Stephen Mallinder
Um Dada
- Dais Records
- 2019
- 55 minutes
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore Stephen Mallinder, je vous laisse faire la recherche en ligne, mais en résumé il est le co-fondateur de Cabaret Voltaire avec Richard H. Kirk et Chris Watson, en 1973 à Sheffield. Groupe pionnier qui a participé à l’évolution de courants musicaux comme l’industriel et le post-punk, Cabaret Voltaire s’est démarqué en s’inspirant du mouvement artistique Dada pour (ne pas) composer de la musique avec des rubans magnétiques et des circuits électroniques. Je vous épargne ma passion pour ce groupe afin de passer à la carrière solo de Mallinder, qui se résume à Pow-Wow (1982) et Um Dada, publié en octobre dernier. Inutile de vous dire à quel point c’est une belle surprise de pouvoir apprécier un nouvel album de la part d’un pionnier de la musique électronique, qui est en pleine maîtrise de son art en plus.
Le rythme prend place immédiatement sur Working (You Are), superposant les séquences rythmiques autant percussives que mélodiques jusqu’à ce que la voix échantillonnée de Mallinder répète « Working » et « You Are » de façon un peu funk. Le montage est absolument délicieux, passant d’une combinaison rythmique à l’autre en mélangeant intuitivement du techno pop allemand à de la house champ gauche. Des bongos numériques ouvrent Prefix Repeat Rewind de façon jolie, ceux-ci coulés ensuite dans le plancher par le kick et décorés dans les hautes fréquences par le charleston. Mallinder chante sur le rythme au-dessus des différentes lignes de synthétiseurs itératifs, en prenant une pause durant un court pont au piano sec et repartant dans un mouvement plus dense qui s’amincit progressivement. It’s Not Me débute au charleston dance avec une ligne de basse acid house qui prend de l’ampleur jusqu’à ce que le kick rende le tout irrésistible. Mallinder fait du spoken word bien rythmé, dont la voix est trafiquée en diffusion radio comme un message de propagande. Mention spéciale au solo d’orgue d’église caché dans le fond qui contraste parfaitement bien avec la teinte acid placée en avant.
Um Dada se déploie en une accumulation ingénieuse de percussions synthétiques entourant le tempo central, à partir duquel les échantillons de voix en écho mettent en place la ligne mélodique. Ça se maintient jusqu’à un pont plus ambiant légèrement planant, et ça repart avec une jolie ligne de basse acid. Satellite fait sourire momentanément avec son rythme qui ressemble à celui d’une pièce de Human League, mais ça s’arrête à l’arrivée de la ligne de basse simple, mais tellement efficace. Mallinder chante un peu plus mélodiquement, conservant tout de même une approche rythmique. Colour prend la direction techno, version autoroute la nuit avec les lumières qui passent comme des néons. L’orgue mène la ligne mélodique en bondissant pendant que les échantillons de voix répètent « colour » de façon ascendante.
Flashback commence simplement au kick lourd et synth rythmé, la cloche à vache arrive dans le décor et on pense à « more cowbell » pendant quelques secondes. Le groove devient vraiment entraînant avec l’ajout d’une deuxième ligne de basse qui rebondit comme un ensemble de timbales. La petite mélodie à l’orgue vient compléter les couplets presque chuchotés par Mallinder. La boîte à rythmes de Robber ralentit le tempo et utilise les contretemps de façon plus hip-hop avec un échantillon de voix qui répète « monetize ». L’évolution de la pièce mène à une séquence plus mélodique avec des cordes jouées au clavier. Hollow ouvre progressivement en superposant les éléments percussifs et les synthétiseurs analogiques, croisant du EBM avec de la house, tout naturellement, pour créer une trame rythmique énergisante.
Il n’y a pas à dire, Stephen Mallinder revient en force avec Um Dada; dont la palette sonore rétro mélange superbement bien la base house avec une quantité très satisfaisante de sons percussifs, de séquences innocentes de boîte à rythmes, de collage d’échantillons et de voix trafiquées. Il y a donc une emphase très marquée sur le rythme, minimisant la majorité des lignes mélodiques à des notes courtes bondissantes, et maximisant l’effet de mouvement vers la fin de l’album. En fait, c’est un peu ridicule à quel point on ne se rend pas compte que ça dure cinquante-cinq minutes. Je lève mon chapeau à maître Mallinder.