Chroniques

The Velvet Underground

The Velvet Underground

  • MGM
  • 1969

Le Velvet Underground occupe assurément une place de choix dans mes plaisirs auditifs. Du « banana album » à Loaded, les quatre disques de la formation sont des joyaux que j’écoute encore aujourd’hui avec beaucoup d’émotion. Malgré son caractère irascible – parlez-en à quelques journalistes qui ont goûté à sa médecine – Lou Reed a permis au jeune homme en colère et mal dans sa peau que j’étais de sortir de sa coquille, de se sentir un tant soit peu « normal »…

Évidemment, quand j’ai su que l’album éponyme du Velvet fêtait son 50e anniversaire, j’ai avisé rapidement le rédacteur en chef du Canal Auditif que je serais la personne parfaite pour rédiger l’apologie de ce grand disque.

Un chef-d’œuvre d’apaisement

Lancé en mars 1969, ce chef-d’œuvre marque l’arrivée du multi-instrumentiste Doug Yule qui remplace cavalièrement John Cale. Les égos de Reed et Cale ne pouvant plus cohabiter ensemble – Reed a toujours aimé s’entourer de tempéraments mollassons – l’arrivée de Yule cadrait donc parfaitement avec le désir d’émancipation du principal songwriter de la formation. Après deux créations avant-gardistes, dissonantes et abrasives (The Velvet Underground & Nico et White Light/White Heat), le Velvet amorce alors un virage domestiqué qui met en vedette le talent littéraire qui habite Lou Reed, et qui relègue une fois pour toutes l’aura d’Andy Warhol aux oubliettes.

Le « bon » Lou voulait un album qui se distancie drastiquement de l’assaut sonore proféré par White Light/White Heat… et c’est exactement ce à quoi l’auditeur a droit. Ponctué par de superbes ballades et enjolivé par de simples chansons rock, mais d’une incontestable efficacité, l’éponyme du Velvet émeut autant qu’il fait taper du pied. Sans remiser son identité au rancart, le Velvet embellit son univers en le synthétisant, visant ainsi la séduction d’un plus grand nombre d’adeptes. Ce disque ne se vendra pas plus que les autres, mais comme toutes les productions du groupe, il a inspiré une interminable liste de musiciens.

Bon jusqu’à la dernière note !

Ce périple apaisé débute de belle façon avec Candy Says : pièce qui met en vedette Candy Darling, une transsexuelle mythique qui glandait souvent à la Factory de Warhol. Sur l’insistance du patron, c’est Doug Yule qui interprète cette chanson qui, à elle seule, constitue un condensé parfait des thèmes si chers à Lou Reed (paranoïa, dépression, humiliation, etc.) :

« Candy says I’ve come to hate my body
And all that it requires in this world
Candy says I’d like to know completely
What others so discretely talk about

I’m gonna watch the blue birds fly over my shoulder
I’m gonna watch them pass me by
Maybe when I’m older
What do you think I’d see
If I could walk away from me

Candy says I hate the quiet places
That cause the smallest taste of what will be
Candy says I hate the big decisions
That cause endless revisions in my mind

I’m gonna watch the blue birds fly over my shoulder
I’m gonna watch them pass me by
Maybe when I’m older
What do you think I’d see
If I could walk away from me »

– Candy Says

Après une Candy Says émouvante, Lou Reed et Sterling Morisson enchaînent avec un moment « guitaristique » parmi les plus enthousiasmants de l’histoire du rock : What Goes On. Dans cette pièce, le jeu des deux instrumentistes – pastiché à outrance par d’innombrables groupes dits « alternos » – est à l’avant-plan. Une exécution tellement plagiée qu’un groupe comme The Wedding Present en a fait sa marque de commerce. Je vous invite à écouter attentivement Take Me!, chanson tirée de l’album Bizarro, pour vous en convaincre.

Suit cette sorte de country-blues brinquebalant titré Some Kinda Love. Laissons parler le texte un brin pervers gracieuseté de Reed :

« And some kinds of love the possibilities are endless
And for me to miss one would seem to be groundless
I heard what you said, Marguerita heard Tom
And of course you’re a bore but in that you’re not charmless
Cause a bore is a straight line that finds a wealth in division
And some kinds of love are mistaken for vision
Put jelly on your shoulder let us do what you fear most
That from which you recoil but which still makes your eyes moist »

– Some Kinda Love

Ensuite, place à un classique « velvetien » : la magnifique Pale Blue Eyes; morceau repris par plusieurs groupes. D’ailleurs, R.E.M en fait une excellente version sur la compilation de « b-sides » de la formation titrée Dead Letter Office. La face A (on est en 1969 quand même !) de cette production se termine avec Jesus : une complainte remplie de désespoir, au point où Reed implore une intervention divine !

La face B démarre sur des chapeaux de roues par une performance vocale incarnée de Reed. Intitulée Beginning to See the Light, cette chanson est une réponse enjouée à Jesus. I’m Set Free reprend de nouveau le flambeau de l’espoir grâce à cette atmosphère que je qualifierais de « gospel de ruelle ». Idem pour la comptine country-rock That’s the Story of My Life qui garde intacte l’aura positive de cette face B.

On ne peut discourir sur le Velvet sans qu’il y ait un moment anormal et c’est The Mystery Hour qui est l’ovni officiel de ce disque. Reed, Morisson, Moe Tucker (percussionniste) et Yule participent tous les quatre à l’interprétation de cette bizarrerie. Tucker et Yule chantent des mélodies dissemblables sur des textes différents pendant que Reed et Morisson, réparti respectivement à gauche et à droite dans le mix, déclament deux poèmes simultanément. Ce qui aurait pu devenir une véritable catastrophe se transforme en une totale réussite.

L’album se conclut avec Tucker qui interprète de façon inharmonieuse un autre classique du groupe : After Hours.

Un disque signé Lou Reed

Réalisé par le groupe lui-même, ce troisième chapitre de la carrière du Velvet est la naissance officielle de Lou Reed, l’auteur-compositeur-interprète. Dieu sait que la carrière de l’artiste fut ponctuée de quelques ratages notoires. La plupart du temps, ces échecs étaient l’œuvre de mauvaises décisions de la part de Reed, surtout en ce qui a trait au choix de ses accompagnateurs. Il les aimait bien dociles… Sur ce disque, le bonhomme est accompagné par des gens talentueux, juste assez compétents pour bien servir les chansons.

Encore aujourd’hui, cette production est une référence indémodable; un phare intemporel pour tout ce qui gravite autour de la scène indie. En ce qui me concerne, cette création est toujours un précieux réconfort dans mes nombreux moments de doute et de lassitude…

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