Chroniques

Catherine Lara et deux pianos : magicienne de nuit

Noble dame de la chanson française, arborant des verres teintés de rêve, elle fut rocktambule, flamenrock, et héroïne d’une nuit magique peinte sur partition par Plamondon. Depuis son domicile parisien, Catherine Lara jubile, à quelques jours de son retour au Québec, telle la gamine qui n’a de cesse de chausser sa vie. Causeries sur la formule à deux pianos et violons qu’elle réserve à son public fidèle, de Sherbrooke, Montréal et Québec, sur un fond d’exaltation romantique. 

Triangle de perfection

S’il y a un mot sonnant faux à l’ouïe de Catherine Lara, c’est bien celui de « tiroir ». Ce compartiment des temps modernes ne sied point à son amplitude virtuose depuis cinq décennies, à son flirt puissant avec la mélodie. Entre classique, rock, pop, et musique du monde, peu d’artistes s’inscrivent à sa suite. Forcément, au fil du temps, les tubes des années 80 s’orchestrent autrement, pour l’autrice-compositrice-interprète en quête d’intemporalité. Humble, l’artiste ne tarit pas de louange pour les deux pianistes concertistes qu’elle prétend accompagner, en forme de triangle aspiré par la perfection : Cyrille Leyhn et Charlotte Gautier. « Après avoir fait tant de concerts, je ressens une envie d’être à l’essentiel, avec ces deux concertistes exceptionnels. On forme un vrai trio, sans économie d’intensité ! », précise-t-elle, brûlant de l’intérieur. Mais attention à ne pas se méprendre sur ce voile à trois angles interpellant l’intimisme, où l’ombre de Schubert et d’autres génies planera ; la soirée comportera ses francs moments d’humour, de confidences et son répertoire de violon à la tsigane.

Respirer par Amour, de nuit comme de jour

Autre génie de la composition, Luc Plamondon – complice de nuits de bringues – parolier de Nuit magique. « Une mise en mots telle une étincelle, en quelque 10 minutes, fin 1985, relate Catherine Lara. Une chanson née à la dernière seconde sur l’album comme un ultime frisson. Une cerise sur le gâteau.»

« Il y a une amitié profonde entre Luc et moi, une proximité née de rires, d’un humour partagé. Un auteur libre et généreux qui sait ajuster toute phrase dans la bouche de son interprète. », louange la chanteuse hypersensible aux voix qui immenses, comme celle de Diane Dufresne, incontestablement, accès féminin direct vers Plamondon.

Amoureuse de la vie, à la manière de Véronique Sanson, « sœur de piano » – de ces artistes à l’ADN de l’extériorisation des tripes – Catherine Lara proclamera toujours la force romantique. Pas en mode fleur bleue, mais bien d’adhésion anglaise. En 1991, récidive harmonieuse Plamondon-Lara avec la co-création musicale Sand et Les romantiques diffusant ces paroles d’infini :

Les romantiques sont dans l’air du temps

Les romantiques ont toujours 20 ans

Les romantiques ont brisé les murs

Les romantiques sont au temps futur…

« Je ne suis que romantique, rien d’autre » , proclame l’éprise de Brahms et Chopin.

Tabula rasa des misères et cloisons

La main sur le cœur, Catherine Lara a soutenu en France des causes de solidarité comme Sidaction et les Restos du cœur. Son humanité face au monde l’environnant rime au rythme de sa nature surhumaine. Elle constate avec désolation que des gens crèvent encore de faim en 2022. Avec ce qu’elle définit délicatement comme son « petit pouvoir », elle rêve, éveillée, à des jours meilleurs pour les femmes violentées et violées et à la liberté sensuelle. « Il faut pouvoir vivre avec celui ou celle que l’on aime dans un monde décloisonné. Un monde sans étiquette qui parle poésie, désir et beauté. »

La muse tournée vers le Québec, Catherine Lara affiche une attachante pudeur face à son public québécois, convoitée avec ardeur depuis tant d’années, après les heurts covidiens sur l’épiderme du spectacle vivant. Leurs attentes seront comblées, car l’artiste intemporelle est on ne peut plus prête à sortir de sa valise les tubes des années 80-90. Une période chérie qui la ramène au souvenir de Gainsbourg. À une période bénie où s’incarnait l’acte de toucher. Mais qu’importe le temps et la nostalgie quand on baigne dans un univers d’enfant. Quand la scène abolit l’âge et produit le carburant à la jeunesse éternelle de Lara.

Catherine Lara et deux pianos

Maison symphonique, le samedi 29 octobre (20h00)