Concerts

Ondes lumineuses – 25 octobre 2017

Xavier Madore ouvrait la quatrième soirée (la première à l’Usine C), sous le thème des ondes lumineuses (en référence à Licht de Stockhausen). Gagnant du JTTP 2017, Madore a spatialisé Les loges de la suite, une nouvelle composition montée à partir d’échantillons et de pulsions articulées rythmiquement. Le phrasé faisait penser à un fou qui manipule une tirelire remplie de tout sauf de la monnaie, trame déformée par des coupures et des étirements sonores, trafiqués par des effets de filtrage et de réverbération. La progression est très intéressante, jusqu’à ce que la pièce se termine un peu trop facilement sur une séquence saturée, donnant une impression d’interruption qui laisse les oreilles sur leur faim. Après avoir particulièrement apprécié Récit D’un Presqu’aller-retour (gagnant du JTTP 2015, présenté à AKOUSMA XII), Les loges de la suite est tout aussi captivante, mais est passée rapidement comme l’aperçu d’une nouvelle composition.

La Norvégienne d’origine britannique, Natasha Barrett, donnait suite avec He slowly fell, and transformed into the terrain (2016), pièce ambisonique composée sur quarante-neuf canaux (comparativement à deux en stéréophonie) et parfaitement adaptée à l’orchestre de haut-parleurs installé à l’Usine C. La trame suit un personnage cherchant l’équilibre pendant sa chute d’un carrousel de foire abandonné vers un sol couvert de feuilles mortes et de neige fondante. La pièce se déploie en tourbillons de souffles et de sifflements, spatialisés de façon à se déplacer comme des coups de vent à travers la salle, enveloppant le public comme s’il se trouvait au milieu d’une foire aspirée par une tornade.

Le quintette de cuivre avec batterie, Magnitude6, faisait exception à la formule acousmatique habituelle en proposant une performance avec instruments acoustiques (cinq cuivres et une batterie) de la pièce SN1314 (2016) d’Alain Dauphinais. Bien que l’œuvre soit inspirée d’une supernova passée près de la Terre en 1314, il n’y avait pas vraiment d’impression de lévitation d’ordre stellaire, mais plutôt d’ordre océanique, comme un sous-marin à vapeur qui génère des vibrations métalliques ponctuées d’impacts de tuyauterie. L’effet de réverbération à convolution resitedemo.cauisait efficacement l’acoustique d’une cathédrale et permettait ainsi de laisser s’évaporer les notes jouées et les percussions frappées.

La soirée continuait après l’entracte, avec la diffusion d’Oktophonie (1991) de Karlheinz Stockhausen (1928-2007), qui est en fait l’acte 2 de l’opéra Dienstag aus Licht, le « mardi » de son œuvre monumentale Licht (1977-2003), avec ses sept opéras correspondant chacune à un jour de la semaine. À travers la titanesque trame de soixante-dix minutes composée sur huit canaux (d’où le nom), Oktophonie superpose les strates synthétiques avec les voix, les cuivres et les percussions pour raconter le conflit entre l’archange Michel et Lucifer. L’expérience auditive de l’œuvre est difficile à résumer, mais peut certainement être qualifiée de marquante, à savoir qu’elle peut autant provoquer des frissons de génie que des engourdissements d’ennui. Par exemple, la ligne à la basse assure parfaitement la part dramatique du thème, mais la longueur des segments peut laisser une impression d’étirement qui déjoue complètement le sens de l’anticipation et fait disparaître la dynamique de tension et détente. Heureusement, Stockhausen ne laisse personne indifférent, et la diffusion d’Oktophonie a reconfirmé cette vérité.