Chroniques

Nick Cave And the Bad Seeds – La liste de lecture essentielle

Nick Cave et ses mauvaises graines sortent Ghosteen, leur 17e album en carrière. C’est un chiffre très impressionnant, surtout quand on constate qu’aucun album des Bad Seeds n’est mauvais. Bon, certains débattront sur Nocturama, mais de mon côté, je le trouve bien supérieur à l’ensemble des disques alternos qui sortaient à la même époque. Oui, je suis excessivement fan et j’aurais pratiquement pu faire une thèse de maîtrise sur le grand Nick. Si tu ne le connais pas ou peu, voici une introduction parfaite à son oeuvre gigantesque. Question de ne pas trop brouiller les cartes, cette liste se concentre uniquement sur l’époque des Bad Seeds, de 1983 à 2016. Si ça vous plaît, on vous conseille fortement de jeter une oreille à Boys Next Door, Birthday Party, Grinderman, les trames sonores signées Cave & Ellis ou Nick Cave solo, question de tout explorer.

Avalanche

Étrangement, ce sont les mots de Leonard Cohen qui donnent le coup d’envoi de la carrière des Bad Seeds. Étrange choix, étant donné que le leader est un type plutôt verbomoteur. Ça se comprend facilement une fois que l’on comprend la place que prennent les idoles de Nick Cave dans sa musique. La version de l’album est très hermétique, sombre et limite maniaque, à des lieux de la manière dont il l’interprète en spectacle ces derniers temps.

From Her to Eternity

La chanson titre du tout premier album des Bad Seeds est une chanson qui parle du désir et de sa mort. C’est un sujet qui peut être très beau et qui est utilisé par une grande quantité de musiciens et auteurs. Sous la plume du Nick Cave de 1983, ça devient un sujet angoissant qui flirte avec l’horreur pure. Il reste encore beaucoup de traces de Birthday Party dans l’ADN musicale du bonhomme à cette époque.

Tupelo

La chanson qui ouvre The Firstborn is Dead, est épique à en faire le bacon à terre. Le disque se déploie comme une des seules oeuvres de Goth Blues qui existe et son titre est intimement lié au sujet de cette première pièce. Cave y jase de la nuit de naissance de l’une de ses idoles, Elvis Presley, qui avait un frère jumeau qui est mort-né. C’est un délire pas du tout joyeux, mais complètement magnétique.

Train Long Suffering

La pièce la plus upbeat et la plus délirante du 2e album. J’adore la chorale intoxiquée qui répond au chant délirant du leader et les percussions qui évoquent, vous l’aurez deviné, un train. Un train qui s’en va direct en enfer. 3 minutes et demie de pur fun. Juste le bon format pour jouer à la radio dans un monde utopique.

All Tomorrow’s Parties

C’est déjà une chanson excessivement angoissante lorsqu’elle est chantée par Nico et les Velvet Underground mais Nick, Blixa , Mick et les autres arrivent à la rendre encore plus malsaine sur Kicking Against the Pricks, un 3e opus composé uniquement de reprises. On y retrouve également d’excellentes versions de classiques de Jimi Hendrix, Johnny Cash ou John Lee Hooker. Un disque sympa, même s’il n’est pas essentiel.

The Carny

1986 est une année particulièrement productive pour le groupe, qui sort son album de reprises et un album de matériel original qui sera à ce moment, l’oeuvre la plus aboutie des Bad Seeds: Your Funeral, My Trial. La 2e piste de l’album est clairement le moment le plus mémorable. Nick narre la description d’un carnaval gitan qui passe dans la ville, mais que personne ne voit repartir, le tout sur la musique de cirque la plus glauque et disloquée que l’on peut imaginer. Pour moi, c’est un des joyaux de la couronne de l’intégrale de l’oeuvre.

Hard On For Love

Une chanson de désir dans laquelle Nick est à la fois vulgaire, solidement romantique et un brin blasphématoire. I am the fiend hid in her skirts/and it’s as hot as hell in here/Coming at her as I am from above…The lord is my shepard I shall not Want/I am his rod and his staff/I am his sceptre and shaft/And she is heaven and hell/ At whose gates I ain’t been delivered. Incontournable.

Watching Alice

Oui, c’est sur Tender Prey, album numéro 5, que l’on retrouve le classique The Mercy Seat, qui a plus tard été repris par une autre grande idole de Cave: Johnny Cash. Cependant, pour moi, ce sont les chansons dites mineures qui frappent le plus fort sur cet album. Watching Alice est une chanson sur le voyeurisme. Le propos est lourd étant donné que le narrateur espionne une adolescente dans toute sa nudité et son innocence, mais Cave et cie arrivent à insuffler une tristesse immense et une beauté à couper le souffle à la pièce. Comme nous l’a dit l’auteur vendredi dernier, il y a de la beauté partout.

Slowly Goes the Night

Celle-ci est ma préférée du cinquième album. Nick se la joue crooner, à la sauce Sinatra, mais avec une touche légèrement décadente qui propulse cette pièce dans les hautes sphères de l’excellence pure (pas fan pantoute le gars). Cave traversait une période intense de décadence à l’époque de la création de cet album et il n’est pas particulièrement fier de sa production ni des performances qui s’y retrouvent immortalisées. Et pourtant, c’est pas mal du génie pur d’un bout à l’autre.

The Weeping Song

The Good Son, paru en 1990 est écrit alors que Cave est en amour avec Viviane Carneiro, la mère de son premier fils. C’est un album à fleur de peau, mais beaucoup plus léger que les précédents dans le ton. Cette quatrième chanson est l’un des grands, et excessivement accrocheurs, moments de l’album.

Lament

J’aime bien l’ambiance cabaret/club qui se dégage de ce morceau avant qu’il tombe dans un refrain purement emo. C’est ben ben le fun!

Straight to You

Nick Cave déteste tellement le 7e album des Bad Seeds qu’il a fait un album live tout de suite après (Live Seeds) afin de rendre justice aux pièces qui s’y trouvent. Quoi qu’il en pense, Henry’s Dream est un album très solide où Cave développe davantage son côté conteur et sa façon unique d’intégrer des personnages à ces chansons. La plupart sont des histoires très glauques où s’entremêlent passion, sexe et meurtre. Straight to You par contre, est une chanson d’amour qui aère l’ensemble de l’album et qui est fort sympathique.

Jack the Ripper

Dans le monde de Nick Cave, Jack l’éventreur est un type dominé d’une main de fer par sa femme. La conclusion d’Henry’s Dream est un genre d’« origin story » du plus célèbre tueur en série de l’histoire britannique ainsi qu’une oeuvre d’une redoutable efficacité.

Do You Love Me?

Let Love In (album numéro 8 pour ceux qui suivent encore) est tellement parfait! C’est l’album que je recommande habituellement en premier à tout le monde qui veut se faire convertir. La première chanson de l’album est selon moi la meilleure intro d’album de tous les temps. Ostine-toi tant que tu veux, tu ne réussiras pas à me convaincre que non. En plus, c’est aussi la conclusion de l’album puisque sa deuxième partie referme l’album.

Ain’t Gonna Rain Anymore

Une des chansons d’amour les plus déchirantes jamais écrites. Tout simplement.

Henry Lee

Sur Murder Ballads, Cave revient au style d’écriture qui prévaut dans Henry’s Dream en mettant en scène des personnages qui connaissent des fins tragiques ou qui sont pourvoyeurs de fins tragiques pour les autres. Dans Henry Lee, Cave joue le rôle du personnage titre et nul autre que PJ Harvey (qui deviendrait brièvement son amoureuse dans la réalité) joue le rôle de la femme jalouse qui le tue en le poussant dans un puits. Un des meilleurs moments de cet album excellent.

O’Malley’s Bar

J’aurais pu mettre Stagger Lee dans cette liste puisque c’est la chanson la plus connue de Murder Ballads, mais tant qu’à écouter une chanson qui décrit une tuerie dans un bar, aussi bien y aller avec celle qui est le plus graphique. Une des plus longues chansons du répertoire de Cave, du haut de ses 14 minutes et des poussières.

(Are you) The One That I’ve Been Waiting For?

Sur la pochette du 10e album du groupe, Nick pose le regard sombre et les traits tirés. Il retournera en désintox peu avant la sortie de l’album le plus épuré et le plus écorché des Bad Seeds. The Boatman’s Call est dominé par le piano et la douleur que l’auteur-compositeur a vécus à la suite de sa peine d’amour avec Polly Jean Harvey. On le comprend et celle-ci est reconnaissable partout dans les textes de ce disque, particulièrement dans celle-ci et Black Hair.

Idiot Prayer

Ma chanson favorite de ce 10e album qui recèle des trésors. C’est une chanson d’adieu assez défaitiste qui peut être utilisée avec n’importe quel deuil qu’il nous faudra éventuellement faire dans la vie.

Fifteen Feet of Pure White Snow

C’est seulement en 2001 que Nick Cave reviendra avec un album plus difficile à aborder pour n’importe qui n’ayant pas suivi jusqu’ici. No More Shall We Part est sans doute l’album le plus spirituel, voire religieux, de notre homme et les back vocals des soeurs McGarrigle qui ponctuent l’oeuvre abondamment donnent une atmosphère très pastorale à l’ensemble. C’est celui que je revisite le moins souvent, malgré que sa qualité soit indéniable, notamment grâce à ce morceau. À l’époque où il est sorti, j’avais l’impression que Nick Cave nous faisait le coup du « born again christian » pour se sortir de la drogue.

Darker With the Day

La très jolie conclusion de No More Shall We Part, tout simplement.

Dead Man in My Bed

Nocturama, 12e album des Bad Seeds et dernier sur lequel on retrouve le génial Blixa Bargeld, est un disque qui fait l’unanimité chez les fans comme étant le moins bon. Et pourtant, on y retrouve des chansons très solides. C’est que l’ensemble est un peu pas mal hétéroclite et il manque peut-être un brin de cohésion. Sinon, on y retrouve d’excellents moments rock comme celle-ci.

Babe, I’m on Fire

Un grand délire de 15 minutes qui est très répétitif, rempli d’humour et bourré d’autodérision. Nick s’y moque surtout de son côté preacher et de sa réputation d’artiste intense. J’adore cette pure débandade qui dure tout un côté de vinyle.

Hiding All Away

Enregistré en douze jours entre mars et avril 2004, le premier album double du groupe est un disque assez intense où le rock fusionne avec le gospel pour créer des pièces très intenses du côté intitulé Abattoir Blues et plus doux et spirituel sur Lyre of Orpheus. J’aime énormément le côté live en studio de la galette. Sur cette pièce, on entend Nick confondre ses choristes qui ont de la difficulté à placer ses mots sur la mélodie et éclatent de rire sur la prise finale. C’est vraiment une approche trippante et le gospel a rarement été si bien utilisé dans le rock.

Nature Boy

Un hymne à la beauté et à l’émerveillement. Je pourrais passer des jours à l’écouter en loupe.

O Children

La conclusion de The Lyre of Orpheus est probablement la pièce la plus connue de l’album juste parce qu’elle s’est ramassée sur la trame sonore d’un Harry Potter. C’est également la plus dramatique du lot. Fait intéressant: Il existe un groupe indie rock britannique qui porte le nom de cette chanson.

Night of the Lotus Eaters

Enregistré entre les deux albums de Grinderman en 2007, Dig!! est un album qui oublie souvent qu’il est censé être moins rock que le side-project de Nick, Warren Ellis, Jim Sclavounos et Martin Casey. Et pour cause, le plus vieux membre des Bad Seeds après le leader, Mick Harvey, allait quitter le bateau après sa création pour être résolument remplacé par Ellis en tant que leader du côté instrumental de la formation. La nuit des mangeurs de lotus est un des meilleurs moments du disque, à mon humble avis.

Lie Down Here (& Be My Girl)

Une chanson assez salace et libidinalement romantique. À cette époque, Nick est un chaud lapin dans ses textes et une certaine frustration sexuelle liée au vieillissement transparaît dans ses textes. C’est aussi à cette époque qu’il écrit son roman The Death of Bunny Munroe, qui est également plein de fantasmes coquins.

Jubilee Street

Une chanson ayant pour thème principal la prostitution vue dans l’oeil d’un consommateur qui est également une figure publique importante. Un des morceaux les plus intéressants d’un album qui l’est intégralement.

Higgs Boson Blues

Le point central du 15e album de la formation, rien de moins. Nick Cave namedrop Hanna Montana dans son délire, vers la fin du morceau. Pis sa gâche absolument rien! On vous suggère d’écouter le film 20 000 Days on Earth, qui a été créé pendant la création de cet album.

Girl in Amber

Pendant l’enregistrement du 16e album du groupe, Arthur Cave, l’un des fils jumeaux de Nick et Suzie Bick, est décédé en tombant d’une falaise pendant un trip de LSD. Skeleton Tree est l’album le plus difficile à écouter de la discographie du groupe tellement la douleur de son créateur est palpable. Girl in Amber est l’un des moments les plus beaux et les plus insoutenables de ce disque qui fait beaucoup de bien quand t’as un surplus d’eau à évacuer au niveau des yeux.

Skeleton Tree

La toute fin de l’album est une chanson assez courte qui donne espoir après la noirceur intense vécue dans la demi-heure qui a précédé. Ça donne un peu le sentiment de prendre une grande bouffée d’air après avoir eu longtemps la tête sous l’eau.

Scum

Terminons cette liste par une poignée de B-sides, puisqu’il en existe des légions parmi tous les simples du groupe. Scum est une réaction à chaud composée après que Nick ait lu une mauvaise critique de sa musique à l’époque où il enregistrait le 4e album du groupe (voir: Your Funeral, My Trial). Vitriolique, irrévérencieux, violent, baveux et vulgaire, elle était à l’origine vendue seulement en flexi-disc pendant les concerts, avant d’être ajoutée comme bonus track du premier pressage CD de Your Funeral…Un gros coup de coeur pour moi!

Blue Bird

B-side de l’époque d’Henry’s Dream. On comprend un peu pourquoi elle a été écartée de l’album (elle est beaucoup plus romantique que les chansons glauques de l’album), mais c’est une de mes pièces préférées des Bad Seeds.

She’s Leaving You

C’est le B-side de Nature Boy. On y retrouve la même vibe rock disjonctée qu’Abattoir Blues et le beat est pas mal bon.

What a Wonderful World

Excellente façon de terminer une longue liste de lecture que ce duo de la chanson classique enregistrée avec le Pogues en chef Shane McGowan. La chimie entre les deux opère très bien. Bonne écoute!

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