Moran
Sans abri
- Kartel Musik
- 2012
- 52 minutes
Au début du mois d‘octobre, le récipiendaire du prix Gilles-Vignaeult pour meilleur auteur-compositeur en émergence, l’acteur, et le réalisateur pour plusieurs artistes, Moran, lançait sur le marché un album intitulé Sans abri. Le conjoint de Catherine Major, le guitariste Thomas Carbou et le batteur Sly Coulombe se sont adjoints les services du réputé Yves Desrosiers à la réalisation afin de créer un univers musical qui s’apparente à celui de feu Alain Bashung, ou encore plus près de nous, à celui de Fredric Gary Comeau. Que nous réserve Sans abri?
Des textes solidement bien ficelés évoquant le temps qui nous rattrape, les décisions que l’on remet sans cesse au lendemain, les convictions qui se cristallisent au fil des jours qui passent, et ce, dans une langue complètement maîtrisée. Musicalement, les guitares folk et rock se côtoient magnifiquement afin de concevoir une atmosphère, imprimant dans les cœurs, une émotion qui se veut franche et authentique. La voix de Moran, grave et remplie de décombres, vient chapeauter de façon héroïque ces ritournelles de haut niveau.
La réalisation de Yves Desrosiers vient grandement rehausser l’offre chansonnière de Moran, avec des salves de guitares saturées et un climat rock qui accentue l’intensité et la solennité des chansons de Sans abri. Ce disque m’a quelques fois remémoré l’espace sonore enfiévrant l’album Fantaisie Militaire; création phare d’Alain Bashung… et ce n’est pas un mince compliment que j’offre à Moran! Enfin, un songwriter pas tout à fait propre, austère sans être prétentieux, ardent sans devenir irritant, qui a su pondre des morceaux simples, efficacement arrangés et qui atteignent le cœur à tout coup!
Aucune pièce infecte, juste de la grande satisfaction. Parmi les incassables, j’ai retenu la progression d’accord qui conclut en apothéose Donne, la superbe évocation littéraire de la ville de New-York dans Crazy, la quasi tribale aux effluves rock Lovely God, la touchante et abrasive L’idiot et la folk émouvante intitulée Darfour. L’album s’achève noblement avec Ourse, écrite avec l’aide de Catherine Major, la dépouillée Sans-abri, et surtout, avec l’inspirante Mon Pays. En voici un extrait :
« On t’avait dit :
Tes enfants seront instruits, qu’importe le prix,
Tes enfants seront libres, ils pourront agir et
Penser à s’en rendre malade et quand ils seront
Malades, ils seront soignés, voire même guéris,
Qu’importe le prix
Mais t’as pas compris »
L’écoute de ce cadeau musical de Moran m’a rassuré sur la capacité et les aptitudes de certains de mes compatriotes compositeurs à s’émanciper du carcan radiophonique, commercial et formaté de l’industrie du disque québécois. Sans abri est une création franchement intelligible, qui ne se perd pas dans les méandres du racolage et de la séduction à tout prix d’un public de plus en plus épris de conservatisme musical. Avec certitude, je suivrai attentivement l’évolution artistique de cet auteur-compositeur-interprète de talent. Bravo à Moran!
Ma note : 7,5/10
Moran
Sans abri
Kartel Musik
52 minutes