Critiques

Young Fathers

White Men Are Black Men Too

  • Big Dada
  • 2015
  • 39 minutes
8
Le meilleur de lca

YoungFathersQuelle est la meilleure stratégie à emprunter quand on gagne un prix majeur comme le Mercury Prize britannique? Young Fathers, qui a reçu ce prix pour son album Dead paru en février 2014, réagit en restant prolifique. À peine un an après cet album encensé, le trio écossais nous revient avec les douze pièces de White Men Are Black Men Too.

Young Fathers fonce dans cet album tête baissée, et mon impression à la première écoute était que le groupe était animé par une énergie du désespoir; comme s’il fallait qu’il combatte le syndrome de la page blanche en sitedemo.cauisant beaucoup, et au plus vite. Même si c’était partiellement vrai (certaines pièces répètent des ambiances et des sonorités de Dead et des mixtapes qui l’ont précédé), ce que White Men Are Black Men Too démontre hors de tout doute est que le jeune groupe a trouvé un terrain très fertile et bien à lui.

Depuis son premier mixtape, Young Fathers nous sert un hybride de genres avec une forte saveur hip-hop. Cette fois-ci, la concentration de rap est nettement diluée. Le groupe a d’ailleurs affiché un courriel/manifeste sur son site web qui explique un peu le choix du titre de l’album et l’intention derrière la musique: des mots qui frappent fort, mais une musique qui se veut pop. La réalisation est un peu trop rude et lo-fi pour qu’on puisse vraiment qualifier cette musique de pop comme on l’entend habituellement, mais le trio combine cette fois ses voix surtout pour créer de l’harmonie, et rarement pour s’échanger des rimes.

L’intention est donc d’être musicalement rassembleur, mais ce qui est créé ici est loin de sonner comme un compromis. C’est plutôt une éruption d’enthousiasme et d’indignation qui emprunte à une grande variété de genres, du soul à la musique industrielle. Il arrive qu’un morceau ici ou là n’ait pas grand-chose de remarquable, mais quand le trio trouve un bon filon, il en tire beaucoup de matière. Tant des pièces énergiques comme Shame et Rain Or Shine que des plus douces comme Sirens, Nest et Dare Me ont quelque chose d’absolument triomphant.

L’autre pan de l’intention du groupe ici, comme je l’écrivais plus tôt, c’est des mots percutants. Avec un tel titre, et avec des mots comme “Tonight I don’t love God” dès les premières secondes de l’album, Young Fathers ne laisse aucun doute: le groupe n’a jamais été fleur bleue, et ce n’est pas ici que ça va commencer. Leur penchant pour le côté sombre se poursuit sur tout l’album (exemples parmi tant d’autres: “killed a man with my bare hands, please forgive me”, “I’m tired of playing the good black”, “the police are on cocaine, and they want to know my name”).

La beauté ici n’est pas tellement dans les tableaux brossés par les mots, mais bien dans l’énergie et la vivacité musicale du trio. Young Fathers donne l’impression que la totalité de la musique occidentale est dans sa palette, et même les sons bruyants et distorsionnés contribuent à embellir l’ensemble. Que le groupe ait été animé par une énergie du désespoir ou qu’il ait simplement été très prolifique, cet album convainc qu’on n’a pas affaire à un feu de paille. On ouvre les paris pour un deuxième Mercury Prize en deux ans?

Ma note: 8/10

Young Fathers
White Men Are Black Men Too
Big Dada
39 minutes

http://www.young-fathers.com/

[youtube]https://youtu.be/2PdYvkaYsaU[/youtube]

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