Cult Of Luna + Julie Christmas
Mariner
- Indie Recordings
- 2016
- 55 minutes
Cult Of Luna est devenu un groupe phare du post-métal avec Salvation (2004) et Somewhere Along the Highway (2006). Avec les albums concepts tirés de l’imaginaire de Fritz Lang, Eternal Kingdom (2008) et Vertikal (2013), le sextuor a assuré son expansion vers de nouveaux marchés bien plus qu’il n’a étonné sa base de fidèles (à l’exception du souterrain Vertikal II passé inaperçu pour des raisons de distribution).
Cult Of Luna appartient certes à une classe supérieure dans le genre, un genre de 1% du talent, mais disons donc que les deux derniers albums avaient des concepts si complexes et englobants que le groupe a oublié dans le processus de ficeler de bonnes chansons. Au final, on sentait la bande de Johannes Persson (guitare, voix) sur le pilote automatique sur Eternal Kingdom et Vertikal.
Pour son nouveau projet, Cult Of Luna s’est associé à Julie Christmas (Battle Of Mice, Made Out Of Babies). Audacieux choix pour un groupe dont le son est si teinté par les virils «growls» de Persson (et de Klas Rydberg avant lui). Mais un choix tout à fait génial puisqu’il a relancé l’inspiration de Cult Of Luna. La présence de Christmas renouvelle les procédés «climaxiques», varie le narratif lourdaud de la plume de Persson, permet au groupe de mieux exploiter ses zones d’ombres et surtout, corrige son plus gros défaut: l’étroitesse du spectre vocal.
Christmas chante, murmure, «incante», crie et crie encore plus fort et ça berce, ça fait frissonner puis ça coince. Ça coince solide dans les notes aiguës. Tout de même, on se dit: voilà ce que ça prenait pour «accoter» le mur de riffs percussifs de Cult Of Luna.
Mais la valeur de Mariner ne s’en tient pas qu’à l’ajout de Julie Christmas. Le travail de Kristian Karlsson, venu en remplacement du claviériste et bidouilleur Anders Teglund en 2013 donne une nouvelle profondeur au son de Cult Of Luna. «Kristian a une vision plus orchestrale des ambiances et des sons», mentionne Persson dans une récente entrevue. On sentait déjà sur Vertikal II un changement de cap dans l’usage de l’électronique, la touche de Karlsson étant plus vaporeuse, moins industrielle et mécanique que celle de Teglund.
Vertikal II était passionnant pour son exploration de différentes teintes de gris. Sur Mariner, la démarche prend tout son sens avec les vapeurs diffuses de rouge, de vert, que créées Karlsson.
A Greater Call, Chevron et (surtout) The Wreck Of S.S. Needle, les trois premiers titres de ce Mariner, sont parmi les meilleurs que le groupe a composés. On irait même jusqu’à dire qu’ils rivalisent avec les Finland, Adrift et autres Echoes pour leur équilibre et leur intensité.
Approaching Transition est une chanson qui aurait peut-être mérité un certain resserrement, mais comme son nom l’indique, on imagine que son rôle est de mettre la table à l’épique finale, Cygnus, qui conclut magnifiquement l’épopée en haute mer que nous fait vivre Mariner.
Car ce nouveau disque obéit aussi à un concept, celui d’un voyage en mer houleuse, d’un naufrage et d’une dérive vers la mort.
La différence d’avec les précédents disques du groupe? C’est qu’ici la cohérence du narratif rime aussi avec le crescendo de l’expérience d’écoute. Mariner se termine dans un typhon de cris, de mélodies, de percussions et de bruits de machine: le douloureux dernier moment de l’asphyxie avant le repos éternel.
Cult Of Luna sont de grands musiciens. Avec Julie Christmas, ils sont des génies. Ils sont dorénavant et sans conteste, le plus important groupe de post-métal encore en activité. Mariner est leur chef d’oeuvre, leur Oceanic.
Ma note: 9/10
Cult Of Luna
Mariner
Indie Recordings
55 minutes
http://cultofluna.squarespace.com/
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=wz-4xELUpMs[/youtube]