Une entrevue avec Peter Henry Phillips
Dans la chaleur collante de l’Abstracto, bar coloré de Rouyn-Noranda, Peter Henry Phillips lançait son premier album, The Origin, au Festival de musique émergente d’Abitibi-Témiscamingue. On a rarement vu des lancements de premier disque avec un artiste aussi à l’aise sur scène, envoûtant la salle de ses yeux bleus et de sa musique planante.
C’est que Peter Henry Philipps, de son vrai nom Pierre-Philippe Côté, aussi connu sous le pseudonyme de Pilou, travaille comme musicien professionnel depuis son adolescence: «j’ai même jamais eu d’autres jobs», lance celui qui a été approché par une maison de disque à 14 ans pour enregistrer un premier album. «Après avoir longtemps réfléchi, j’avais refusé, parce que je ne me sentais pas prêt. C’était une excellente décision.»
Parce qu’avant de finalement faire paraître son premier album une quinzaine d’années plus tard, Peter Henry Phillips a fait un baccalauréat en contrebasse classique, a joué dans plusieurs bands, a fait de la musique de film (dont celle du Règne de la beauté de Denys Arcand) et a lancé le prestigieux studio Le Nid. Qu’est-ce qui fait qu’avec une carrière établie, on choisit de se lancer en projet solo? «Avec la trentaine, je me suis mis à penser que si j’arrivais à mes quarante ans sans avoir réalisé mon rêve d’avoir un album à moi, je serais déçu. J’avais des compos depuis 10 ans qui dormaient dans un tiroir. Quand j’enregistrais Philippe Brach pour son premier album, La foire et l’ordre, je lui ai fait entendre des tounes et il m’a dit “come on, faut que tu sortes ça”, alors je l’ai fait.» Philippe Brach lançait d’ailleurs, en même temps que Peter Henry Phillips, son plus récent album au FME. Vous pouvez en lire le compte rendu ici.
Né à Timmins, dans le nord de l’Ontario, Pierre-Philippe Côté a appris l’anglais en écoutant les dessins animés. Sa première incursion dans la culture, il l’a donc eu par l’anglais. La langue de composition s’est imposée d’elle-même. Restait le problème du nom de projet. «Pierre-Philippe Côté, prononcé par un anglophone, ça sonne mal. Alors j’avais pensé à Peter Peter, mais c’était déjà pris, blague-t-il. Le Henry, c’est en hommage à mon grand-père.»
Ne lui dites pas que sa musique ressemble à celle d’autres artistes actuels: «Je n’aime pas ça, les comparaisons! Des fois, on me dit que ma musique ressemble à Patrick Watson, mais on a commencé à jouer en même temps. On m’a même dit que je devais avoir écouté beaucoup de Half Moon Run, en référence à une toune écrite avant même qu’ils existent… C’est pas des influences directes, on est peut-être plus influencé par les mêmes choses, mais stop avec les comparaisons.» Il vaudrait mieux parler de filiation, de musiciens partageant un son semblable, à la limite. Une fraternité musicale. Pour l’enregistrement, d’ailleurs, Peter Henry Phillips s’est entouré d’une famille élargie de musiciens, allant même chercher le sitedemo.caucteur belge Daniel Bleikolm. S’ajoute à ça une belle brochette de messieurs: Benji Vigneault, Justin Allard, Alexis Aubin-Marchand, Mathieu Desy, Pierre Olivier Gagnon, Thomas B. Champagne, Olivier Langevin et le Quatuor 4L. Pas mal !
Puisqu’il compose beaucoup pour le cinéma, est-ce que l’écriture d’un album solo est influencée par le médium de l’image animée? «Quand je compose, je vois toujours un film dans ma tête. Chaque pièce est un court-métrage, mais qui partage les mêmes lieux: la route, le voyage, le retour à la maison.» Les douze pièces de The Origin forment donc un road-movie musical.
En spectacle ou en disque, Peter Henry Phillips nous laisse planer dans son univers, avec le bagage du musicien d’expérience, mais la fraicheur du nouveau venu.
Pour l’anecdote
Le premier groupe à Montréal avec qui a joué Pierre-Philippe Côté était Navet Confit. «Je ne comprenais tellement pas ce qu’ils faisaient. J’étais pas à l’aise! Je les trouvais buzzés, je catchais pas c’était quoi leur trip de musique. Un moment donné, j’ai réalisé que les distos qu’ils faisaient avec leurs pédales et leurs amplis étaient contrôlés, que c’était pas juste du bruit. Ça a tout changé. Et maintenant, c’est un des bands que je préfère», raconte, les yeux brillants, celui qui a enregistré l’album de Navet Confit à paraître le 18 septembre, avec le fabuleux titre de Lol.