PoiL Ueda et Ikue Mori au FIMAV, le 18 mai 2023
Dans le cadre du Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV), Le Canal Auditif était particulièrement fier de parrainer le concert mettant en vedette le collectif franco-japonais PoiL Ueda.
Présentée hier soir à ce magnifique endroit qu’est le Carré 150, cette visite de la formation était la première en sol américain. J’ai ensuite assisté à la prestation offerte par Ikue Mori; une figure de proue du mouvement no wave, courant musical et artistique apparu à New York en 1977.
Poil Ueda
PoiL Ueda est la fusion de la formation rock d’avant-garde d’origine française nommée PoiL et de la chanteuse japonaise Junko Ueda. La musique de PoiL réunit l’intensité du punk à la beauté de la musique de chambre, en bifurquant parfois vers le rock progressif, le math rock et même le jazz fusion. Ueda joue également du satsuma biwa; un instrument traditionnel japonais. Au printemps dernier, l’ensemble nous a présenté un album homonyme réussi qui constituait un condensé de ce que ces talentueux musiciens improvisent en concert.
La prestation s’est amorcée avec les incantations distinctes de Junko Ueda servant d’introduction à la première pièce tirée de l’album homonyme paru l’hiver dernier, Kujo Nakujo. En concert, le lent crescendo hypnotique de la pièce s’appuie surtout sur le jeu de basse grondant de l’excellent Benoit Lecompte et du batteur Guilhem Meir.
PoiL Ueda nous a ensuite présenté la deuxième pièce de l’opus, Dan No Ura. En plein milieu de parcours, l’explosion résolument math rock était nettement plus puissante que la version enregistrée. Une relecture live passablement réussie.
Le collectif a conclu sa prestation avec trois « épisodes sonores » inspirée d’une saga historique japonaise qui s’est déroulée au 12e siècle — c’est du moins ce qu’a expliqué l’incantatrice Janko Ueda. Le premier chapitre évoquait les lentes montées chirurgicales de la formation Swans, sans les légendaires assauts sonores. Dans le deuxième segment, ce sont les magnifiques harmonies vocales masculines qui ont attiré mon attention. Le concert s’est achevé avec une dernière épopée marquée par une introduction d’Ueda au satsuma biwa, menant à une finale post-apocalyptique.
Si en version enregistrée, PoiL Ueda fait preuve d’une plus grande subtilité dans l’exécution de ses pièces, en concert, le groupe mise beaucoup plus sur des cassures, étonnamment prévisibles, oscillant entre apaisement et frénésie. Or, le fan de rock en moi a quand même apprécié ces courts instants déflagrants. S’il n’y avait qu’un seul bémol à émettre ? Les longues introductions explicatives d’Ueda auraient eu intérêt à être raccourcies. Outre ce petit écart, PoiL Ueda nous a présenté un excellent concert sis entre beauté et hyperactivité sonore.
Ikue Mori
Pendant la pandémie, Ikue Mori a mis sur pied la formation MORI, collaborant à distance avec une dizaine de musiciens pour donner naissance à l’album Tracing the Magic.
Au printemps 2022, elle a rameuté cinq des musiciens qui ont participé à l’enregistrement de l’album susmentionné lors d’un seul concert donné à New York. C’est donc avec cette même formation — à l’exception du batteur Ches Smith qui remplace Sae Hashimoto —, qu’elle est venue présenter une version en concert de ce Tracing the Magic. Ce long format est un hommage à des femmes artistes qui ont vécu jusqu’à un âge avancé et qui ont marqué l’imaginaire d’Ikue Mori, incluant la plasticienne Louise Bourgeois décédée en 2010.
Sur scène étaient réunis batterie, cornemuse, hautbois, piano et portables; des instruments employés de manière non conformiste. MORI nous a présenté des morceaux surréalistes, singularisés par des voix étranges et de sons inattendus produits par un arsenal d’effets et d’appareils électroniques contrôlés par ordinateur. La plupart des morceaux empruntaient le même schéma; une entrée en matière électronique ponctuée de grésillements feutrés et de voix rompus pour ensuite faire place aux instruments traditionnels. Même si, par moments, je souhaitais l’avènement de moments encore plus chaotiques, je salue la façon dont chacun des instruments s’harmonisait ou contrastait entre eux.
Or, malgré l’indéniable apport de la lutherie électronique à la musique de MORI, ce concert versait par moments dans un certain passéisme sonore; une sorte de déjà entendue qui m’a fait passablement décrocher de ce qui se passait sur scène. Et c’est ainsi que mon agréable périple dans la région des Bois-Francs s’est terminé.
Je souhaite un excellent festival à tous les passionnés qui seront présents ce week-end à Victoriaville… un événement essentiel à la promotion de la diversité musicale sur le territoire québécois.
Crédit photo: FIMAV / Martin Morrissette