Philippe Brach
La foire et l’ordre
- Spectra Musique
- 2014
- 43 minutes
Maintenant à la tête du palmarès des Francouvertes, le jeune Philippe Brach est une fois encore, en train de faire ce qu’il fait de mieux: charmer, ravir et conquérir avec sa musique. À 24 ans, peu de gens peuvent se vanter d’avoir donné plus d’une centaine de spectacles, avoir fait trois fois les Francofolies, avoir gagné Ma Première Place-des-Arts ainsi qu’un nombre non négligeable de prix lors de plusieurs autres compétitions. Originaire du Saguenay, Philippe Brach présente son premier album, La foire et l’ordre; disque d’une authenticité déconcertante.
Le matin des raisons donne le ton: «C’est le matin pis j’suis déjà stone». Philippe Brach n’arrive pas avec une poésie fleur bleue idéale pour le public de Rouge Fm. Non, car La foire et l’ordre sent les relents du scotch de trop, de la fumée thérapeutique, les amours qui tombent dans le dalot et le cul sans romantisme gaga. Les textes du jeune homme possèdent la même absence de verni que ceux de Fred Fortin. Ravin (Les égouts de mes ébats) commence avec les vers suivants: «Tu me téléphones avec ton téléphone/Tu m’attends avec ton temps/Tu ne m’écoutes pas avec tes oreilles/Tu ne vois rien avec tes yeux/Pourquoi qu’tu m’chies pas d’sus avec ton cul?» et son refrain: «Si t’étais un char, je serais ton ravin/Si t’étais antisémite ben je serais ton rabbin».
On peut aussi noter Race-pape, qui semble parler de religion et de la trahison de l’institution face au message biblique, mais qui peut tout aussi bien se transposer à la politique québécoise ou à une situation de tromperie amoureuse. Ce qui surprend le plus chez Brach, est la qualité de l’interprétation. Oui, il a compris que de simplement chanter une toune n’est pas suffisant. Dans ma tête voit le jeune homme y aller de beaux moments excentriques alors qu’il parle de la petite communauté de voix qui se loge dans ses neurones.
Non seulement Brach possède une plume intéressante, il ne se contente pas de rester dans les sentiers battus au point de vue musical. Ressac sur ta peau, en plus d’un texte poignant qui rappelle les meilleurs moments de Daniel Bélanger, voit aussi le jeune homme laisser un silence au moment du refrain, gardant l’auditeur en suspense, prit au bord de ses lèvres. Sa guitare, elle aussi ose, alors qu’elle ralentit le tempo pour ensuite retrouver sa vitesse de croisière.
Brach a aussi autositedemo.cauit l’album avec Pierre-Philippe Côté (DJ Champion). Loin d’être une galette ampoulée, comme bien des artistes québécois nous offrent dans l’univers pop, le Saguenéen se permet des pièces où sa voix et sa guitare sont les seuls artifices nécessaires. On reconnaît chez lui une grande maturité musicale. On n’a jamais l’impression que deux pièces se ressemblent. Brach, sans sortir de son univers sonore, réussit à nuancer avec intelligence et aplomb.
Sa poésie non léchée, coulée dans l’authenticité et l’honnêteté, vaut franchement le détour. Si les premiers albums de Daniel Bélanger, ceux de Fred Fortin ou encore ceux des Colocs vous plaisent, vous aurez un plaisir certain à découvrir le jeune homme.