Chroniques

Black Sabbath

Hein? Comment ça de la musique du diable?

On a tous des histoires avec des albums que nos parents affectionnaient particulièrement. Mon rapport à Black Sabbath est teinté de la relation avec mon père. Tout comme Pink Floyd, il faut dire, mais ici c’est ce premier album de Black Sabbath qui fête ses 50 ans et qui est entré dans ma vie d’une manière bien particulière.

Nous sommes en 1998, je crois. J’ai onze ans. Je suis en sixième année. Et j’ai des cours de musique à l’école primaire. Lors d’une de ces séances, madame C. nous fait écouter un documentaire sur cassette audio qui nous parle de messages subliminaux. Malgré tout le respect et l’admiration que j’ai pour Madame C. qui a aussi été ma prof de piano, ce documentaire était grossier et servait surtout à faire peur à des préadolescents. On plongeait dans ce bon vieux préjugé face à la musique du diable. On y parlait de Black Sabbath, Led Zeppelin, The Beatles (Number 9) et quelques autres.

Vade Retro Satana

Du haut de mes onze ans, je ne veux évidemment pas terminer ma vie en enfer! Je rentre donc à la maison et alors que ma mère est affairée à préparer un repas quelconque, j’exprime bien haut mon dégoût pour la musique du diable. HIPELAY. Mon père n’en fait ni une ni deux et me questionne sur cette supposée musique du diable. Lorsque je lui parle de Black Sabbath, il m’entraîne dans le salon.

Il s’approche alors du tourne-disque, qu’on utilisait très rarement, puisqu’on est à la mode et on écoute des CDs (si seulement on savait). Il sort alors un de ces vinyles que nous n’écoutons jamais et le pose sur la table. Soudainement, j’entends les gouttes de pluie qui se mettent à couler dans les enceintes. La cloche d’église, le tonnerre. Puis la guitare de Tony Iommi qui frappe avec ses salves lentes et lourdes. La batterie toujours très jazz de Bill Ward, la basse groovy de Geezer Butler et là… la voix unique et cauchemardesque d’Ozzy Osbourne.

Pis là? Satan?

Ben non, Satan n’a pas pris possession de mon corps à ce moment-là. Pas plus que les centaines de fois où j’ai écouté cet album par la suite. Ce soir-là, mon père m’a appris une leçon bien importante. Il y aura toujours des ignorants pour juger ta musique, t’es mieux de t’en foutre et de faire plaisir à tes tympans. Et il y a du plaisir à avoir avec l’excellent premier album de Black Sabbath qui est en quelque sorte la pierre d’assises du genre heavy métal.

Outre la chanson qui va donner le ton au groupe, le reste des compositions sont aussi marquantes. The Wizard qui jetait les basses de l’utilisation de l’harmonica dans leur rock, et qui sera réutilisé avec brio sur War Pigs, frappe dans le mile. C’est aussi la première chanson à approcher le côté plus poteux de Black Sabbath.

Ce qui est plus surprenant, c’est l’efficacité des musiciens qui ont fait très peu d’overdubs. À part le double solo de guitare sur N.I.B. et sur Sleeping Village et les sons au début de la chanson-titre, tout est fait dans les règles de l’art.

Il y a d’heureux accidents, comme celui qui a coupé un bout du doigt de Tony Iommi et qui l’a obligé à trouver une nouvelle façon de composer à la guitare. Sa façon de frapper les cordes ouvertes a rajouté tellement de lourdeur à ses accords.

Il y a aussi une grande différence entre les versions nord-américaines et européennes. La deuxième compte sur une reprise qui sera laissée de côté au profit de Wicked World.

Il y a des chefs-d’œuvre qui doivent se battre contre les préjugés lors de leur sortie. Black Sabbath devait encore à faire ça près de 30 ans plus tard. Et c’est tant mieux, ça m’a valu une leçon que je n’ai toujours pas oubliée. Et même si ça fait 50 ans que cet album est paru, il n’a pas pris une ride. C’est encore très bon.

Merci Pops.

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