Chroniques

Mark Lanegan

Mark Lanegan: une introduction (alternative)

Dans la première moitié des années 90, à l’époque où je passais mes journées à imaginer ce que Kurt Cobain pouvait bien faire au moment même où j’étais en classe et où je dépensais tout mon argent à acheter disques, affiches, t-shirts et revues liées à la scène de Seattle, j’ai découvert Mark Lanegan. Et si je n’ai d’abord pas trop porté attention à son band Screaming Trees, ce n’était que pour mieux y revenir plus tard, alors que les autres Mudhoney, Melvins, Tad, Alice In Chains et Soundgarden n’auraient plus de secrets pour moi.

Pour l’amateur de rock qui se respecte, l’ombrageux personnage est une présence récurrente. Que l’on s’intéresse ou non à sa musique, il est presque impossible de ne pas l’avoir entendu au moins une fois, que ce soit avec Queens Of The Stone Age, Isobel Campbell, Melissa Auf Der Maur, les Twilight Singers, les Soulsavers ou même avec ce cancrelat prétentieux que l’on appelle Moby. Évidemment, la raison pour laquelle tout le monde et sa soeur se l’arrachent est cette voix inimitable et instantanément attrayante.

Lanegan, c’est le crooner grunge par excellence, le Nick Cave du mal de vivre, un Tom Waits opiacé qui aurait omis de remplacer son romantisme désespéré par un cynisme cabotin. On ne peut effectivement pas imaginer un tel type danser sur un tube de Dee-Lite dans un bar karaoké. Peu volubile en entrevue, encore moins entre deux chansons sur une scène, c’est un artiste qui vit intensément chacune des paroles écorchées qu’il a écrites, quitte à se faire des ennemis à toutes les couches de l’industrie de la musique. Selon certains ex-bandmates, il est responsable de la fin abrupte des Trees et plusieurs journalistes et musiciens avec lesquels il a collaboré ne veulent plus le voir en peinture. Trêve de potinage: avec un tel chanteur, il suffit d’appuyer sur play pour oublier la personne qui se cache derrière l’oeuvre.

Évidemment, lorsque l’on parle de crooner, il est bien sûr question de ballades et c’est cette facette du travail de notre homme qui est explorée au sein de sa plus récente parution: une compilation intitulée As God Seen My Shadow? An Anthology 1989-2011. On y retrouve essentiellement les chansons douces-amères les plus marquantes de ses six premiers albums solos, ainsi que douze titres inédits de ce même registre. Une bonne introduction pour le néophyte, bien qu’elle soit très limitée.

Limitée pourquoi? Parce que c’est quand la voix de Lanegan est utilisée en contrepoint à celle d’autres artistes qu’il est possible d’en apprécier le plein registre. Sur trois albums, il forme avec Isobel Campbell (ex Belle and Sebastian) un duo tout aussi magnifiquement contrasté que Nancy Sinatra et Lee Hazlewood dans les années 60 et il donne tout ce qu’il a de furie rock en étant l’arme secrète de Queens Of The Stone Age (dont il fût jadis membre à part entière) sur tous les albums du groupe depuis Rated R. Il forme les excellents Gutter Twins avec Greg Dulli, lui-même leader des Afghan Whigs. En résumé, sa discographie de collaborations ou à titre de leader des Screaming Trees est plus volumineuse que celle de sa carrière solo et totalement omise par cette soi-disant anthologie, qui va même jusqu’à oublier de tenir compte des très bonnes pièces rock de sa disco, notamment Metamphetamine Blues, Down In The Dark ou Borracho.

Je pourrais continuer en décortiquant son oeuvre un disque après l’autre, mais je préfère terminer avec quelques suggestions d’albums, histoire de vous indiquer par où commencer.

The Winding Sheet

Son premier album solo enregistré en 1989. On y retrouve des pièces d’une beauté désarmante et écorchée, deux collaborations avec le blondinet de Nirvana et une reprise de Leadbelly, popularisée par ce même petit blond sur l’album Unplugged (Where Did You Sleep Last Night?). Chanson indispensable: The Winding Sheet.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=f6_M7Sb-au4[/youtube]

The Gutter Twins – Saturnalia

Seul album à ce jour de l’association Lanegan-Dulli. L’un des plus beaux travaux collaboratifs de Mark. Vivement la suite! Chanson indispensable: The Stations.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=5XVp_PA8XXA[/youtube]

Bubblegum

Album à grand déploiement de 2004. Parmi les invités: Josh Homme, Duff McKagan, Greg Dulli et la meilleure chanteuse au monde, PJ Harvey. Chanson indispensable: Metamphetamine Blues.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=QEpR1AL4El8[/youtube]

Isobel Campbell & Mark Lanegan – Hawk

Troisième et dernier album de cette union. C’est également leur disque le plus sombre et le plus abouti. Chanson indispensable: You Won’t Let Me Down Again.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=8TQJAb3W838[/youtube]

Screaming Trees – Sweet Oblivion

Plus gros succès commercial du défunt groupe, qui est également son meilleur disque. Chanson indispensable: No One Knows (à ne pas confondre avec le tube du même nom de QOTSA).

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=3D3NL4t0L_A[/youtube]

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