POP Montréal 2016: le compte-rendu d’Hugo Tremblay (jours 2, 3, 4, et 5)
Ça y est, c’est terminé… On peut dire que c’était une bonne année pour POP Montréal, une édition variée et pleine d’heureuses découvertes. J’ai continué mon périple jeudi avec l’excentrique formation Black le Gary, dont j’avais entendu beaucoup de bien… Et avec raison! Les trois gars, deux bassistes et un batteur, ensevelis sous leur «gear», ont livré une performance du tonnerre. On assistait presque à un jam entre trois amis, avec une grosse chimie et un côté humoristique autant dans leur musique que dans leur manière d’être sur scène. Très attachant et immersif. Juste à voir aller leur « batteur » (ou plutôt chanteur-xylophoniste-percussionniste) c’était presque un show en soi. Le choix des pièces était un peu étrange pour un concert de 40 minutes, mais je suppose que ça fait partie de leur esthétique. Malgré le son saturé par le niveau incommensurable de basses fréquences, c’était un excellent show.
Ma soirée s’est terminée en beauté avec les excessivement énergiques Hôtesses d’Hilaire. Le chanteur corpulent vêtu d’une jupe assez courte, les lèvres beurrées en noir, était accompagné de ses quatre musiciens habillés en jeans et chemises blanches. Seuls sur la scène, les gars faisaient presque penser à Genesis (leur «frontman» serait d’ailleurs partant pour porter divers costumes à la Peter Gabriel…), et leur musique va dans le même sens que cette idée. Très rétro, en ce qui concerne l’instrumentation, et assez moderne dans le rendu vocal, le sitedemo.cauit en direct est tellement solide que ça devient franchement agréable. Leur chanteur est un conteur dans la branche des Mononc’ Serge et des Jean Leloup, sans trop s’approcher du pastiche, probablement en grande partie à cause de son excentricité. D’une manière ou d’une autre, il sait donner un show, et son discours engagé passe très bien sans alourdir le caractère festif et décadent de la musique. Une soirée de plus qui s’est achevée à la perfection!
Vendredi, je me suis dirigé vers l’Empire de l’échange pour voir Hoan, un groupe de Montréal. Grâce à la petitesse de la pièce et aux supports à vêtements qui faisaient office de panneaux acoustiques, le son était excellent, ce qui est malheureusement assez rare dans les salles où je suis allé durant POP Montréal… Ils ont joué environ 30 minutes de matériel tiré de leur dernier EP, et c’était très bien rendu. Ils étaient bien préparés, leur indie rock un peu rêveur remplissait bien la salle, l’ordre des pièces était bien construit, avec un beau et puissant climax à la fin du concert.
Je suis ensuite allé à la Maison Symphonique pour voir Ibrahim Maalouf en formation jazz; un jazz généralement assez conservateur (mais pourvu de la touche de Maalouf) et celle de Alf Leila Wa Leila de Oum Kalthoum, ça devient très intéressant. Une prestation tout simplement remarquable teintée de jazz fusion, en particulier de la part de Maalouf. On reconnaissait clairement les influences à la Tigran Hamasyan ou Esjbörn Svensson, même si la majorité du temps ce n’était pas toujours à la hauteur. La principale lacune qui me faisait décrocher était les acolytes du trompettiste; tous des musiciens solo exceptionnels, mais qui avaient néanmoins un peu de difficulté à garder ce talent en groupe… Des fois c’était un peu «relâché». S’ils avaient eu une chimie comparable à leur talent individuel, ça aurait été vraiment plus impressionnant. Mais peu importe les autres: Maalouf aurait pu faire le concert seul. Son jeu tout en subtilité nous transportait au coeur de ses origines, utilisant la plupart du temps dans ses solos les modes Locrien et Lydien, aux sonorités moyen-orientales, ainsi que le Maquâm arabe. Et même à un niveau purement technique, sa performance restait éblouissante; armé de son timbre rond et chaleureux, il affrontait des sauts d’intervalles impressionnants et des glissandos sans problème. C’était vraiment déconcertant de le voir aller.
J’ai ensuite accouru jusqu’au Ritz P.D.B. pour être à temps pour Look Vibrant, histoire d’avoir ma dose de psychédélisme pour la soirée. Les gars étaient en forme, c’est le moins qu’on puisse dire; ils se comportaient presque comme un jeune groupe de punks. La musique était parfaitement rendue, et même agrémentée d’un visuel excessivement kitsch et «glitchy» (en partie à cause de l’ordinateur du technicien visuel qui «gelait» régulièrement…) qui était en harmonie parfaite avec le style musical ainsi qu’avec l’ambiance de la performance. Le public (dont plusieurs amis du groupe à ce que j’ai compris) était de la partie, visiblement bien réchauffé par Hua Li (que je n’ai pu voir). C’est bien juste si je ne me sentais pas dans un show de Nirvana; des «mosh pits» un peu mous et un groupe qui termine son temps en démolissant presque la scène. Une chose est sûre: les gars étaient en parfait contrôle de leurs machines malgré leurs folies, et la musique est inventive et rafraîchissante. Ça donne un très bon show, et je ne serais pas étonné de les voir sortir de l’anonymat avant longtemps.
Samedi je me retrouvai presque à la cime du Mile End, au sommet du bâtiment d’Ubisoft, en compagnie Kandle & The Krooks, qui nous ont réchauffés un peu en commençant avec une reprise de Sour Time de Portishead (un peu mou, mais ça fait toujours du bien du Portishead). Manifestement déstabilisés par l’incident de l’alarme de feu et par le froid qui s’intensifiait, ils étaient un peu amorphes; ils n’avaient pas l’air de s’amuser très fort au début. Et comme pour empirer la chose, au milieu de la deuxième chanson, l’ampli du guitariste a arrêté de marcher soudainement. Heureusement, les trois autres membres ont joué une autre pièce pendant que «l’impotent sonore» allait chercher un autre ampli quatre étages plus bas, après quoi la performance a heureusement repris du poil de la bête. Au niveau musical, la justesse était adéquate et les harmonies vocales étaient bien exécutées. Ils jouaient tous bien de leurs instruments. Ils étaient somme toute en cohérence. Le problème était les mauvais arrangements de percussions; à part pour une chanson où j’ai bien aimé l’utilisation de chaînes (pour simuler un prisonnier qui marche, je suppose), le batteur n’avait en sa possession qu’une caisse claire et des balais, et ne savait visiblement pas comment bien s’en servir. Ça créait un vide sonore. En gros, ça ne m’a pas réchauffé autant que je l’aurais voulu, littéralement.
J’ai donc transféré mes pénates à la Brasserie Beaubien avec Blue Odeur, qui a offert une performance psychédélique et humoristique très assumée. Dans une esthétique à la Ariel Pink, les membres habillés un peu rétro participaient physiquement au délire musical qu’ils nous proposaient. Ironiques, au point de faire chanter nul autre que Siri, avec sa douce voix numérique, sur une de leurs chansons. Les genres musicaux allaient un peu partout, mais ça demeurait dans leur style, étant donné l’ambiguïté totale de la chose. Il y avait un petit travail conceptuel, avec du bruitage fait en direct pour appuyer le propos du texte… C’est une drôle d’expérience pour une demi-heure, mais une performance plus longue deviendrait certainement assez lassante.
Dorothea Paas, un groupe de Toronto, a fermé tout ça en beauté et en rêveries. Avec un «setlist» de pièces assez calmes incluant la voix planante réverbérée de la chanteuse, ça faisait une belle accalmie, d’autant plus qu’ils étaient les premiers musiciens de la soirée (à la brasserie) à savoir relativement bien jouer de leur instrument. On ne parle pas ici de virtuoses, mais leur musique ne le suggère pas. C’était loin d’être le show du siècle, entre autres causé par la redondance de leurs pièces.
J’ai commencé ma dernière journée à POP Montréal avec Lakes Of Canada, un charismatique groupe de folk bien Canadien. Le spectacle a commencé en force avec une pièce assez percussive, pour ensuite nous emmener un peu partout. Et c’était très bien exécuté. Leur chanteur ultra énergique à la voix puissante est une bête de scène, et l’énergie festive que dégagent les membres ajoute beaucoup à la prestation. Certaines de leurs chansons sonnaient un peu trop typées à mes oreilles, mais mansuet comme je suis, je vais dire que la petite touche à la Jethro Tull et le falsetto du chanteur compense pour ça. Ils ont joué beaucoup de chansons de leur dernier album, Transgressions, et ont fini ça en beauté, a capella, en bas de la scène, avec une belle pièce à quatre voix style barbershop (la voix poignante et le falsetto du chanteur principal étaient à son apogée à ce moment). Je n’avais jamais vu ce groupe en concert et j’aurais voulu en entendre beaucoup plus, et surtout sans problème de son. Très belle performance.
Ensuite, Fleece vint changer la couleur du Divan Orange avec son pop-jazz fusion-rock-indie-etc. Le groupe, composé d’excellents musiciens, avait l’air d’avoir beaucoup de plaisir à être là, mais le jeu scénique manquait de cohésion; certains dansaient, d’autres étaient posés et souriants, d’autres étaient très sérieux. Ça donnait une impression disparate de l’ensemble. Ils étaient soit en manque d’expérience, soit de travail ou de rigueur, parce que certaines parties étaient en parfaite cohésion alors que d’autres étaient un peu gauches. Ils avaient un peu de difficulté à garder leur sérieux entre les pièces, laissant des vides qui auraient pu être évités, mais mettons que ce n’était pas dramatique. Leur choix de chansons était un peu bizarre, comme leur dernière pièce par exemple, qui était dans un style presque polynésien et qui s’est terminée abrupetement, finissant par le fait même le concert de manière assez sec. Heureusement, leurs pièces sont en général très fruitées et souvent pas mal funky, donc c’est dur de ne pas embarquer. J’ai bien hâte d’entendre leur nouvel album.
J’ai ensuite assisté au concert de Klô Pelgag, qui n’a plus besoin de présentation au Canal Auditif. Exceptionnellement en solo (ou presque), elle a donné une performance exceptionnelle, et très colorée, comme à son habitude. Avec son piano tantôt romantique, tantôt «ragtime» et ses envolées lyriques toujours très parlantes combinées à son humour excentrique et rafraichaîssant, elle a une fois de plus réussi à conquérir l’audience qui était ravie. Et comme si ce n’était pas assez, VioleTT Pi est venu interpréter Labyrinthe, une pièce enregistrée avec Klô, il y a environ deux ans. C’était franchement une belle performance.
J’ai ensuite assisté à une magnifique performance de musique bruitiste par Sound Of The Mountain, un duo clarinette/trompette, à la Brasserie Beaubien. Comme le présuppose leur nom, ils créent des sons apparentés de très près à la faune et à la flore, et ce, de manière très lyrique et immersive. Leurs divers modes de jeu leur permettaient de retirer le maximum de leurs instruments, et on ressentait la recherche approfondie afin d’obtenir une plasticité sonore constamment intéressante. La majorité des sons qu’ils extirpaient de leurs instruments n’avaient pas l’air de sortir d’instruments aussi vieux que les leurs, mais plutôt de machines électroniques. Leur musique avait des allures de drone, autant pour la longue trame sonore qui se mouvait lentement que pour l’atmosphère de la pièce… Leur performance rappelait aussi l’électroacoustique, avec certains de leurs sons qui étaient extrêmement quasi électroniques. Et, dans le même ordre d’idée, un des éléments du spectacle que j’ai le plus apprécié était la diffusion stéréo: les instrumentistes faisaient une «panoramisation» de leur pièce en temps réel et ça rendait le concert d’autant plus immersif. J’ai vraiment adoré.
Au Divan Orange ce soir-là se sitedemo.cauisait Joe Grass, un groupe de folk assez poussé, un peu à la Piers Faccini. Avec trois guitares, un lap steel, un sax basse et ce qui ressemble à un sax sopranino, mais qui sonne comme une flûte, deux batteries, un violon, des percussions et des pédales à en pleuvoir, ils ne manquaient pas de stock pour explorer beaucoup de sonorités différentes, ce qu’ils firent. Je n’ai pu assister qu’à la moitié de la prestation environ, mais ce que j’ai vu me plaisait bien; un folk rock planant, rendu presque ethnique par ses diverses percussions, utilisant beaucoup de nuances et toute une gamme d’émotion. J’ai bien aimé l’utilisation du sax en guise de basse et l’écriture des pièces qui utilise beaucoup les extrêmes en termes de nuances.
Le spectacle de Copcar Bonfire à la Brasserie Beaubien (encore) a terminé mon périple sur une assez belle note… Figurativement parlant, parce que sa musique est presque exclusivement rythmique. Sa manière de procéder était assez «straightforward», mais il va sans dire qu’il avait une très belle technique. Ses sons étaient intéressants, assez différents les uns des autres, pas trop typés à mon goût. Il manquait par contre de suite dans les idées. En général, ses séquences étaient enchaînées de manière un peu étrange… Des fois, il ralentissait ou accélérait un peu maladroitement pendant ses pièces et ça cassait ce qu’il tentait de construire. Mais à part ces deux points-là, c’était une assez bonne performance très ressentie.
Voilà, un résumé succinct de l’énorme line-up de POP Montréal 2016. J’ai fait de belles découvertes et j’ai bien aimé la diversité stylistique dont ont fait preuve les organisateurs. Bravo !