Nikamu Mamuitun : la lumière qui guide
La question de la réconciliation entre autochtones et allochtones en est une qui est complexe où les sensibilités sont souvent mises à l’épreuve. Mais elle est possible. Et Nikamu Mamuitun incarne la rencontre parfaite.
Deux semaines avant le dépôt de demandes pour des subventions dans le cadre des fêtes du 150e du Canada, Alan Côté fait un rêve. Le directeur artistique et administratif du Festival en Chanson de Petite-Vallée voit des artistes autochtones qui chantent en français et des artistes allochtones qui chantent en innu. Il se réveille et rapidement il appelle son ami Florent Vollant pour lui en parler. C’est ainsi qu’est né Nikamu Mamuitun qui se traduit de l’innu par « chansons rassembleuses ». Alors que Côté envisageait une rencontre avec des musiciens d’expérience, Vollant est catégorique : c’est la jeunesse qui doit primer.
Il faut comprendre le point de vue de Vollant qui remarque dans sa communauté de Maliotenam une perte de la langue innue. Perdre sa langue, c’est aussi perdre sa culture. Dans le contexte d’une population d’environ 20 000 individus à travers le Québec au complet, c’est inquiétant. C’est pour cette raison que Vollant tenait à ce que ce soit des jeunes qui portent le flambeau de la culture autochtone.
8 artistes se sont rencontrés : Matiu, Karen Pinette-Fontaine, Scott-Pien Picard, Ivan Boivin-Flamand, Marcie, Cédrik St-Onge, Chloé Lacasse et Joëlle Saint-Pierre. Trois artistes d’origines innus, un d’origine atikamekw et quatre d’origines québécoises. Cette rencontre s’est faite d’abord à Petite-Vallée puis au festival innu Nikamu. Si les premiers moments à s’apprivoiser étaient plutôt délicats, rapidement, ils ont trouvé un endroit de rencontre. Marcie nous a raconté que c’est autour d’un feu qu’ils ont connecté pour la première fois ensemble. La connexion s’est faite pour de bon puisqu’un an et demi plus tard, la bande a fait plusieurs moments de créations ensemble et s’apprête à enregistrer un disque.
Ce processus ne s’est pas passé qu’entre jeunes. Des mentors étaient là pour encadrer les 8 artistes dans leur rencontre : Florent Vollant, Marc Déry, Réjean Bouchard et Guillaume Arsenault. Les quatre musiciens d’expériences ont épaulé le groupe dans la création et l’adaptation de certaines pièces lors des différentes résidences. Ils seront aussi sur scène avec eux à la Place des Arts lors du spectacle du 26 octobre prochain.
Les traces de ces rencontres vont au-delà de la scène. Marcie s’est mise à l’apprentissage de l’innu alors que Karen Pinette-Fontaine, qui avait perdu sa langue, la réapprend. C’est fou quand on y pense : perdre sa langue! Quand on discute avec Marcie de la situation, elle est sans équivoque : « Quand j’étais au primaire, j’avais un correspondant anglais qui s’appelait Brett. Tu sais, je parlais à quelqu’un en Angleterre, mais je ne parlais pas aux autochtones qui habitaient à quelques minutes de Chicoutimi. » Joëlle St-Pierre a aussi adopté l’innu, le temps de quelques chansons.
Cette absence de dialogue fait en sorte aussi que les deux réseaux artistiques ne se parlent presque pas. Marcie est tombée des nues lorsqu’elle a compris qu’Ivan Boivin vivait de musique et tournait à l’année. En passant de communauté en communauté, le jeune artiste s’est développé un réseau qui lui permet de vivre de sa passion. Ces deux réseaux, un peu comme les réseaux francophones et anglophones, ne se parlent tout simplement pas assez.
Lorsqu’on écoute Karen Pinette-Fontaine, Marcie, Joëlle St-Pierre ou Alan Côté parler du projet, un vent d’espoir souffle fort. Il est possible de se rencontrer et non seulement de se comprendre, mais de s’accepter et de tisser de liens. S’il y a une leçon que nous enseigne Nikamu Mamuitun, c’est que finalement… on n’est pas si différents.
Nikamu Mamuitun le 26 octobre 2018 à 20h à la Place des Arts
Pour vous procurer des billets, c’est par ici
*Cet article a été écrit en collaboration avec la Place des Arts.