David Giguère
Casablanca
- Audiogram
- 2014
- 46 minutes
Hisser Haut, le premier album du chanteur/comédien David Giguère avait autant de bons moments que de moments frustrants. Entre une réalisation efficace et des chansons accrocheuses, Giguère tergiversait entre une pop léchée qui tombait à plat (C’est pas elle, Madame) et une volonté de faire les choses différemment (Désirs, L’Atelier, 1-2). Au final, on se demandait qui était vraiment cet artiste. Les faux pas du premier album derrière lui, il présente aujourd’hui Casablanca, un courageux deuxième effort. Les meilleurs moments de son premier album servant de canevas à l’artiste pour y peindre ses nouvelles histoires, il en résulte une œuvre bien plus personnelle et juste.
Pour Casablanca, le chanteur s’est inspiré d’une histoire d’amour passionnelle qui l’a mené à perte. Les onze chansons de l’album ont été écrites sur une très courte période, en étroite collaboration avec l’acteur Emmanuel Schwartz, qui est crédité comme conseiller dramaturgique. Ses chansons sont plus imagées, et ses textes beaucoup plus travaillé. Alors qu’Hisser Haut faisait frissonner par moment avec ses textes naïfs, Giguère se plaît maintenant à suggérer plutôt qu’à démontrer. Tuons nos enfants résume la relation, du début jusqu’à sa mort, tandis que l’excellent premier extrait La pornographie parle de l’intimité avec l’être cher. C’est sur des chansons comme Gun ou Albert Prévost que l’auteur réussit à réellement émouvoir. Sur la première, toute simple avec sa guitare acoustique, relate les étapes imagées d’un couple qui se permet de se faire mal pour mieux s’aimer, alors que sur la deuxième fait référence aux «[…] cassettes de ma mère qu’elle enregistrait à mon père, l’amour, c’est pas comme on croit…», chante-t-il, titre faisant référence au pavillon de psychiatrie de l’Hôpital du Sacré-Cœur et à son fondateur. On entend même en fin un extrait de ces cassettes, sa mère décrivant Paris et sa beauté sous un ciel orageux. Très touchant.
Casablanca réunit plusieurs grands musiciens québécois. La réalisation a été confiée à Jonathan Dauphinais (Ariane Moffatt) secondé par Jean-Phi Goncalves (Beast, Plaster). De plus, on retrouve Joseph Marchand (Forêt) aux guitares, Christophe Lamarche Ledoux (Jimmy Hunt, Man Machine) aux claviers et Ariane Moffatt et Camille Poliquin y font une apparition plus subtile en tant que choriste. Avec une équipe du tonnerre, il est bien normal que Casablanca sonne comme une tonne de brique: la réalisation et les arrangements y sont impeccables. Visiblement influencée par les James Blake et autres The XX de ce monde, la facture sonore se veut intimiste, nappée de claviers texturés et de guitares en mode «full reverb». Ça sonne 2014, sans vraiment trop emprunter aux autres pour dénaturer la musique du chanteur.
À la première écoute, on se demande où sont les hymnes accrocheurs et les chansons vers d’oreilles du premier album. Plus on écoute Casablanca, plus on ne s’en ennuie pas: elles ne sont tout simplement pas là. Avec sa superbe pochette éclatée, on pourrait être porté à croire que Casablanca est une œuvre colorée, voire ludique. Détrompez-vous. C’est un album qui porte un lourd fardeau, celui d’avoir trop aimé, de s’être tellement perdu dans l’autre qu’on s’est perdu soi-même, de la folie de tomber en amour et de rester en amour, mais qui apporte une grande récompense, si on s’y attarde plus longuement.
Ma note : 7,5/10
David Giguère
Casablanca
Audiogram
46 minutes
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