Coup de cœur francophone 2018 : Philippe B. & The Alphabet au Club Soda
Ce jeudi 8 novembre, dans le cadre du festival Coup de cœur francophone (CCF), se tenait le concert de Philippe B. au Club Soda. Accompagné d’un véritable orchestre d’une dizaine de musiciens, le chanteur a su séduire la foule venue en nombre par son attitude touchante et ses chansons sublimes.
Parfait de A à Z avec The Alphabet
Enfin ! Quitte à casser le suspens tout de suite. Enfin !
Enfin, et sans vouloir dénigrer les autres concerts qui sont d’une haute qualité, mais enfin ! Enfin un spectacle où on est surpris, intrigué, ému, amusé, passionné… comme pris dans la toile de l’artiste qui joue avec nos émotions et nos attentes tel un horloger du coeur, faisant s’imbriquer les rouages de la vie les uns dans les autres avec une aisance déconcertante.
Pour l’occasion, le musicien s’est entouré d’un « big band » The Aphabet à la manière du E Street Band de Springsteen. Cuivres, violon, choristes et bien sûr basse, guitare et batterie pour l’accompagner. Une formation exploitée à fond, où chaque instrument trouve sa place sans faire de l’ombre aux autres. Les arrangements sont travaillés, subtils et parfois surprenants. Je pense notamment au « tadam tadam » émis par les choristes, symbolisant les bruits de pas lorsque le chanteur prononce « je marche » et qui rappelle évidemment Padam padam de Piaf, ou encore les interludes instrumentaux un brin psychédéliques où les cuivres dominent dans la pièce Hypnagogie à la manière d’un générique de James Bond.
His name is B., Philippe B.
Justement, de l’artiste parlons-en. Lorsqu’il prend la parole, la salle est captivée par son discours et ses élucubrations. Avec pudeur, il raconte parfois la genèse de ses chansons puis s’en va sur d’autres chemins suivant le fil de sa pensée, mais tout en restant présent. Bref, ça change de l’énième artiste qui raconte que sa chanson lui a été inspirée lors d’un voyage…vous voyez de quoi je parle. Philippe B., lui, fait penser à cet homme excentrique que l’on rencontre parfois au coin d’un comptoir, avec qui on discute toute la soirée et qui vous fait voir la vie autrement avant de ne plus jamais le recroiser.
Des beaux mots sur des gros maux
Au fur et à mesure du concert, le chanteur délaissera parfois ses guitares, au profit du piano pour interpréter des pièces sublimes, seul, éclairé seulement par un spot à la lumière voilée. Par exemple avec Nocturne #632, un titre très émouvant et d’une rare finesse.
L’homme est habile de ses doigts, mais l’est aussi avec les mots. Comme il le dit lui-même « mes textes parlent souvent d’amour, mais toujours caché derrière un autre sujet ». Il y a vraiment une grande pudeur et une humilité non feinte chez Philippe B.. Malgré tout, on sent le passionné de la langue française et de ces artistes qui ont contribué à la faire vivre : Brel, Gainsbourg, Ferré et Desjardins, Leclerc ou Charlebois pour ce côté-ci de l’Atlantique.
Pour casser cet état de douce torpeur provoqué par Nocturne #632, et faire monter la température, le musicien enchaine avec Calorifère, une chanson un peu plus rock, qui finira d’ailleurs sur un duel de solo de guitare très bien maitrisé où les deux instruments se parlent et se répondent à la manière d’une conversation passionnée. Puis, vient le temps d’Interurbain, une chanson qui parle de la difficulté d’être loin de ses proches parfois — Philippe B. étant originaire de Rouyn-Noranda — lui qui s’étonne que cette chanson « très personnelle, parle à tout le monde ». L’universalité, c’est la marque des grandes œuvres.
Après « l’ensoleillée » comme il la qualifiera lui-même, California Girl, l’artiste présente un à un ses musiciens puis interprète Une nuit de la St-Jean sur le Mont Chauve (le surnom du Mont-Royal dans les années 50). Encore quelques pièces et nous voilà déjà à la fin du concert. Philippe B. reviendra d’abord seul pour jouer Y va toujours y avoir de Richard Desjardins puis conclura avec l’orchestre au complet sur L’amour est un fantôme et ses chœurs oniriques à souhait.
Il a quitté la scène sous les ovations d’un public debout, non sans avoir au préalable effectué une révérence « à l’ancienne » sur le devant de la scène, entouré de ses musiciens. Une vraie marque de gratitude et de respect vis à vis du public et de son art qui fait plaisir à voir.
Bref, on l’aura compris, ce spectacle a été une totale réussite, de la première mesure à la dernière, sans fausses notes aucune.
Liste des chansons :
01. L’été02. Ornithologie II03. Hypnagogie04. Je t’aime, je t’aime05. Cheveux courts, cheveux longs06. Ornithologie I07. Rouge-gorge08. Nocturne #63209. Calorifère10. Nous irons jusqu’au soleil11. Interurbain12. Canyon13. California Girl14. Une nuit de la St-Jean sur le Mont Chauve15. La grande nuit vidéo16. Petite leçon de ténèbres17. La ville est làRappel01. Y va toujours y avoir02. L’amour est un fantôme