Vivresse
Sainte-Vivresse
- Indépendant
- 2024
- 37 minutes
Quand j’ai appris que le groupe Vivresse allait sortir leur premier album, je me suis d’abord posé cette question : mais QUI EST Vivresse? Composé de Florence Dias (voix et synthétiseurs), Mathieu Gravel (basse), Tommy Grandbois (voix et guitares) et Alex Grandbois (batterie), ce quatuor s’est donné comme mission depuis 2022 de donner une voix à ceux voulant être entendus ainsi que de transmettre à travers leur art l’ivresse de vivre, d’où leur nom de groupe. Poétique, si vous voulez mon avis. Curieuse, j’ai regardé vite fait leur compte Spotify et qu’est-ce que j’aperçois? 84 auditeurs mensuels !!! Étonnamment, ce constat m’a encore plus poussée à me pencher sur leur cas.
Eh bien, maintenant est le bon moment pour s’intéresser à ce groupe. En effet, leur premier album, Sainte-Vivresse, arrive désormais entre nos mains. À noter que la pochette de l’album, à la croisée des chemins entre le dessin enfantin et le graffiti contestataire, m’a également donné la puce à l’oreille. D’emblée, nous sommes face à un art en marge du conventionnel et à une identité forte et prononcée. En guise de carte de visite, cela ne pouvait pas mieux tomber, car Sainte-Vivresse est un album engagé, complexe et diablement efficace. Et d’ailleurs, quoi de mieux pour commencer que des violons, surtout pour moi, amatrice de première de cet instrument? L’introduction, Vivresse pt. 2, donne le ton et nous prépare avec le message suivant : cet album sera imprévisible. Quelle que soit la direction que prend un morceau, il faudra se préparer à être chamboulé.
Sur Sainte-Vivresse, la maîtrise des instruments est exemplaire, comme le démontrent les guitares sur la piste Enfant sauvage, entraînantes et puissantes, à l’image de la révolution que le groupe désire. « Si couché par terre, t’entends la guerre / C’est la révolution qui dort en toi, » chantent-ils, avides de révolte et de changement. Par ailleurs, d’autres instruments viennent s’immiscer dans cet habile mélange, comme le piano mélancolique sur Poussière (racontant l’histoire d’une travailleuse du sexe marginalisée et laissée à elle-même) et la flûte sur la surprenante Merci, flûte m’ayant même vaguement ramenée dans des ambiances à la King Crimson, rendant les sonorités de rock progressif de Sainte-Vivresse parfaitement cohérentes. À noter, d’ailleurs, ce « merci », qui est d’habitude réservé aux fins d’albums, se situe ici… en plein milieu! Comme quoi, Vivresse ne cherche pas à respecter les codes, mais plutôt à les balancer par la fenêtre et à tout réécrire, à leur manière. Ce doux goût d’anarchie me plaît énormément.
Violette, quant à lui, est un morceau particulièrement impactant. Brut, impardonnable et surtout, teinté d’un esprit de vengeance, il aborde une situation d’agression sexuelle et les répercussions de celle-ci sur sa locutrice. Florence Dias donne tout ce qu’elle a sur cette piste sur un fond de batterie hargneuse. Ses cris se perdent dans le néant et transpercent le cœur, nous rendant impuissants et spectateurs face à l’horreur. Une vraie pièce phare sur l’album, et une qui reste avec l’auditeur longtemps après la première écoute.
L’album est également parsemé de changements instrumentaux, parfois même au milieu de certains morceaux, là où nous nous y attendons le moins. Alors certes, ceux-ci peuvent finalement être assez déroutants, mais quand ils fonctionnent, ils fonctionnent VRAIMENT. Merci, comme déjà mentionné, se permet une accélération à mi-chemin de la piste, la rendant superbement dynamique. J’en redemande encore! Finalement, l’avant-dernière piste, Drap blanc/Drap gris/Drap noir, décide de tout donner et de mettre le paquet, tels un crescendo final ou un dernier rebondissement dans un film d’action, avant de se conclure finalement par un tout petit extrait de musique, Vivreprise, qui se veut plutôt comme une étape de transition pour la suite de la carrière du groupe.
Vivresse, c’est un groupe maître de son art. De par le format de leurs morceaux et leurs thèmes, en passant par leurs pochettes, tout est là pour offrir une œuvre forte et nécessaire qui fait du bien à l’âme des marginaux et des éternels optimistes. Pour un premier (PREMIER!!) album, c’est impressionnant, et franchement, ça promet pour la suite. Permettez-moi d’entrer dans le club sélect des 100 premiers auditeurs mensuels de Vivresse!