Jack White
Boarding House Reach
- Third Man Records
- 2018
- 45 minutes
Cette semaine dans l’actualité, deux sujets qui sont flous, dont on ne parle que du bout des lèvres lors de conversations qui devraient être plus sérieuses, mais que l’on remet sans cesse à plus tard pour éviter de faire face au problème : La sécurité de nos données personnelles sur l’Internet et la carrière solo de Jack White.
Au milieu des années 2000-2010, alors que je blastais pour la 7345e fois le premier album des White Stripes sur la chaîne stéréo du salon avec des potes, mon ami Alex s’est exclamé : « Imagine comment ces tounes-là seraient meilleures avec un full band pis un vrai drummer! ». Sur le coup, j’ai souvenir d’avoir acquiescé. En y repensant par contre, j’ai réalisé que ce qui faisait en sorte que les White Stripes étaient un grand band, c’était justement le côté broche à foin assumé du duo. Avec la qualité du songwriting de Jack White, pas besoin de fioritures. Ce qu’on aime, c’est entendre la guitare faire un gros feedback un peu croche sur une mesure battue approximativement par Meg White, qui à l’air complètement « bored ». Je pense encore que c’est un des plus grands bands qui a existé au 21e siècle.
17 ans après ma découverte des White Stripes grâce à un pote du Cégep, il se passe quoi avec Jack White ? D’abord, sans parler de son travail au sein des Dead Weather et des Raconteurs, il a finalement fait un album de rock bien liché avec des vrais pros : le correct Blunderbuss. Ensuite, il est revenu à la charge avec le très moyen Lazaretto et ses chansons sur le pilote automatique. Cette année, il est de retour avec Boarding House Reach, un album qu’il va probablement détester lui-même dans 6 mois.
C’est que le Jack White d’aujourd’hui se sent aventureux. Alors qu’il vouait un culte inébranlable au vintage et à l’analogue, monsieur flirte aujourd’hui abondamment avec les logiciels de musique de type ProTools. C’est d’ailleurs le principal talon d’Achille de l’album, qui n’est au final qu’une longue suite de collages et d’expérimentations irritantes assaisonnées de paroles improvisées ou carrément écrites 5 minutes avant d’enregistrer. Pour vrai, à part Over and Over and Over, qui a un peu plus de tonus que le reste, toutes les chansons semblent être des B-Sides que le Jack White de 2003 aurait foutu aux vidanges sans regarder en arrière. Je ne m’attarderai pas trop sur les cas individuels, mais il faut savoir que le gospel sans substance de Connected By Love prouve que ce n’est pas donné à tout le monde d’être Nick Cave, que la pièce Corporation donne le goût de casser ses écouteurs tellement elle est vide et gossante en raison des grands cris de « scream queen » qu’on y entend à outrance, que les effets sci-fi pseudo-conceptuels de Get in The Mind Shaft donnent mal au coeur et qu’il y a beaucoup, mais beaucoup trop d’interludes absolument inutiles (comptez-en au moins 5). Bref, c’est triste à dire, mais ce disque est une perte de temps totale.
Je comprends que Jack White est un genre de Bruce Wayne de l’industrie du vinyle et qu’il a désormais beaucoup d’autres chats à fouetter (une usine, un label, un studio, une salle de spectacle, un record store mobile, etc.), mais quitte à pondre une telle cochonnerie, il aurait pu attendre un autre 4 ans, ne serait-ce que pour attendre d’être véritablement inspiré. Un artiste a le droit d’essayer de sortir de sa zone de confort et d’explorer les possibilités. Par contre, en prenant un tel risque, ça se peut que tu te pètes la gueule. Juste le fait que cet album ait pu voir le jour prouve que White n’a pas beaucoup de jugement quand vient le temps de faire de l’autocritique et qu’il n’y a pas grand monde pour conseiller l’empereur dans son entourage. Venant du type qui a écrit les plus grands hits des années 2000, c’est carrément frustrant. Tout est raté. Même la pochette est une sainte horreur. Le dernier Queens of The Stone Age est un excellent disque en comparaison. Tu vois le genre?
Sérieux, je suis fucking déçu, Jack.