa prestation et sa mise en scène que par sa mélodie. La Finlande était de retour bien évidemment, cette fois-ci, en mettant le rock et le métal de côté avec une chanson dance. Le duo de Window95man et leur chanson No Rules!, une chanson entraînante, mais qui semblait venir d’un produit de Weird Al Yankovic. Leur performance tombait dans un contexte humoristique avec un seul qui chantait et l’autre qui se promenait déculotté sur scène afin d’attirer l’attention. C’est une histoire qu’on nous raconte certes, mais plusieurs sont restés sur leur faim. Je ne peux ne pas oublier l’Espagne, qui, malgré une compétition difficile pour eux, sont sortis avec un succès, selon moi. ZORRA du groupe Nebulossa, est mon « hit » de l’été. Cette chanson pop apporte chaleur, sensualité et plaisir. Vraiment à ne pas dédaigner.

Le micro de verre est remis à…

À la suite du dépouillement des votes des jurées et du public, le titre de gagnant est remis à la délégation suisse, ramassant 591 points, représentés par Nemo et sa chanson The Code. Suivi de près par la Croatie et Baby Lasagna, avec 547 points. Cette année la compétition a été chaude. Le top quatre se suivait plutôt de proche avec l’Ukraine en troisième position avec 453 points, représenté par le duo alyona alyona et Jerry Heil avec Teresa & Maria, qui propulsait leur musicalité devant un mur de missiles russes projeté sur un écran géant. Puis en quatrième position, la France, avec Slimane qui ramassa 445 points.

Une année déplorable pour plusieurs. L’Eurovision 2024 fut presque un échec, si ce n’était pas des têtes d’affiche qui ont réussi à sauver ce qui restait d’intéressant et de pur lors de ce concours. Bambi Thug, Baby Lasagna et Nemo ont été les grands noms de cette 68^e édition. C’est à se demander des changements probables et anticipés qui seront faits pour l’an prochain en Suisse.