La formation britannique These New Puritans, originaire de la ville de Southend-on-Sea, située en banlieue de Londres, lançait à la mi-juin, sa troisième offrande intitulée Field Of Reeds. Assemblé autour des frères Jack (compositeur, réalisateur et chanteur) et George Barnett (batterie), accompagné de Thomas Hein (basse, claviers) et de la chanteuse de jazz Elisa Rodrigues, These New Puritans crée ce que plusieurs journalistes musicaux qualifient d’art-rock. La démarche artistique du groupe se caractérise par une obsession constante du changement afin de créer des albums dissemblables les uns des autres.

Ce Field Of Reeds ne fait pas exception à la règle. Si le précédent effort titré Hidden (paru en 2010), mettait l’accent sur les rythmes belliqueux propices à faire fuir les craintifs, cette récente conception sonore met l’accent sur un dégraissage de notes accentué, des accents jazzistiques prononcés, des tempos drastiquement réfrénés et des mélodies troubles et volontairement avortées. Piano, cuivres, bois, chœurs sombres, intermèdes synthétiques, silences judicieusement positionnés se côtoient pour former une signature sonore forte et inoubliable.

These New Puritans est un désormais trio (puisque Sophie Sleigh-Johnson a quitté en 2012) en perpétuelle réinvention sonore et cette dernière parution constitue la plus sérieuse cassure dans la carrière du groupe; du même acabit que les excellents Spirit Of Eden et Laughing Stock de Talk Talk. Par ailleurs, Mark Hollis (meneur incontesté de la formation mentionnée précédemment) donne le ton à l’album grâce à un jeu de piano minimaliste en introduction à The Way I Do; point de départ de Field Of Reeds.

Jack Barnett consigne son groupe dans une esthétique sonore à la fois populaire et exigeante. Populaire, car malgré les brouillages de pistes assumées, on note une intelligibilité qui s’actualise au fur et à mesure que s’enlignent les écoutes attentives. Raffinée, intelligente, labyrinthique sans jamais assommer l’auditeur dans des méandres indéchiffrables, cette œuvre constitue un heureux alliage sonore aussi apaisant qu’angoissant.

Perfectionnisme est le mot clé qui vient définir cette création. En effet, autant au niveau de l’exécution, que des arrangements, ainsi que de cette réalisation orfévrée, cette sitedemo.cauction se distingue par un souci du détail quasiment maniaque. Pour vous aider à y voir clair, ce Field Of Reeds pourrait représenter une mixture hétéroclite de Radiohead, Scott Walker et bien entendu de Talk Talk, contenant quelques résonances provenant de l’album L’Imprudence de feu Alain Bashung.

La pièce la plus accessible de ce disque est sans contredit Fragment Two, grâce surtout à ces accords de piano accrocheurs… mais notre morceau de prédilection est sans aucun doute la superbe, cadencée et dissonante, d’une durée de neuf minutes, nommée V (Island Song). D’autres fragments sonores sont venus soulever notre élan d’affection envers cet opus : la quasi instrumentale Organ Eternal colorée par ces cris qui ont fait sursauter votre dévoué critique, la performance vocale champ gauche d’Elisa Rodrigues dans Dream et l’assemblage sublime des voix dans la conclusive pièce titre.

Field Of Reeds n’est pas un disque destiné à toutes les oreilles, mais voilà une réalisation essentielle dans le paysage musical actuel carburant parfois à l’instantanéité et à la saveur du moment. Axés entièrement sur la créativité pure de même que sur une démarche artistique endossée à fond, ces «nouveaux puritains» sont au service d’une seule et unique chose : l’art! Un album grandiose, majestueux et impressionnant qui se laisse pleinement déshabiller au fil des auditions.

Ma note : 8/10

These New Puritans
Fields Of Reeds
Infectious Records
54 minutes

www.thesenewpuritans.com/fieldofreeds/

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=ftvICVWLBKY[/youtube]