Chroniques

Entrevue: C’est la faute à Johnny Pilgrim… et à Steve Hill aussi

C’est bien connu, le country comme le blues, ça peut être chiant, tout dépend qui s’y commet.

Ça tombe plutôt bien cette fois, car le nouvel album éponyme de Johnny Pilgrim, c’est l’alliage entre le vétéran du country-folk Jean Pellerin, de son vrai nom, et du maître du blues Steve Hill, auquel se joignent le vénérable Éric Goulet à la basse et le sympathique Jean Larocque aux fûts. Cet album est aussi le résultat d’une longue amitié entre ces joyeux drilles et ça s’entend.

Faisant suite au magnifique Sur la trace de Tex Lecor paru en décembre 2021, Johnny Pilgrim se situe dans un tout autre registre. Cette fois-ci, nous avons droit à des compositions originales et à quelques adaptations de classiques du patrimoine musical québécois et américain. Néanmoins, les deux productions partagent un dénominateur bien commun ; l’authenticité.

J’ai interviewé Pellerin et Hill, individuellement, en omettant de les informer que j’allais discuter avec l’autre. Voyons voir ce que ça donne!

Johnny Pilgrim

J’ai reçu Johnny Pilgrim à la première saison de mon balado L’Album Podcast pour discuter de son premier album. Malgré que j’étais peu expérimenté et que l’épisode soit un tantinet chaotique (disons que c’est un peu la faute à l’alcool), on peut y mesurer l’ampleur du personnage.

Originaire de Salaberry-de-Valleyfield, Pellerin s’exile à Los Angeles, aux États-Unis, à la fin des années 70 et s’inscrit en cinéma au Art Center College of Design. En 1983, il sort le single Rockin’ bone, qui raconte l’histoire d’un musicien paumé qui se fait greffer l’os d’une rockstar qui lui confère un talent incroyable de danseur. Le clip attire l’attention de The MTV Basement Tapes, une émission de musique des années 1980 qui mettait en vedette des clips de groupes émergents et non signés.

Peu après, Pellerin se retrouve dans la scène métal, non pas comme musicien, mais plutôt comme réalisateur de vidéoclip pour des groupes comme Anthrax, Def Leppard, Dokken, Guns n’ Roses et surtout, il est à l’origine de la VHS Cliff em’ All de Metallica, rien de moins.

La version de Johnny Pilgrim que nous livre Jean Pellerin sur son dernier opus est plutôt axée sur ses expériences de vie, ses nombreux voyages et des thèmes comme la mort, l’amour et l’amitié. « C’est du country, mais pas du country de style Nashville. C’est du country style fuckin’ Barkersfield », explique-t-il. En gros, le Bakersfield’s sound est un sous-genre de la musique country développé dans les années 1950 à Bakersfield, en Californie, qui se définit par ses influences rock and roll et honky tonk, ainsi que par l’utilisation prédominante d’instruments électriques. Ce genre se distingue du Nashville Sound, qui s’appuyait sur une production plutôt pop et des orchestrations à cordes. Cette scène adopte une apparence moins conventionnelle et plus provocatrice. Les dignes représentants de ce style sont Buck Owens, Merle Haggard et Winn Stewart, entre autres.


Steve Hill

Pour Steve Hill, Jean Pellerin, c’est un chum et un collaborateur de longue date. « J’ai connu Johnny Pilgrim lorsqu’il était en show à l’Esco en 2002. Éric Goulet l’a connu le même soir d’ailleurs. J’ai vraiment tripé sur le gars et j’ai tout de suite voulu faire un projet avec lui. Il a participé aux textes de plusieurs de mes albums. Desert Trip, Hanging On A String et Dear Illusion, entre autres. Il a aussi réalisé et joué dans mon vidéoclip Don’t let the truth get in the way (of a good story) », me raconte le musicien.

Le projet d’album a débuté par l’adaptation d’un célèbre jingle publicitaire en version québécoise que les plus vieux reconnaîtront sans doute: la chanson du jeu Smash Up Derby de Kenner.

« Il avait enregistré la première version de Bing Bang avec Éric Goulet et je l’ai encouragé (pour ne pas dire pousser dans l’cul) à faire un nouvel album ou un EP », relate Steve Hill.


« C’est des tounes que je trainais depuis longtemps et que je chantais en anglais. À un moment donné je me suis dit qu’il fallait bien les enregistrer. Je voulais faire ça chez Goulet comme à l’habitude, mais t’sé, Montréal, c’est compliqué avec les cônes orange et pis toute faque j’ai décidé d’aller faire ça chez mon vieux chum Steve Hill, qui habite à Trois-Rivières », me raconte Pellerin.

Quelques jours plus tard, les bases de l’album sont enregistrées, les pistes de voix et les arrangements seront réalisés dans les années qui suivent, Hill s’occupera du reste de la production. Finalement, le résultat est bien fidèle au Bakersfield’s Style. Ça sonne gras, brut, l’esprit live est bien présent et, surtout, le plaisir distinct d’un groupe d’amis se réunissant autour d’un microphone est palpable. « On a eu du fun toute la gang en studio », m’explique Steve Hill et ça paraît. C’est ce dernier qui s’est occupé de toutes les étapes de la prise de son aux différents mixages en passant par les overdubs. «Une vraie job de réalisateur. Je ne le fais pas souvent, mais pour Johnny c’était naturel. Je suis pas mal fier de cet album », ajoute le multi-instrumentiste trifluvien.

D’un œil extérieur, l’album est solide et empreint d’une certaine légèreté, on sent que les musiciens sont expérimentés et n’ont rien à envier aux plus grands du genre. La voix de Pilgrim est convaincante et vieillit bien. Hill, quant à lui s’éclate. Il se démarque comme à l’habitude avec son légendaire jeu de guitare – avec pas d’pic – et son imposant bagage blues. « Le style de drumming de Johnny Larocque est hyper important. Il n’y a plus personne qui joue comme lui. Il a un style traditionnel qui fitte avec le ton de l’album », fait-il remarquer.

En effet, si Larocque (n’roll) est le moteur de la formation, Éric Goulet quant à lui, est le catalyseur. Son jeu est juste, bien exécuté et épuré comme il se doit afin de supporter un soliste endiablé. J’ai parcouru avec Pellerin les chansons qu’il nous propose et voici un résumé de quelques-unes. C’est pas de ma faute (feat Steve Hill) : « C’est une chanson inspirée par une bouteille de bourbon! Un soir, j’étais avec un chum et on a acheté une bouteille de Jim Beam et, sur l’étiquette, on pouvait y lire l’histoire de la famille. Après quelques verres, on s’est dit que c’était pas de notre faute si on buvait, que c’était la faute à Jacob Beam et toute sa famille dans l’ordre! J’ai gardé le concept pour la toune. »

Si vous voulez découvrir le personnage, je vous suggère de regarder le vidéoclip conçu avec des images d’archives des périples de Pellerin autour du monde. La chanson Trou de calvaire : C’est le texte Un hostie d’trou d’calvaire du chanteur-mineur Réal V Benoit mis en chanson. Un beau texte bien adapté racontant les misères du travailleur rouynorandien.

La mort à ta porte : Ma pièce favorite de l’album. Y a-t-il une plus grande certitude que la mort? Quoi de plus universel comme sujet? Chanté sur un air de rock n’ roll des plus classique rend le trépassement plus digeste. « La famille, les chums qui partent… Cette toune-là, c’est comme un deal avec la mort », me confie Hill. Notez aussi un point fort qui est bien présent tout au long de l’album et particulièrement dans ce morceau : les harmonies de voix. Par leurs imperfections elles apportent beaucoup de volume de textures à l’ensemble des chansons.

Mathilda : “C’est une toune remplie de terminologies australiennes. L’expression « Valser avec Mathilda » veut dire se faire pendre. « Comme quand on danse au bout d’une corde. »

En bout de ligne, qu’est-ce que ça a donné de discuter avec Pellerin et Hill séparément?
J’anticipais peut-être une contradiction, une perception différente, une anecdote divertissante ou
quelconque matière à s’obstiner. Mais non, pas cette fois-ci. Je laisse le mot de la fin à Steve Hill

– Steve, c’est quoi la différence entre Jean Pellerin et Johnny Pilgrim?

– Haha! Rien pantoute man, pour moi c’est le même gars!

– Même pas une petite différence avec le personnage?

– Non, pantoute!

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