Laurence-Anne
Première apparition
- Duprince
- 2019
- 36 minutes
Il y a quelque chose qui tient de la sorcellerie chez Laurence-Anne. Déjà, aux Francouvertes, c’était surprenant de voir une artiste qui n’embarquait pas du tout dans la bonne vieille recette : couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain, se rendre en finale. C’était doublement impressionnant parce qu’elle mettait de l’avant un univers éclaté, un peu ésotérique et très champ gauche. Voici que l’auteure-compositrice-interprète présente son premier album simplement titré Première apparition.
On retrouve son monde hypnotisant, mais avec une confiance et un aplomb renouvelé. La jeune femme semble en plein contrôle de ses moyens et ça frappe en masse et à la bonne place. Cet album n’est pas nécessairement le plus facile à absorber, mais il se bonifie sans cesse à l’écoute, un signe qui ne trahit pas. De plus, ses textes sont d’une poésie qui marque les esprits. Laurence-Anne fait preuve d’une étonnante maturité et ce n’est que son premier!
Et même si, tu croyais t’en sortir
Je resterai ton poison préféré
Et même si, tu croyais pouvoir fuir
Je resterai un fantôme du passé
– Poison
Quand on parle du côté hypnotisant de sa musique, Poison est l’exemple le plus limpide. Les quelques vers cités plus haut répétés ad nauseam sur un riff en boucle créent une ambiance aussi fragile que sombre. Laurence-Anne n’est pas toujours dans un univers sonore dépouillé. Parfois, ça se fait plus rock comme le démontre efficacement Instant zéro. Une pièce qui compte sur un solide texte qui fait le lien entre le début d’une relation et le point où se rencontre la mer et l’horizon ou encore le ciel et la Terre. C’est un morceau d’une grande beauté, mais aussi facile à digérer. Rapidement, la mélodie nous hante et nous ensorcèle.
Yeux-bactérie est une autre chanson qui frappe dans le mile. Laurence-Anne installe une atmosphère lugubre et inquiétante dans la musique avec une basse langoureuse alors que des bruits de carillons et de percussions diverses se font entendre. Puis, elle nous percute d’un refrain, un des rares sur cet album, très mélodieux en forme d’envolée. Catastrophe, la dernière plage de la galette, laisse aussi des marques avec son air unique qui donne l’impression que Les Louanges et Louis-Jean Cormier ont eu une fille. Laurence-Anne possède un bel atout, elle accepte de montrer sa vulnérabilité. Une absence de pudeur saisissante qui nous oblige à notre tour à faire preuve d’un respect à l’écoute de Première apparition.
Il ne sert à rien de tourner autour du pot. Laurence-Anne lance ici le meilleur album québécois de 2019 à ce jour. On est tôt en année, mais la grande qualité de Première apparition en fait une œuvre phare qui brillera encore pendant des mois. Espérons-le, à tout le moins. En attendant, on peut se plonger dans l’univers unique et particulier de la jeune femme.