Critiques

Rosalía

Lux

  • Columbia Records
  • 2025
  • 60 minutes
9
Le meilleur de lca

La musique en tant que vecteur de sacré n’est pas un concept récent. Depuis la naissance de celle-ci, elle a servi à traduire la relation entre l’humain et ce qui pourrait exister de plus grand que nous, qu’on nomme souvent Dieu. On pourrait aussi le résumer à : comprendre le monde autour de nous et le grand mystère qui restera toujours de la quête de sens pendant notre vie. C’est plus sexy que de penser que nous sommes d’heureux accidents. Le sacré en musique contemporaine, par contre, est souvent réservé à des artistes un peu ringards qui restent conservateurs dans leur approche. Quelques exceptions arrivent ici et là, comme Mykalle au Québec l’an dernier ou encore Nick Cave, qui en parle d’une manière très personnelle.

Rosalía réussie haut la main à insérer du sacré dans sa pop. Non seulement elle en traite de manière inventive, mais poussée par une inspiration de quelque chose de plus grands qu’elle, l’Espagnol livre un album de pop grandiose comme il s’en fait peu. Délaissant la pop plus accessible de Motomami (on se rappelle qu’il y a une chanson complète sur le poulet), elle revient à une proposition plus audacieuse qui caractérisait El Mal Querer. Par contre, Rosalía a dorénavant les moyens de ses ambitions.

Lux frappe par sa portion orchestrale qui donne un sentiment d’immensité. C’est particulièrement vrai sur la coup de poing Berghain, premier extrait à paraître. Mais c’est aussi vrai pour Porcelana, où les attaques des cordes sont puissantes et traversent la trame de basse synthétique de manière tranchante avant de rejoindre la trame générale dans une complainte fort efficace. Le London Symphony Orchestra mené par Daniel Bjarnason complète à merveille sa proposition avec nuance et goût.

Il faut aussi parler des langues. 14 langues se rencontrent sur Lux : l’espagnol, le catalan, l’anglais, le français, le portugais, le mandarin, le japonais, l’hébreu, l’arabe, l’italien, le sicilien, l’ukrainien et le latin. Les langues choisies par Rosalía représentent aussi des saintes desquelles elle a puisé son inspiration. C’est donc une œuvre à la fois sacrée et féministe. Mais les vies des saintes ne sont pas utilisées pour chanter des louanges, mais plutôt pour humaniser ces figures qui ont été portées aux nues. Rosalía continue de chanter sur des situations qui sont à hauteur d’homme.

L’album est divisé en quatre mouvements qui se tiennent en bloc, mais qui sont aussi composés de chansons qui se tiennent à l’unité. Si Berghain vous donnait l’impression de faire partie de quelque chose de plus grand, c’est effectivement le cas. Après la folie de celle-ci, on glisse dans La Perla qui commence doucement et qui est l’une des chansons les plus mélodieuses de l’album.

Parmi les bons coups, on retrouve aussi la douce et légèrement mélancolique Sauvignon Blanc, ou encore la rythmée Dios Es Un Stalker ou la synthétique Focu ‘Ranni. La Yugular avec ses élans magnifiques fait aussi partie des pièces qui marquent sur l’album.

En toute franchise, il se fait peu de pop avec autant d’ambition et d’audace musicale et Rosalía réussit son pari haut la main. Il faut avoir une certaine propension pour le tragique et le théâtral pour apprécier à son maximum Lux. Comme pour un opéra, il y a quelque chose de grandiose dans les émotions qui sont traduites en chanson. Par contre, la musique sort des cadres habituels et créés d’habiles ponts entre la musique classique et la pop contemporaine. Un excellent record.

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