Parmi toutes les annonces de réunions et de collaborations qui attirent régulièrement l’attention de la presse musicale, une nouvelle à l’été 2014 a eu l’effet de la foudre sur les amateurs de rock expérimental: les druides de Sunn O))) allaient accompagner l’énigmatique Scott Walker pour un projet spécial. L’annonce aboutit ce mois-ci à cet album, Soused, et le résultat est loin de faire l’unanimité.

Scott Walker, c’est un chanteur américano-britannique qui a eu une carrière pop fructueuse dans les années soixante, mais qui a tourné le dos à cette carrière pour se consacrer à diverses excentricités, des reprises traduites de Jacques Brel aux tableaux cauchemardesques et grand-guignolesques de ses trois derniers albums solo, Tilt (1995), The Drift (2006) et Bish Bosch (2012). Ces albums offerts au compte-gouttes étaient le fruit d’une méticuleuse méthode de travail avec son collaborateur – et arme secrète – Peter Walsh.

Quant à Sunn O))), c’est un groupe mené par les guitaristes Stephen O’Malley et Greg Anderson qui s’est inspiré des lents vrombissements de guitares de ses idoles Earth, et qui a poussé le concept aussi loin qu’on le pouvait. Sa musique se résume souvent à un simple accord de guitare soutenu, avec les boutons de fuzz et de volume tournés au maximum. Ses prestations live sont reconnues pour être assourdissantes au point d’en devenir inconfortables.

On en arrive donc à Soused, né d’une invitation de Sunn O))) à faire chanter Walker sur un album antérieur. Sunn O))) allait-il donner une nouvelle couleur à la démence de Walker? Allait-il lui faire ombrage? Allait-il se couvrir de ridicule en montrant que ses tonnerres de guitares ne sont pas si impressionnants quand on les compare aux visions de Scott Walker? On est tenté de répondre oui à chacune de ces questions.

Les ambiances lugubres de Sunn O))) sont efficaces à plein volume, mais quand l’avant-scène est cédée à Walker et à ses descriptions saisissantes de terreur et de folie abjectes, les guitares de Sunn O))) sont réduites à un simple bourdonnement qu’on remarque à peine. Certaines autres sonorités surgissent ici et là, mais les plus efficaces et celles qui accompagnent le mieux la voix de Walker restent celles de Peter Walsh et de ses musiciens habituels. Un juste équilibre est obtenu dans deux des cinq pièces ici, soit Brando, où Sunn O))) arrive à en faire le plus avec sa palette limitée, et Fetish, où Walker et Walsh prennent les devants et bâtissent une scène troublante comme on les en sait capables.

Cette collaboration inhabituelle nous laisse un peu sur notre faim, surtout quand on sait que Stephen O’Malley a créé des musiques qui auraient mieux convenu à ce contexte, notamment avec son projet KTL. On peut rêver à d’autres collaborations pour Scott Walker, mais elles sont peu probables, et quoi que je pense de Sunn O))), il faut au moins leur accorder qu’ils ont mené à terme un album en entier avec ce chanteur d’une excentricité légendaire. Quel autre groupe peut en dire autant?

Ma note: 6,5/10

Scott Walker + Sunn O)))
Soused
4AD
49 minutes

www.4ad.com/artists/scottwalker

[youtube]http://youtu.be/G_NIop72vis[/youtube]