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Plus de 40% des musiciens professionnels québécois éprouvent des difficultés financières

Même si les salles de spectacles et les festivals ont pu reprendre leurs activités avec certaines restrictions, la reprise tarde à se faire sentir pour plusieurs. Les compensations, quant à elles, sont encore insuffisantes pour soutenir efficacement la communauté des musiciens professionnels de la province.

Entrevue de fond avec le Président de la Guilde des musiciens du Québec, Luc Fortin.

Selon une étude publiée le 14 juillet dernier par la Guilde des Musiciens du Québec (GMMQ), près de 44% des musiciens qualifient leur situation professionnelle de difficile depuis la réouverture des salles de spectacle le 26 mars 2021.

Sur plus de 500 musiciens professionnels sondés, on ne retrouve qu’un maigre 12% d’artisans de la musique dont les finances professionnelles sont satisfaisantes. Ce sont, malheureusement, des chiffres qui donnent froid dans le dos.

«On n’est pas surpris, s’exclame le Président de la Guilde, Luc Fortin. Au Québec, il y a [normalement] des dizaines de milliers de spectacles par année, puis ils ont été annulés. C’est sûr que l’effet [de la pandémie] ne va pas se résorber du jour au lendemain.»

Pour M. Fortin, c’est dans le secteur corporatif où les conséquences de la pandémie sont les plus «désastreuses». Pas de congrès, pas de mariages, pas de tourisme. «C’est mort mort mort.»

Une aide insuffisante

Selon le sondage de la GMMQ, 84% des musiciens professionnels sondés «ont subi une perte de rémunération liée à une annulation de spectacle due à la crise sanitaire».

Évidemment, le gouvernement du Québec s’était engagé il y a quelques mois, à compenser les pertes de certains spectacles reportés ou annulés entre le 1er octobre 2020 et le 31 août 2021 par le biais de deux programmes à la SODEC et au CALQ.

Malheureusement, seulement 29% de ceux ayant déclaré une perte salariale ont pu recevoir une compensation financière. Et de cette part, seulement 16% estiment que les sommes reçues ont compensé adéquatement leurs pertes.»

«Il y a des efforts qui ont été faits [par le gouvernement], mais on ne peut pas se cacher qu’il y a beaucoup de monde pour qui le futur est incertain», ajoute M. Fortin.

«On n’a pas encore eu la confirmation que les programmes d’aide aux salles vont continuer après le 31 août. On nous dit que oui, mais y’a rien de garanti. Et l’argent, c’est long avant d’arriver», met-il en perspective.

Pour M. Fortin, la façon dont a été pensée la répartition des compensations a laissé les musiciens dans l’oubli au profit des salles de spectacle. «Elles ont couvert les spectacles subventionnés pour lesquels [les musiciens] travaillaient, mais pas eux autres. Et il y a une foule de spectacles qui n’était pas éligible.»

Des spectacles non-éligibles aux compensations

Les critères pour être éligibles à ces compensations gouvernementales sont très sélectifs, visant «certaines clientèles et certains types de spectacles», apprend-on de la bouche de M. Fortin.

«Tous les spectacles à grand déploiement comme les comédies musicales, les opéras et les ballets n’étaient pas éligibles. S’ils ont été annulés, c’est parce qu’il y avait trop d’artistes sur scène et parce que de toute façon, le spectacle ne pouvait pas avoir lieu. Les subventions ont été octroyées pour les spectacles qui ont dû être annulés en raison des mesures sanitaires. Même si le public pouvait se déplacer, ces spectacles ne pouvaient pas être présentés, car il y avait trop de monde sur scène. On s’entend que c’est beaucoup de pertes.»

«Il y a tellement de monde impliqué dans des spectacles comme ça, mais les pires resteront les musiciens et les personnes à la pige», déplore-t-il. Par exemple, l’employé de billetterie ou le placier a été dédommagé, puisque la salle a été fermée, mais le musicien sur scène, lui, s’est retrouvé le bec à l’eau, «car il n’est pas un « employé »».

M. Fortin avoue que quelques orchestres ont réussi à s’en tirer avec des effectifs réduits, en coupant ses surnuméraires, ce qui alimente, encore une fois, la situation financière déplorable des musiciens professionnels.

Une situation en voie de s’améliorer

Selon les informations disponibles sur le site de la GMMQ, on apprend que la Guilde a mené deux autres sondages semblables en février 2021 et en octobre 2020. M. Fortin se fait confiant en avançant que le pire est bientôt derrière nous. En effet, les chiffres révèlent que près de 45% des musiciens sondés disent que leur situation est «en voie de s’améliorer». «C’est quand même positif»,

Cependant, cette statistique serait réjouissante si le même ratio de musiciens professionnels ne jugeait pas que leur situation était «difficile».

«Ça n’a jamais été super bien [pour les musiciens], en passant. Mais là, c’est vraiment moins bon que d’habitude. On ne connaît pas encore les chiffres, on verra l’an prochain, mais on pense que plusieurs artistes vont abandonner le métier parce qu’ils n’arriveront pas.»

Près d’un musicien sur deux a un second emploi

La proportion de musiciens qui ont un deuxième emploi pour survivre est dure à avaler : c’est près de la moitié d’entre eux (45%), selon le sondage de la GMMQ.

«Cette statistique-là ne me surprend pas. Il y a beaucoup de musiciens, même en temps normal, qui ont une deuxième job, que ce soit relié ou pas à la musique, abonde M. Fortin. […] J’en connais personnellement des musiciens professionnels actifs qui gagnaient leur vie avec ça, qui se sont trouvé un deuxième emploi et qui ne sont pas certains de revenir.»

Quelle(s) solution(s) ?

À la fin de notre rencontre, M. Fortin lance une idée — pas bête du tout — qui pourrait peut-être devenir la solution la plus évidente à la précarité financière des musiciens au Québec.

«Je pense que ça prendrait un Régime d’assurance-emploi pour travailleurs autonomes, en faisant chaque année un dépôt sur leurs contrats déclarés.»

Le Président de la Guilde donne comme exemple le Régime québécois d’assurance parentale — qui est typique au Québec et que les gens utilisent de façon volontaire. «Si on avait ce concept-là pour les artistes et tous les travailleurs autonomes, au moins, quand on recevrait des coups durs comme ceux-là, t’as quelque chose.» Débordant d’idées, M. Fortin propose également la création d’un Fonds d’assurance «pour les contrats annulés».

«En tous cas, il faut trouver quelque chose parce que ça risque d’arriver encore, des mauvaises surprises comme celles-là.»


Retrouvez tous les chiffres du sondage mené par la GMMQ entre le 6 et le 14 juillet 2021 auprès de 507 musiciens professionnels à cet endroit.

Crédit photo: Photo libre de droits

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