Concerts

Anomalie au Théâtre Fairmount

Histoires d’éponges

Anomalie était au Théâtre Fairmount hier soir, avec son groupe, à l’occasion du lancement de la suite de son dernier EP, Métropole II. The Kount et Falcxne, ont ouvert la soirée en duo avec leurs rythmes injectés d’une généreuse dose de déjà vu – mais d’un déjà vu néanmoins funky. Disons qu’à défaut d’être devant des compos et des reprises d’une grande qualité (à vrai dire, les deux étaient indiscernables), on n’était tout de même pas assommés d’ennui. Les deux gars ont une bonne présence scénique et sont assez « tight », virtuellement les deux seuls critères signifiants lors d’une telle performance. Bon, la majorité de la job est faite par une séquence qui sort en jack 1/8, et donc leur présence sur scène est somme toute symbolique, mais l’assemblée avait du fun, alors je passe l’éponge.

Pas d’éponges sur Anomalie

Pas besoin, en revanche, de passer l’éponge sur Anomalie et son groupe. Ce serait déplacé de toute façon. Monter sur scène et tout… en tout cas, ce n’est plus un secret maintenant, Nicolas Dupuis et ses comparses donnent un méchant bon show. Tout est rodé au huitième de tour, des punchs sur le 2e temps, aux automations de réverbération. Le claviériste fait preuve d’une ingéniosité assez redoutable pour réussir à jouer toutes les parties de synthés et de pianos que nécessite l’interprétation de ses pièces. Son clavier MIDI change de vocation de timbres constamment, et il suit la cadence comme si de rien n’était, avec son éternel air mi-stoïque mi-moqueur. Et même indépendamment de la technique qui l’entoure, la musique est jouée à la perfection, avec quelques petits arrangements par-ci par-là.

Manque d’éponges pour la foule

La foule était complètement irrespectueuse et criait par-dessus la musique, non seulement pour marquer quelque quatre-doubles que ce soit, mais même pour parler, tout bonnement, pendant la performance. Ce n’est pas que je suis surpris; je suis maintenant, et bien malgré moi, habitué aux trop nombreux adeptes bruyants et abrutis par la virtuosité du jazz fusion. C’est plutôt qu’à chaque concert j’ai comme l’espoir naïf que les gens vont être illuminés par l’Idée du respect de l’interprète. Soit je suis un utopiste à mes heures, soit j’ai manqué la conférence TED de Snarky Puppy ou Cory Henry qui explique tout en bombardant son Sub 37. En fait, un concert, c’t’un peu comme l’Escalier à 23:59 la veille du jour de l’an.

Ne pas jeter l’éponge compositionnelle

Toutefois, en arrière du mur de son, le show était bon; bien assez pour éponger mes déboires socioculturels. C’est ça l’important non ?

Le seul petit bémol que j’aurais à apporter à la musique porte sur les nouvelles compositions. Je redoute de plus en plus les sorties d’Anomalie, parce que j’observe de moins en moins d’évolution stylistique ou de renouvellement d’œuvre en œuvre. On dirait que plus ça va, plus il semble confortable dans sa procédure (petit bout calme et aérien avec des sub de triton au piano — gros bout fat — reprise). Je l’avais déjà remarqué, mais ce cycle ne m’a sauté au visage qu’hier soir. Certains diront qu’il a trouvé un paradigme qui fonctionne à la perfection, moi je dirais qu’il doit juste réaliser qu’il est confortable pour pouvoir pousser son art plus loin – parce qu’on sait tous très bien qu’il en a le potentiel.