FIJM 2018 – Snarky Puppy, Rémi-Jean Leblanc, Guillaume Perret
Première journée d’une suite innombrable de concerts, je commençais ma couverture du Festival International de Jazz de Montréal avec Rémi-Jean Leblanc, Snarky Puppy et Guillaume Perret.
Rémi-Jean Leblanc
Je suis allé inaugurer mon édition 2018 du Festival de Jazz à L’Astral en compagnie de l’excellent bassiste de renom Rémi-Jean Leblanc. Dans ses rangs, Rafaël Zaldivar, Samuel Joly et Nir Felder! Pas mauvais comme brochette, disons. Pas mauvais, mais j’ai franchement eu peur de ne pas retrouver Felder et Leblanc du concert. Ils ont joué en majorité des pièces tirées du nouvel album de Leblanc, Déductions, qui n’est pas mal du tout avec ses bords rock et ses moments un peu prog à la Bad Plus (bien que les deux groupes soient incomparables), mais ça a pris quelques pièces avant que je sois vraiment flabbergasté par un solo. C’était en l’occurrence un allongé du solo de Felder introduisant Chansons pour cj, vers la quinzième minute du spectacle — mais ça valait l’attente en maudit. Du « lui » pur et dur, ou du moins, ce qui me plaît le plus de son jeu : le mélange impressionniste-pointilliste-harmoniste super fluide qui justifie sans effort le « shreadding » un peu vantard par de longues phrases métamorphiques. Sincèrement, ce solo valait le concert au complet.
Rémi-Jean Leblanc aussi a eu son heure de gloire un peu plus tard, avec un solo presque aussi réussi en introduction d’une autre pièce. Je suis déçu de ne pas avoir eu une introduction de Zaldivar, qui a un style pianistique assez intéressant, parce que ce sont les seuls moments où les trois instruments mélodiques pouvaient se faire bien entendre. Vous l’aurez compris, le batteur jouait trop fort. Ce n’était pas dramatique, disons, juste assez pour perturber l’intelligibilité de ses camarades. Il était toujours une nuance trop haut, et avait de la difficulté à délaisser ses cymbales dans les moments opportuns. Le tout couplé à son style dense et assez rock par moments — qui n’était cependant pas inintéressante — enterrait le piano et la basse sur un moyen temps. Au moins, ça aidait à varier la courbe dynamique du concert, qui zigzaguait entre le très doux et le fortissimo sans effort.
Ce manque d’écoute est un gros point faible du concert et il m’a dérangé à peu près tout le long du spectacle, et je suis très déçu de ne pas avoir pu recevoir la totalité du magnifique jeu de Zaldivar. Malgré ça, j’ai trouvé le spectacle vraiment court. J’en aurais voulu pas mal plus, comme quoi c’était globalement très réussi.
Snarky Puppy
Je me suis dirigé ensuite vers le sensationnalisme même, dans la salle la mieux prévue à cet effet, soit Snarky Puppy. Tunnel ouvraient pour les géants du jazz fusion contemporain avec leur rock math, criard et jazzé. Ma foi, ça marchait assez bien! Je doutais un peu du conflit stylistique, mais ultimement le caractère indie/jazz a pris le dessus, et franchement, ça aurait pu être eux l’acte principal. Au niveau de la performance, c’était impeccable : la composition est là, le travail sonore est intéressant, il y a des moments surprenants, et dans le bon sens du terme. Seuls les solos de guitare étaient un peu convenus, mais à part ça ils n’auraient pas pu faire mieux que plus long.
J’étais triste de les voir partir, mais bon, ça faisait longtemps que je voulais voir Snarky Puppy. J’ai lentement désenchanté d’eux depuis quelques années, un peu à cause de la culture dégoûtante qui les entoure, un peu à cause de leur redondance lassante dans leurs albums. Évidemment, je ne discrédite pas pour autant le talent immense que recèle le groupe, et j’avoue que depuis Culcha Vulcha j’ai un regain d’intérêt naïf pour eux.
À partir de maintenant, vous avez deux choix. La critique pragmatique, qui vous relate que les musiciens étaient excellents, qu’il y avait une bonne symbiose sur la scène, que la foule aimait ça au bout, que le son était assez bon à l’exception des cuivres qui étaient très agressants, que certaines parties des arrangements étaient intéressantes, que le spectacle est probablement exactement conforme à ce que League, le leader du groupe, souhaitait qu’il soit. Sinon, je peux vous donner la critique réaliste et un peu fataliste, qui vous dit que Snarky n’a en fait qu’une manière de faire les choses et que ça devient ultra-lassant après peu de temps quand on s’y attarde, que leur public cible est absolument incapable d’écouter ce qui se joue devant eux sans crier qu’ils comprennent que tel musicien joue rapidement à tel endroit, que les solos sont, soit corrects soit plates à mort parce que Snarky en fait, c’est juste une gang de mâles qui veulent plus flasher leurs chops que faire de la musique. Vous lisez celle qui vous plaît, moi, j’ai fini par m’ennuyer.
Guillaume Perret
J’avais des grosses attentes pour le saxophoniste français que je ne connaissais pas avant avoir épluché la programmation du FIJM. J’étais sceptique en écoutant son album, mais comme tous les sceptiques j’ai été confondu : ce gars-là est inouï en direct. C’est un des rares musiciens qui réussit à se sortir de l’esthétique très restreinte de la « loop music », en partie grâce aux quelques pistes d’accompagnements qui l’aident sporadiquement à appliquer des changements formels rapides aux pièces, beaucoup grâce à son inventivité. Il est un brin chambranlant sur ses pédales par moments, mais ce n’est rien de dramatique. Surtout ce n’est rien de bien surprenant, considérant la quantité d’opérations qu’il doit exécuter à la seconde.
En album, l’esthétique que prend sa musique est assez imprécise, et s’égare parfois dans des œuvres un peu kitsch et moyennement interprétées. En live par contre, on en oublie presque ces quelques pièces un peu boboches, ne serait-ce qu’à cause du caractère impressionnant et un peu sensationnaliste de sa performance. Une lumière dans le pavillon de son saxophone s’illumine quand il joue, l’éclairage est sombre et dramatique, et le volume de l’orchestration maximaliste s’élève très haut (sans être désagréable). Ça n’excuse pas complètement les irritants stylistiques, mais ça nous les fait oublier vite, disons. C’était toute une fin de soirée, et disons que ça atteint le niveau infini quand le rappel, c’est l’hymne national de l’Ouganda. En tant qu’admirateur d’humour absurde, j’étais quand même ébaubi.