David Byrne
American Utopia
- Nonesuch Records
- 2018
- 37 minutes
Le titan de la musique David Byrne, chanteur des célèbres Talking Heads, nous offre un premier album solo depuis 2004. Fort de ses collaborations avec Fatboy Slim, Brian Eno, et plus récemment St.Vincent, c’est une orgie de styles parfois novateurs, parfois désuets, auxquels vous pouvez vous attendre avec American Utopia. Un album de « bashing » aux paroles sublimes et à la musique facile à oublier.
La force de l’ex-chanteur des Talking Heads a toujours été d’être à l’avant-garde de la musique, parfois par ses mélanges bien construits de styles et d’influences, souvent par son entourage musical bien garni. Il ne fait pas exception avec la présence sur ce disque de son collaborateur de longue date, l’omniscient Brian Eno. À ce duo mythique, s’ajoutent les producteurs et musiciens Daniel Lopatin et Rodaidh McDonald, en plus d’une liste sans fin d’instrumentistes de talent. Certains seront ravis de constater une équipe de production aussi étoffée, certains plus observateurs en seront inquiets. Comment coordonner efficacement quatre producteurs, quatre ego, tout en gérant une gamme de musiciens de la taille de l’OSM ? Difficilement est la réponse.
L’absence d’aisance se fait ressentir dès la première minute d’écoute. I Dance Like This débute par une séduisante balade au piano accompagnée simplement par la voix de Byrne qui, admettons-le à regret, a perdu de son lustre. Avant même d’avoir l’occasion d’apprécier la profondeur des paroles, le point fort de l’album d’ailleurs, le piano se fait violemment bousculer par un électro industriel choquant, voire déplacé.
Les admirateurs du travail de Byrne sont habitués à ses sautes d’humeur, ses délires d’artiste, ses virages à 180 degrés et à son éclectisme. Aucune objection tant qu’on nous propose une élévation, un allégement, ou une simple mélodie accrocheuse. Ces mélodies sont éparpillées trop sporadiquement au fil des chansons. A Dog’s Mind mérite toutefois une mention honorable. Elle contraste habilement avec ce qui précède par sa douceur et sa sincérité. Le merveilleux duo de This is That qui suit, reste le premier moment à la hauteur de nos attentes.
It’s Not Dark Up Here, une piètre émulation du génie qui caractérisait la structure musicale des Talking Heads, vous laissera dans les narines une odeur nauséabonde.
Bullet, la 7e chanson, résume tout ce qui cloche avec American Utopia. Il n’y a pas de direction claire et précise ! La réalisation n’est pas inégale, comme le résultat, qui lui l’est, mais surabondante. Le worldbeat accompagné d’électro et de la voix chancelante de Byrne sont aussi homogènes et agréables au goût, qu’un verre d’eau et d’huile.
La suite, par contre, Doing the Right Thing, est un pari réussi. Byrne reste dans sa zone de confort à notre plus grand plaisir. Les accompagnements majestueux nous préparent à être secoués d’interludes électros convaincants. Il en remet avec Everybody’s Coming at my House. L’intro rappelle un thème d’ouverture de James Bond et ce qui suit conserve à la fois sa puissance et sa qualité. Here, la finale, clôt doucement l’album avec une touche de Eno, qui tire les ficelles comme le marionnettiste hors pair qu’il a toujours été.
American Utopia est l’exemple typique d’un album surproduit. Il est facile pour un artiste de la trempe de David Byrne de se couvrir d’une telle opulence de talents diversifiés, mais à quel prix ? Au prix d’un album sans direction claire, sinon de faire du « bashing » (mérité certes) sur les USA. Nous revisiterons sûrement plus souvent le livret de paroles que son disque. Un mauvais David Byrne restera meilleur que bien des choses, mais un album réussi, lui, retombe dans notre routine musicale à intervalle régulier. American Utopia restera toutefois sur votre étagère.