Le Coup de cœur francophone – partie 2
Je ne vous le cacherai pas. C’est l’âme un peu inquiète, que je me suis dirigée vers les concerts de CCF en ce mardi 8 novembre 2016. Je vous explique. Bien sûr, nous étions en contexte électoral ce soir-là. Je ne m’attendais pas à me retrouver dans une grosse foule de festivaliers aux spectacles que j’avais convoités. À vrai dire, la foule ne courait pas les rues non plus. Il y avait ce vent chaud, cette atmosphère plutôt sombre dehors… Je croisais même des passants qui me fuyaient du regard ou qui me semblaient, visiblement, dans la lune. Tous avaient probablement la tête ailleurs ou les yeux simplement rivés sur leur téléphone, histoire de voir les résultats. Même que certains ont préféré regarder la soirée électorale à la maison, au lieu de sortir.
C’est en me rendant au Divan Orange, pour la première partie de la soirée, que j’ai commencé à voir, dans les fenêtres de bars, des écrans de télé… des écrans de télé qui disaient que Trump allait devenir président des États-Unis d’Amérique. Non, je ne suis pas Américaine. Non, je ne vous fais pas non plus un topo sur la course à la présidence. C’est trop ennuyeux, j’ai vu la série House of Cards et pour moi, c’est bien assez. Comme toute personne, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à me dire. OK, mais si Trump rentre? Qu’est-ce qui va se passer? Le genre de questions que tout le monde s’est posé durant cette nuit insoutenable, j’imagine.
Est-ce que je devais rentrer chez moi pour regarder les résultats? Et c’est à cet instant que je me suis dit, non, je dois voir les concerts du CCF. Pourquoi? D’abord, je tenais absolument à y aller. Non seulement parce que c’était un devoir…mais parce que la musique et l’amour triomphent toujours sur tout.
C’est après m’être rendue au Divan Orange pour la soirée de Ponteix, ce groupe rock psychédélique acidulé venant de la Saskatchewan, que j’ai constaté que la salle n’était pas vraiment pleine. Elle se remplissait petit à petit au rythme des bières qui coulaient à flots. Surprenant? Pas vraiment, selon le contexte très particulier. C’est au coup des dix heures quinze minutes que la bande à Mario Lepage, meneur de jeu de la formation, monte sur scène. Certains des garçons étaient même en pieds de bas sur le plancher. On est relax ou on ne l’est pas. Le Divan Orange, c’est un peu ça. Tu joues un peu dans ton salon. Pas besoin de paillettes, de perruques ou de costumes spéciaux. Et c’est bien correct comme ça. C’est ce qui fait le charme du bar, à mon avis.
Au début de la performance, Ponteix s’est révélé assez efficace dans l’enchaînement des chansons qui se retrouvent sur leur premier EP, J’orage, lancé en mai dernier. Avec une présence scénique un peu timide, le trio s’est vite rattrapé en interprétant des titres où ils se sont donnés à cœur joie dans les effets musicaux. Prenons Béat, par exemple. Il y avait de la réverbération à souhait dans la voix. Peut-être un peu trop par contre, puisqu’on avait de la difficulté à comprendre les paroles. Tandis que sur Chasing The Sun, on reconnaissait facilement la signature musicale avec des guitares électriques pleines de fuzz et des batteries rythmiques plutôt bien guidées.
Quoi qu’il en soit, la musique se voulait très planante et expansive ce soir là, au Divan. La gang vient de la Sasktachewan et ça s’entend en spectacle. On a l’impression que la voix rauque de Lepage nous transporte vers des grands espaces. Et avec le contexte politique actuel, on en avait besoin. Pas de doute ici.
Le temps filait à la vitesse de l’éclair et j’ai décidé de quitter les lieux pour me diriger vers l’Escogriffe, sur St-Denis, afin d’assister à la prestation du quatuor new wave/post-punk Bermudes. Rendue à la salle, je constate rapidement qu’il manquait encore plus de monde dans l’auditoire. Certains étaient plutôt inquiets avec leur téléphone en main. Et avec raison. J’ai compris rapidement que Trump était en avance. En essayant de ne pas trop paniquer, j’essaie de me concentrer encore plus sur le moment présent. Voilà que Bermudes grimpe sur scène, dans le décor caverneux et nocturne de l’Esco. Je redeviens détendue.
La soirée débute. Malgré le contexte spécial, la formation, menée par Louis-Jean Trudeau, au chant et à la guitare, a réussi à performer avec aisance et authenticité. C’est en enchaînant les chansons comme Cinémascope, La Descente, Animal ou Troisième Oeil, que la bande de joyeux musiciens a réussi à capter leur public en les faisant dandiner d’un côté et de l’autre. Au fil des chansons, la salle s’est même remplie tranquillement pour finalement avoir un public soudé d’une dizaine de personnes à peu près. Mais vous savez, on s’en fou de la quantité. On ne garde que la qualité. Et c’est ce que nous avons eu cette soirée-là. Un spectacle de qualité (et un bon party). Trudeau a échangé des regards complices avec ses comparses musiciens (Pasqualina Pisano aux claviers et à la voix, d’Étienne Galarneau à la batterie et à la voix et de Pierre-Olivier Blais à la basse et à la voix), en plus de quelques blagues bien placées sur les élections américaines, secondées par Misteur Galarneau. D’ailleurs, on a senti que le quatuor interagissait entre eux afin d’inciter son public à rester uni du début jusqu’à la fin. Et ç’a très bien fonctionné. Vous savez, Bermudes est sympathique, soudé et rafraîchissant. Les mélodies sont riches, dynamiques et extrêmement bien rôdées tout en amenant l’auditoire vers une zone supérieure qui se veut très festive dans le spectacle. Les festivaliers se sont mis à ranger leur téléphone de côté. Tout le monde dansait ensemble. Tout le monde avait un sourire collé au visage dans la pièce. Et vous savez quoi? Ça m’a fait un bien fou de le constater durant cette nuit-là. Pourquoi? Parce qu’en étant ensemble, la musique et l’amour triomphent sur tout.