La saga Spotify : tout ce qu’il y a à savoir
Plus tôt la semaine dernière, Neil Young menaçait Spotify d’y retirer sa musique s’il continuait d’héberger le balado de Joe Rogan. Près d’une semaine plus tard, où en est cette histoire?
Avec Louis-Philippe Labrèche
Le chanteur canadien Neil Young a retiré sa musique de Spotify le mercredi 26 janvier 2022. Il a accusé le géant de l’écoute de musique en ligne de faire de « la désinformation sur la COVID-19 en hébergeant le balado du populaire et controversé Joe Rogan » (Radio-Canada).
Or, l’an dernier, Young a vendu 50% de son catalogue à Hipgnosis Songs Fund. Cela aurait pu compliquer la tâche de retirer son matériel de la plateforme, mais il n’en a rien été. Sa maison de disque Warner Brothers-Reprise Records et Hipgnonsis Songs Fund ont agi ensemble pour retirer la musique de l’artiste canadien de Spotify. Ce dernier les a d’ailleurs remerciés sur son site officiel. À noter que les écoutes sur Spotify représentaient, à ce moment, 60% des revenus d’écoutes en continu de Neil Young.
Pourquoi se retirer de Spotify?
Celui derrière le succès Heart of Gold a pris cette décision à la suite d’un épisode du balado de Joe Rogan, The Joe Rogan Experience (JRE), diffusé le 31 décembre 2021. Il y recevait le docteur Robert Malone, un spécialiste des maladies infectieuses, qui a depuis été banni de Twitter pour avoir partagé de la mésinformation quant à la COVID-19 (CBC). Neil Young cite une lettre ouverte de plus de 200 médecins et scientifiques qui ont demandé à Spotify d’agir suite à cet épisode (Radio-Canada). On peut y lire entre autres : « Cet épisode est critiqué pour avoir promu des théories du complot sans fondement, et le JRE a un passé inquiétant de diffusion de fausses informations, en particulier en ce qui a trait à la pandémie de COVID-19. »
Joe Rogan, qui est un humoriste et animateur, est accusé « d’avoir découragé la vaccination chez les jeunes et d’avoir poussé l’utilisation d’un traitement non autorisé – l’ivermectine – contre le virus », peut-on lire dans un article de Radio-Canada. Un porte-parole de Spotify a déclaré que la plateforme a retiré plus de 20 000 épisodes de balado en lien avec la COVID depuis le début de la pandémie. « Nous regrettons la décision de Neil [Young] de retirer sa musique de Spotify, mais nous espérons l’accueillir à nouveau bientôt » (Radio-Canada).
« Ils peuvent avoir Rogan ou Young. Pas les deux », avait déclaré le chanteur canadien. Neil Young compte un peu moins de 2,5 millions d’abonnés et plus de 6 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Or, contre Joe Rogan, ses millions d’écoutes et son contrat exclusif de 127 millions de dollars canadiens avec le géant suédois, il n’avait aucune chance. (Radio-Canada)
Qui m’aime me suit
Le vendredi 28 janvier 2022, la chanteuse canadienne Joni Mitchell annonçait qu’elle retirait sa musique de Spotify. Elle l’a annoncé via son site officiel. C’est d’une part, dans l’optique de soutenir son collègue Neil Young, et de l’autre part, de passer aux actes contre des mensonges qui « coûtent la vie à des gens (Radio-Canada) » qu’elle a retiré sa musique.
L’autrice-compositrice-interprète a également joint la lettre des médecins et scientifiques citées ci-haut sur son site internet.
David Crosby, qui a fait partie du super-groupe Crosby, Stills, Nash & Young avec Neil Young aimerait également suivre le mouvement. Le seul hic : il ne possède plus les droits de son matériel. Le musicien a dû se résigner à vendre son catalogue après que sa tournée se soit arrêtée sec dû à la COVID-19. « J’ai une famille et une hypothèque et je dois prendre soin d’eux donc [vendre mon catalogue] est ma seule option », avait-il déclaré en 2020 (Music Business Worldwide). Quelques mois après, il a été révélé que Crosby a vendu ses intérêts d’édition et de musique enregistrée au Iconic Artists Group d’Irving Azoff (Music Business Worldwide). C’est pourquoi ce dernier se trouve les mains liées dans cette affaire.
Il en va de même pour le groupe Belly qui n’est pas en mesure de retirer sa musique en raison de son contrat avec sa maison de disque. La podcasteuse Brené Brown qui a aussi une entente lucrative avec Spotify comme Joe Rogan a déclaré qu’elle ne publierait pas de contenus pour le moment.
Cette démarche a même écho au Québec alors que Gilles Vigneault a décidé de retirer son catalogue de Spotify en support à Young et Mitchell. De plus, il y a James Blunt qui a menacé de faire paraître de la nouvelle musique si la situation n’était pas rétablie. Une sympathique boutade de l’anglais.
If @spotify doesn’t immediately remove @joerogan, I will release new music onto the platform. #youwerebeautiful— James Blunt (@JamesBlunt) January 29, 2022
D’autres géants accueillent Neil Young à bras ouverts
Au lendemain de son retrait de Spotify, Neil Young retournait vers Sirius XM. Sa chaîne homonyme était de retour, selon ce qu’annonçait le géant de la radio numérique par satellite (Radio-Canada). « Les personnes abonnées à la chaîne auront accès à des concerts hebdomadaires, pourront écouter des DJ invités et invitées par l’artiste et auront accès au dernier opus de Young, l’album Barn, à propos duquel le chanteur racontera anecdotes et confidences » (Radio-Canada)
Apple Music s’est également présenté comme étant « La maison de Neil Young » suite à la décision du chanteur canadien de se retirer de Spotify. « C’est toujours une bonne idée d’écouter Neil Young », a ajouté la plateforme d’écoute en ligne sur Twitter. Cette dernière a même rendu son matériel plus visible sous une bannière intitulée We Love Neil.
Finalement, le principal intéressé semble avoir opté pour Amazon Music et promets 4 mois gratuit d’écoutes pour chaque utilisateur qui quitte Spotify pour rejoindre l’autre géant du web.
All folks looking for my music can easily head to AMAZON MUSIC and click here https://t.co/xvhKGMkA36 – all new listeners will get four months free. pic.twitter.com/a66GaGUKEk— Neil Young Archives (@NeilYoungNYA) January 28, 2022
Spotify tente de corriger le tir
Suite aux événements des derniers jours, Spotify a décidé d’ajouter un avertissement avant les contenus qui parlent de la COVID-19. Dans celui-ci, on recommande l’auditeur à un hub où de l’information vérifiée est mise à sa disposition. De plus, Spotify a rappelé qu’il est interdit de partager du contenu qui traite de faits médicaux faux ou mensongers. Il est donné en exemple des affirmations telles que la COVID-19 n’existe pas ou encore l’incitation à la contracter pour atteindre l’immunité collective.
Joe Rogan pour sa part a réagi à la situation en disant qu’il n’était pas fâché contre ceux qui se retirent et qu’il serait ouvert à recevoir les experts avec d’autres opinions après qu’il ait reçu ceux avec des opinions controversées.
Spotify est dans une situation délicate depuis le début du mois de janvier. L’action qui valait 234,03$ au 31 décembre est maintenant évaluée à 192,17$. Après avoir plongé à 171$ le 27 janvier, elle a repris de la vigueur avec les annonces récentes du géant du web.
Ce n’est pas la première controverse entourant le site d’écoute en ligne. En 2021, il a été mis en lumière que Daniel Ek, le fondateur de Spotify, a investi 100 millions dans Helsing.ai, une compagnie d’intelligence artificielle qui œuvre dans le milieu de la défense militaire.