Chroniques

Enjaillement au bout de la voix — une entrevue avec Flavia Coelho

Urbaine et fana des rythmes pluriels conjugués, la plus que solaire Flavia Coelho s’amène à Montréal pour raviver la chaleur à nos ouïes encore estivales. Depuis la Ville Lumière, son bouillon de culture depuis 2006, l’artiste aux souches brésiliennes évoque son penchant inné pour le reggae et les mélodies antimorosité. Dialogue en forme d’éclat de voix ! 

Hymne à la joie en terre aride

Adolescente, Flavia s’éprend des classiques de la Jamaïque. Bob Marley trône parmi ses premières influences, non loin des Toots and the Maytals et de Barrington Levy. Avec son récent album DNA sorti fin 2019, la jeune femme souriantissime ressent une envie de s’éclater. Avec ce quatrième opus, la chanteuse respire la joie de vivre. Débordante de satisfaction. Le vidéoclip de la pièce El Mundo, une collaboration avec Ibrahim Maalouf, reflète son état de grâce. « Depuis le début de ma carrière, je m’inspire et chante en pensant aux gens du Brésil. J’y ai vécu 26 ans de mon existence, dans les favelas, là où j’ai grandi avec un plein bonheur. » DNA se veut une incursion vers les géographies de la « vie dure » comme l’exprime la citoyenne du monde, mais dont les composantes musicales drainent leur lot de joies. Il en est ainsi de Cuba, du continent africain et de l’espace latino. « Les paroles de ces répertoires peuvent paraître dures, mais la mélodie les enrobe ainsi. Ibrahim est Libanais, il connaît ce genre de vie, la guerre et tant d’autres difficultés… » Par sa musique, Flavia conçoit une façon de semer les plus nobles sentiments, mais sans se taire face à la dénonciation des politiques et inégalités, dont l’homophobie.

Jamais loin du Brésil

DNA, bouclier à la morosité actuelle ? « Pas seulement », précise Flavia Coelho. Elle y réussit le pari d’amalgamer un kaléidoscope rythmique, du baile funk à l’afrobeat, du hip-hop au reggae, puis de la bossa nova et du forró de son terreau nordeste brésilien. Elle avoue ne jamais avoir eu peur de la musique, de ne jamais craindre le « syndrome de l’imposteur ». Aucune remise en question de sa démarche créative assumée. À ses débuts, les maisons de disque tentent de l’enfermer dans un carcan musique du monde bossa nova, mais elle refusera une telle catégorisation. Au nom de sa liberté. Les modes, très peu pour la chanteuse qui ne flanche pas pour un tel dictat, pour être en vogue. « Mon pays est habité par 110 millions de personnes qui ont aussi des allégeances pour le rock et le heavy métal », se remémore-t-elle, avec fierté. Malgré sa jubilation, Flavia Coelho n’oublie pas son peuple, ses proches, dans un pays dominé par la politique de Bolsanoro. Sur l’impact de ce personnage d’extrême droite sur le monde musical, la chanteuse ne s’épanchera point, si ce n’est pour louanger ses pairs artistes qui n’ont pas cédé à la censure. Un mouvement de résistance qui aurait pu flancher.
« Je suis restée ici en Europe pour mieux m’exprimer sur la situation », conclut-elle.

Paroles d’Hexagone

Il y a quelques mois, sur les ondes de France Inter, Flavia Coelho brandissait la guitare et entonnait un classique du répertoire musical français : La vie ne vaut rien de Souchon. Un rapport à la France intime pour celle qui débarque à Paris sans rien comprendre au français. Tout lui passe alors par les mots, comme un coup de foudre sonore. « J’entendais loin de mon imaginaire de grandes voix puissantes brésiliennes celle de Gainsbourg, Ferré, Birkin qui s’incarne dans la parole. Puis la France m’a attiré ses influences de musique du Maghreb et des îles. Puis au fil de mon apprentissage du français, j’ai compris l’argot et ses jeux de mots : la cerise sur le gâteau de comprendre leurs messages ! » s’exclame la francophile qui dévore dorénavant les classiques de la littérature française, sa seconde passion. Paris nourrit son imaginaire de la présence de l’autre, ses millions de visiteurs, ses histoires de couple, d’amour, de rupture et de réconciliation. Tant de récits du passé et présent et une diaspora variée dont elle ne se lasse pas. « Je peux déambuler ici et ressentir les influences d’hier à aujourd’hui, tout en écoutant du mbalax sénégalais… », jubile la Parisienne d’adoption.

L’heure est venue de revisiter son répertoire dans un format ayant marqué son passage brésilien : la performance sound system et ce reggae ayant baigné sa jeunesse. Three little birds s’inscrit comme un repère éternel pour son apaisement, l’amour en émanant. Au fil de sa carrière, elle aura croisé la trajectoire de Poirier, celle des producteurs de la nuit, du house et de l’électro. Durant une heure trente, Flavia Coelho invite ses fans à danser, vibrer, sur des déhanchements de dub et même de coupé-décalé…

Productions Nuits d’Afrique, concert exclusif, le vendredi 16 septembre 21h au Ministère.

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