Chroniques

Dossier spécial | Regards croisés sur la chanson francophone de l’ADISQ : la chanson francophone un atout, pour un territoire

Le 26 septembre dernier, des membres de l’industrie musicale étaient conviés à l’UQAM pour une journée entière de réflexion philosophique sur l’état de la chanson au Québec et au Canada. Loin des préoccupations financières, la journée était là pour poser des questions profondes sur l’état des choses actuellement au Canada. Dans ce quatrième texte, on parle des relations entre les communautés francophones à traverse le Canada.

Il existe des relations de longue date entre les communautés francophones à travers le Canada. Il existe notamment des réseaux qui permettent à des artistes de rejoindre d’autres publics. Pour parler des enjeux qui accompagnent les réalités francophones, l’ADISQ a invité José Bertrand, le directeur général du Festival Franco-Ontarien et de la Franco-Fête de Toronto, Étienne Fletcher, un artiste fransaskois et copropriétaire de la maison de disque Homestead Records, Josée Mailhot, Directrice générale du Festival international de la chanson de Granby et Alain Chartrand, le directeur général de Coup de cœur francophone. La discussion était animée par Dominic Tardif qui est journaliste à la Presse.

Les multiples facettes de la francophonies canadiennes

Comme l’explique José Bertrand, et qui fait écho à des propos de Yao dans la discussion sur la chanson francophone en tant que vecteur d’une identité et d’une langue, il existe de nombreuses communautés : « Je pense que, dans la francophonie ontarienne ou la francophonie canadienne, chaque province, chaque ville même, je dirais, dans chaque province, a son identité à elle. La francophonie à Toronto est complètement différente de la francophonie ontarienne à Ottawa, où c’est encore très présent, très défendeur de la langue, tandis que Toronto, c’est multiculturel; c’est tous les pays. C’est une mosaïque de tous les pays francophones qui viennent migrer au Canada. Donc, c’est complètement différent d’une ville à l’autre. »

Étienne Fletcher, de son côté, nuance les propos de José Bertrand en voulant aussi rappeler qu’il y a quand même une réalité qui afflige toutes les communautés francophones hors Québec et c’est le sentiment de survie qui naît d’être en minorité. « Je veux juste revenir sur le point par rapport aux différences de villes et des identités francophones. Oui, voilà. Je trouve que oui, tout le monde a leur identité, mais d’un autre côté, il y a beaucoup de similitudes. Moi, je me sens à la maison au Manitoba, je me sens à la maison en Acadie. On dirait que c’est comme des parties de famille de francophones hors Québec. Puis, ce n’est pas le Québec contre le reste de la francophonie, mais c’est plutôt deux réalités différentes qui apprennent à mieux coexister avec les générations, les évolutions de projets, etc. Mais je trouve que ces similitudes-là, c’est aussi une force de trouver des… Tu sais, on n’a pas tant de différences avec les autres provinces qui vivent cette minorité-là linguistiques. »

Il faut quand même ne pas oublier que la possibilité de vivre en français en Saskatchewan est relativement neuve, comme l’explique Étienne Fletcher : « Il ne faut pas oublier non plus que c’était fin des années 60 qu’on a comme légalisé l’enseignement à la langue française en Saskatchewan. Donc, ça ne fait pas longtemps. Et donc, ça aussi, c’est fou. J’ai grandi avec un voisin qui s’appelait Aurèle Jalbert, puis il a essayé de convaincre mes parents de ne pas m’élever en français pour mon bien-être social dans mes communautés d’amis. Et là, lui, une fois qu’il a remarqué que les époques changeaient, il venait juste s’asseoir pour nous entendre parler français. Puis là, il n’a jamais… lui, je n’ai jamais entendu parler français, mais lui, il avait assimilé à ce point-là. »

Les liens entre les communautés

Il y a tout de même de nombreux liens qui unissent les communautés francophones. Alain Chartrand a réussi à mettre sur pied un réseau de diffusion composé d’une dizaine de pôles additionnés de satellites qui permet à des artistes francophones de faire une tournée du pays avec leur musique. Il ne faut pas oublier, comme il le rappelle : « C’est en 87 qu’on crée le festival Coup de cœur francophone, qui se trouve tout de même être le premier des festivals de chansons francophones dans la métropole francophone des Amériques. Ça se passe dans Hochelaga-Maisonneuve, quatre spectacles gratuits au Cégep Maisonneuve. Et puis, donc, on continue. Déjà au début du festival, on accueillait des artistes européens. » Puis, le tout s’est tourné vers la chanson francophone d’ici et CCF a créé des partenariats d’abord en Acadie, puis à Toronto, et le reste du Canada a suivi. Aujourd’hui, le réseau est fort et permet à des artistes une mobilité exceptionnelle à travers le pays.

De son côté, le Festival international de la chanson de Granby a fait de la place pour les artistes francophones du Canada dans son grand concours. Cela permet à ceux-ci de venir présenter leurs créations et de tisser de premiers liens avec des artistes d’ailleurs à travers le Canada. Cela a permis à de nombreux artistes d’avoir des carrières et de se faire un public au Québec, une chose essentielle pour vivre de musique en français.

Les grands défis d’un océan à l’autre

« Vous ne serez pas surpris que je dise aussi que c’est un défi financier, si je parle de Coup de cœur par exemple, ça marche pas à vapeur ça. » C’est ainsi qu’Alain Chartrand rappelle que les défis sont souvent essentiellement financiers. Malgré des grands changements au cours de dernières années grâce à des programmes d’aide chez Musicaction, mais aussi à la SODEC qui considère qu’aller au Canada en tant que Québécois compte comme de l’export. Josée Mailhot abonde dans le même sens en expliquant que, sans les fonds qui sont en place, ce ne serait pas réaliste d’assurer la mobilité des artistes.

Pour illustrer le tout, José Bertrand explique : « Juste moi, partir de Toronto pour aller à Montréal, à la dernière minute, on parle de 900 $. C’est absolument impensable de pouvoir faire ce voyage-là à la dernière minute, il faut que tu te prépares des mois d’avance. Mais, on n’a pas un système qui est pensé à des mois d’avance. On a des systèmes qui sont :« Hey, on a une vitrine, dans deux mois, tu viens dessus ?». Oui, mais ça a des impacts importants. » Il ne faut pas sous-estimer les coûts qui sont reliés au voyagement à travers le Canada. Pour l’avoir vécu lors de l’enregistrement du balado D’une francophonie à l’autre, c’est plus cher aller en Colombie-Britannique que d’aller en Europe, même en se prenant d’avance. Ce sont des enjeux assez importants.

L’espoir : les jeunes

Encore une fois, les panélistes se sont tournés vers la jeunesse comme exemple. Alain Chartrand explique que : « On parle souvent que les jeunes écoutent très peu de chansons francophones, mais si on fait le tour des festivals, si on va au FME, si on va au Festif!, si on va aux Francos, je veux dire… il y a des jeunes. Et puis on voit les artistes, comment ils attirent et puis comment ils ont un fan-club, tu sais, de jeunes qui écoutent cette musique-là. » Une réalité qui est aussi confirmée par Josée Mailhot et Étienne Fletcher, qui voient l’augmentation de la fréquentation des événements par les jeunes. Ceci indique que, malgré les défis, il y a quelque chose qui se rend vers de nouveaux publics.

Voilà qui conclut notre série de textes sur l’événement Regards croisés sur la chanson francophone qui visait à interroger la situation actuelle. Loin d’avoir la prétention d’apporter des réponses, ces textes se valent un document qui reflètent l’état actuel des réflexions qui nourriront, souhaitons-le, des solutions pour augmenter les liens tissés entre de nombreuses communautés avec comme point commun une manière de s’exprimer pour se comprendre.

Autres textes du dossier

*Cet article a été rédigé en collaboration avec l’ADISQ.

Crédit photo: ADISQ / Simon Claus

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