Critiques

Panda Bear

Buoys

  • Domino Records
  • 2019
  • 31 minutes
7,5

Panda Bear, alias de Noah Lennox solo, nous revient avec un sixième album. En tant qu’admiratrice de longue date de Panda Bear, je suis toujours un brin inquiète de voir si ses nouvelles parutions seront à la hauteur des précédentes. Et une fois de plus, je ne suis pas déçue, voire agréablement surprise, même si on s’éloigne de la signature sonore « classique » du projet. Il s’agit assurément du disque le plus travaillé et le plus introspectif de Panda Bear à ce jour, à des lieues des grandes messes tropicalo-psychédéliques de Tomboy.

Dans son opus précédent, Panda Bear Meets The Grim Reaper, on retrouvait encore les jeux, harmonies et superpositions de voix noyées d’écho que Lennox utilisait à profusion depuis la sortie de Person Pitch en 2007. S’il y recourt encore dans Buoys, il a par ailleurs élargi sa palette sonore pour y intégrer une plus grande diversité de sons « organiques » (piano, guitare acoustique, objets percussifs variés), mais s’est aussi lancé dans le saupoudrage frénétique de sons/effets synthétiques à tous crins. Il n’hésite pas non plus à se tourner vers l’auto-tune et à jouer davantage avec les voix pour explorer de nouvelles avenues.

Cette nouvelle galette a été coproduite et mixée avec Rusty Santos, qui avait aussi collaboré à la production de l’iconique Person Pitch. Et il faut savoir que Rusty Santos, nom qui ne vous évoque peut-être rien de prime abord, travaille depuis longtemps avec les gars d’Animal Collective, mais a aussi collaboré avec de grands noms de la scène alt-pop expérimentale, dont Ariel Pink et Gang Gang Dance (deux de mes formations chouchous).

Comme le précise le communiqué de presse de la maison de disque, aux yeux de Lennox, Person Pitch, Tomboy et Panda Bear Meets the Grim Reaper formaient une trilogie, et ce nouvel album marque le début d’un nouveau chapitre. Et c’est exactement ce que l’on constate dès les premières notes et bruits de gouttes d’eau. D’ailleurs, Lennox habite à Lisbonne, au Portugal, depuis quelques années, et je me suis immédiatement demandé à la première écoute si ce ne serait pas l’influence, consciente ou non, de l’eau bordant cette ville européenne qui confère une texture ondoyante, contemplative et fortement aquatique à ce nouveau disque.

Les admirateurs de première date de Panda Bear ne seront pas en perte complète de repères, mais là où Lennox innove par rapport à ses albums précédents, c’est du côté de la production et des voix ; on se retrouve ainsi avec un album dont la facture est beaucoup plus léchée. Lennox et Santos ont misé sur un son résolument contemporain « qui aurait un air de déjà vu pour un jeune public » selon leurs dires, mais ils proposent un disque d’une complexité et d’une qualité sonore que Lennox avait commencé à explorer dans Panda Bear Meets The Grim Reaper.

Le premier extrait lancé en primeur, Dolphin, fait à lui seul la synthèse de la nouvelle voie qu’emprunte Panda Bear. Pour ma part, je ne suis pas certaine d’apprécier particulièrement les artifices sonores synthétiques qui me semblent parfois plaqués sur les chansons sans y apporter de réelle profondeur, mais je dois dire qu’après plusieurs écoutes, je commence à m’y faire. Mes pièces préférées de l’album ne sont toutefois pas les premières ni les dernières, mais plutôt celles du milieu, là où la fusion entre le bon vieux Panda Bear porté sur les boucles hypnotiques et les rythmes décalés, et le Panda Bear nouveau mettant les voix et les mélodies résolument à l’avant-plan, produit son plein effet, soit Master, Buoys et Inner Monologue. Cette dernière pièce est d’ailleurs ponctuée de sanglots tout du long. Encore ici, cet ajout me semble un peu superflu par rapport à la ligne mélodique de la magnifique chanson qui est sans conteste ma préférée de toutes (j’y entends même une certaine parenté avec l’ambiance que l’on retrouve dans certaines pièces de Heathen de Bowie).

Ce nouvel album dénote une réelle volonté de Panda Bear d’affiner son son. Les arrangements sont plus dépouillés, plus matures oserions-nous dire, sans pour autant laisser de côté l’expérimentation qui fait partie de l’ADN du projet. L’omniprésence de la guitare acoustique fait par ailleurs écho à Young Prayer paru en 2004, un album totalement épuré qui mettait parfaitement en lumière les talents de composition de Lennox. Pour ma part, je demeure nostalgique des rythmiques plus lourdes, des circonvolutions mélodiques et des éclairs de génie ludiques/joyeux/sombres cohabitant dans des pièces très denses sur le plan sonore que l’on retrouvait dans les trois albums précédents. Cet album-ci, même s’il est globalement très intéressant et agréable d’écoute, manque à mon humble avis de croquant sonique. Il s’agit néanmoins d’un pari réussi pour ce qui est de l’évolution globale du projet, et comme d’habitude, Panda Bear réussit à nous amener ailleurs et à déjouer nos attentes. J’ignore s’il réussira à conquérir un public plus jeune avec ce nouvel album comme il le souhaite, mais il s’agit assurément d’un disque réussi qui saura séduire de nombreuses oreilles, peu importe l’âge de ces dernières.

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