Puppa Lëk Sèn : l’équilibre par le reggae
Il incarne une nouvelle force africaine reggae connectée sur la mappemonde et sa respiration. Représentant d’une nouvelle génération qui aspire à retomber sur ses pattes dans un monde en chute libre.
Tête d’affiche d’un sound system dit artisanal,orchestré par les productions Nuits d’Afrique ce samedi 25 février, pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs, il réserve des vibrations positives. L’artiste sénégalais porte un regard lucide sur l’état de la planète et clame sa liberté d’expression. Ardent défenseur des droits, le Sénégal et ses failles habitent nuit et jour l’esprit de l’auteur-compositeur-interprète.
Dénonciation de la « danse » sur la toil
La discussion avec Lëk Sèn s’agite selon un flux revendicateur. En guise de prélude, il aborde les ravages de l’Internet en Afrique, un univers clos qui « sème la pagaille ». Il utilise la métaphore de la danse et du jeu pour articuler sa réflexion, lui qui n’a de cesse de déplorer les tares sociétales. « Tout le monde a quelque chose à dire sur Internet, les jeunes Africains dansent et se mettent en scène en oubliant la profondeur, sans dénoncer les travers, l’absence de lois au Sénégal, de travail pour les jeunes … », lance-t-il, navré d’assister à cette forme de « noyage » de l’intelligence. La bouée de sauvetage à cette épave résiderait selon lui dans l’éducation, la lecture classique. « Les plus pauvres rigolent sur la toile, le ventre vide », regrette l’auteur-compositeur-interprète.
Nouveau reggae
Sa foi en un changement de comportement, il la chante à travers ses propres chansons. À la manière de son chef suprême, Bob Marley, et son message universel d’amour. Cultivé et à la page de l’histoire du Sénégal depuis les années 60, Puppa Lëk Sèn prône un changement d’héritage avec la France, pays colonisateur. Grâce à l’expression de son franc-parler, le « rebelle diplomatique » – comme il se désigne – parle au peuple, sans souci de sophistication. Le credo du reggae, en somme. Personne ne lui dicte une pensée externe à la sienne ; son message se déploie dans sa musique. Il rêve à un jour pas si lointain où ce reggae aura la place qu’il lui revient. Au-delà des piliers consacrés d’une autre génération : Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly. « Le reggae vient de Jamaïque, mais ce sont des descendants africains qui le chantent », rappelle le chanteur-guitariste qui avoue devoir encore se battre pour se faire une place à l’international, malgré ses débuts en 2013 et la diversité de ses influences, empruntant aussi au hip-hop et au dancehall.
Particulièrement inspiré en 2022, Lëk Sèn sortira trois opus : All you can do, Energie et I Roots. Nomade, il voyage sur le globe et laisser cours à l’écriture pour peindre le monde. Son mal-être comme ses guerres, la destinée fatale des migrants. Sa seule arme : la musique comme bouclier à la mentalité contemporaine du repli sur soi, à l’injustice. Celle de constater que les scènes du monde restent hermétiques au reggae sénégalais, trop cantonné au cliché de la marijuana. « Il y a un bon public reggae en Afrique, un esprit One Love dont je suis l’un des ambassadeurs », se réjouit-il.
Prêt à quitter Paris pour Montréal, Lëk Sèn apportera tout son bagage de sonorités africaines et reggae authentique au Ministère. Il assurera une liaison directe avec Maman Africa en plusieurs langues. Une rare occasion de découvrir l’ampleur de son répertoire se déclinant en sept albums et cinq EP.
*Le samedi 25 février au Ministère (4521 Boul. Saint-Laurent, Montréal)
WorldWild Soundsystem LËK SÈN, ADAMA DAOU et ZAL SISSOKHO – AFRODUB SESSION
Série événement »La musique africaine dans tous ses états »