Brian Wilson au Théâtre St-Denis : Envoûtement total et durable d’émotions
On ne l’attendait plus, le grand génie des Beach Boys et pourtant, depuis un moment déjà, le gamin de 76 balais à l’imposante silhouette, apathique et immuable, livre sur scène son patrimoine musical en collectivité au son du surf et des vagues. Hier soir, était-ce la dernière des dernières? Il semble bien que oui.
Après son passage au Festival International de jazz de Montréal il y a deux ans alors qu’il présentait Smile (chef-d’œuvre inachevé de 1967 en collaboration avec le compositeur et arrangeur Van Dyke Parks et finalement publié en 2004) ainsi que plusieurs chansons de Pet Sounds (1966) album installé dans un panthéon mythique, duquel Paul McCartney est admiratif et jaloux, le souvenir de 2016 laissait augurer un concert alléchant.
Parce que les onze musiciens qui l’entourent, dont certains apparaissent dans le film biographique Love and Mercy paru en 2015, sont d’indispensables compagnons qui apportent sur scène toutes les nuances et subtilités sonores et surtout cette grande richesse au niveau des harmonies vocales, illustre démonstration encore hier.
On le sait fragile, Brian Wilson, et c’était tout autant frappant lorsqu’il s’est installé au centre de la scène, marchant avec difficulté, sous le bras de son assistante. Déjà, le pari était remporté. Brian Wilson n’a qu’à faire acte de présence et se laisser conduire par la rutilante machine. Et jeter de temps à autre un coup d’œil à Al Jardine, partenaire responsable de la zique, tout juste à côté de lui, membre fondateur des Beach Boys qui joue de la guitare et chante avec un indéfectible bonheur les Little Deuce Coupe, I Get Around, Fun Fun Fun, Barbara Ann et autres pépites surf en osmose avec les voix du groupe : tout le monde y participe! Même l’impayable Blondie Chaplin et sa guitare incisive qui apporte un contrepoint intéressant au spectacle.
Lorsque le gendre de Brian Wilson, Rob Bonfiglio a assuré comme un grand la partition vocale de Don’t Worry Baby, c’était pile-poil. On baignait dans le falsetto et l’on buvait chaque mot de cette chanson, déchirés jusqu’à s’en fendre l’âme. Toutes les 26 chansons étaient de la même ambition : exécutées avec raffinement, onze musiciens au service de la musique.
La tournée 2018 de Brian Wilson s’intitule Greatest Hits Live. Dans cet arc-en-ciel sonore, trois chansons seulement de Pet Sounds figuraient sur la liste : Wouldn’t It Be Nice (première plage de l’album), Sloop John B et le plus beau moment, sans nostalgie aucune : God Only Knows, inoubliable morceau, surtout avec le reste de la phrase qui enchaîne — How I feel about you… — Sublime thème majeur qui vaudra une ovation de la salle remplie au trois quarts en cette soirée polaire. Dernière chanson avant le rappel : Good Vibrations, hymne hippie, s’il en est, fédérateur, immortel, qui mettra la table pour quatre archiconnues de moins de trois minutes au rappel avant la poignante Love and Mercy.
La musique de Brian Wilson est bien vivante en 2018. Il est resté fidèle à la bonne vieille école en se contrefoutant des modes. Au travers de ses tempêtes personnelles, on peut affirmer qu’il est un survivant tandis que ses frérots Carl et Dennis le regardent d’en haut propager son immense legs musical. En quittant la salle, nous sommes restés avec une impressionnante impression d’unanime contentement. Gratitude infinie.
Liste des chansons:
· California Girls
· Dance, Dance, Dance
· I Get Around
· Shut Down
· Little Deuce Coupe
· Little Honda
· In My Room
· Salt Lake City
· Don’t Worry Baby
· Wake the World
· Add Some Music to Your Day
· California Saga: California
· Darlin’
· Feel Flows
· Wild Honey
· Sail On, Sailor
· Do It Again
· Wouldn’t It Be Nice
· Sloop John B
· God Only Knows
· Good Vibrations
Rappel:
· Help Me, Rhonda
· Barbara Ann
· Surfin’ U.S.A.
· Fun, Fun, Fun
· Love and Mercy