Chroniques

Porte-voix de l’union des coeurs : une entrevue avec Cheikh Ibra Fam

Peu d’artistes ont la chance d’évoluer au sein de groupes cultes. C’est la destinée de l’artiste originaire du Sénégal Cheikh Ibra Fam, ex-membre de l’Orchestra Baobab mondialement connue. Convié à célébrer le Mois de l’Histoire des Noirs au National sous l’invitation de Nuits d’Afrique, le chanteur multi-instrumentiste posait le pied pour la seconde fois à Montréal, s’éloignant pour un instant des latitudes de l’île de la Réunion. Son album solo Peace In Africa convainc par son vent de liberté et ses partitions de l’universel.

HB : Comment as-tu vécu ton ascension en solo après l’expérience déterminante de six années avec l’Orchestra Baobab ?

CIF : Ce fut une intégration naturelle et spontanée initiée par le chef d’orchestre. Avant, j’évoluais en solo au nom de « Freestyle » au Sénégal, où j’avais mon public, et réalisé trois albums. Avec l’Orchestre, nous avons sillonné les quatre coins du monde. Une chance unique que je reconnais.

HB : Quelle vision de la musique cultives-tu depuis ton coup de foudre avec la musique soul d’Otis Redding à l’enfance ?

CIF : Comme tout enfant au Sénégal, l’influence parentale m’a marqué et je ne voulais pas froisser mon père en allant tout de suite vers la musique. Ma mère écoutait les Otis Redding et autres, le gospel, ces musiques m’ont tout de suite parlé, tout comme la rythmique cubaine. Lorsque j’ai pris les instruments et me suis mis au chant, mon père n’en croyait pas ses oreilles ! Que cela puisse venir de moi… Il m’a donné sa bénédiction et il a aussi financé mes études en Italie. Après avoir passé six ans au Conservatoire de Milan, j’ai appris à jouer de multiples instruments dont le piano et le violon. Une ouverture à la grande musique.

HB : Le festival des Francofolies de l’Île de La Réunion auquel tu as participé te qualifie d’esprit libre et futuriste, comment l’exprimes-tu en musique sur ton opus  Peace In Africa  ? Est-ce par cette diversité de rythmes ?

J’ai été bercé par la vie africaine qui ne se devine pas, au jour le jour. J’ai toujours aimé voyager avec mon père, et depuis que je vis à La Réunion, je m’inspire de la musique mayola. J’aime tant prendre l’avion, je m’y sens libre. La liberté est une condition nécessaire pour accroître la créativité, et s’exprimer naturellement.

HB : Est-ce qu’on assiste à une page tournante de la musique sénégalaise internationale post-Youssou N’Dour par le courant de l’afro-pop qui est ta griffe ?

CIF : On peut avoir cette impression, mais ce n’est pas assez marqué encore. Tellement d’artistes demeurent cantonnés au succès sur Internet. Comme s’il n’y avait aucune passation autre que sur les plateformes ! Même au niveau de la presse au Sénégal, ce sont toujours les mêmes artistes dans les rubriques. Il faudrait que les règles changent aussi en Occident afin de laisser plus de place à la relève africaine, car elle ne sait pas comment arriver sur les scènes du monde.

HB : Crois-tu au pouvoir de la musique pour changer la politique ?

CIF : On me dit révolutionnaire, mais j’ai moi aussi galéré, vécu des hauts et des bas… Je connais les réalités chez nous au Sénégal. L’État ne parle qu’aux grands et peu à la jeunesse, aux artistes.

HB : Quel serait ton rêve artistique ?

Les rêves diffèrent de la réalité. J’ai rencontré Angélique Kidjo et Tiken Jah Fakoly, tout naturellement. On ne choisit pas les artistes que l’on côtoie, il me faut continuer à chanter avec un message de tolérance. Semer les sourires, la paix et l’union des cœurs. On doit cultiver la paix bien au-delà des pays en guerre. Il y a beaucoup d’hypocrisie qui la brime, de regards en biais. Je trouve un bouclier avec la musique qui rejette toute violence. Mon langage universel.

Crédit photo: Ibrahima Khalioulah

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