Mamiffer
The World Unseen
- SIGE
- 2016
- 48 minutes
Il n’y a rien de mieux qu’une journée de pluie pour écouter du Mamiffer, projet presque solo de Faith Coloccia, musicienne touche-à-tout qui partage la tâche sur disque avec son conjoint, Aaron Turner (ISIS).
Je me souviens très bien de cette nuit de novembre 2014 où j’ai écrit la critique de Statu Nascendi, le dernier effort officiel de Coloccia sous le nom de Mamiffer (elle a fait paraître l’an dernier un exercice de style singulier avec le bizarroïde Daniel Menche).
C’était une nuit au plafond bas à Québec: tout le quartier Limoilou était plongé dans une épaisse fumée de condensation et d’émanations provenant de l’incinérateur et des cheminées de la White Birch. J’étais allé me poser à La Souche pour y descendre quelques pintes pour ordonner mes idées sur l’album, griffonnées ici et là sur des plans de converses et des feuilles de route.
Puis j’ai laissé la brume s’installer et imprégner mes pensées. Puis, j’ai laissé Coloccia la dissiper avec sa voix. Cette voix à la fois perçante et fantomatique. Cette magnifique voix qui fait éclore des zones de lumières dans l’épais brouillard électroacoustique de la musique de Mamiffer.
The World Unseen reprend là où Statu Nascendi nous avait laissés. Il s’agit encore d’un lent parcours dans un chaos ralenti… sur le «screen saver». Encore une fois ici, malgré le côté très linéaire de la musique de Mamiffer, l’auditeur est sans cesse dans l’expectative, comme si, à tâtons dans la brume, on s’attendait à tout moment à ce que quelque chose fasse irruption devant nous.
Mais le tableau de The World Unseen surpasse en beauté celui de Statu Nascendi. C’est d’autant plus vrai lorsque se font entendre les premières notes de pianos de Mara: c’est comme si les nuages se dissipaient et qu’on avait, au-dessus de nous, le firmament qui s’ouvrait, prêt à ce qu’on s’y fonde…
Vous savez, quand on fixe le ciel étoilé un certain temps puis qu’on ferme les yeux pour mieux revoir ce jeu de contrastes dans notre tête? L’écoute de ce disque, c’est pareil.
Et c’est ce que l’on en retient: que le monde qui importe est celui que l’on interprète les yeux fermés. Qu’il est fait de noir et de blanc, mais qu’il vaut mieux le vivre gris.
Voilà donc un concept d’album plus simple, mieux «ramassé», que celui, limite ampoulé, du précédent. Voilà aussi pourquoi The World Unseen est moins hermétique et plus cohérent, même s’il est plus long.
Je termine ces lignes alors qu’il fait encore jour, mais ce soir, c’est clair que j’irai, sous la pluie, aux pieds de l’incinérateur avec le dernier Mamiffer vissé sur les oreilles.
Que la flamme de Coloccia continue à brûler et à dissiper le smog, vers la lumière.
Ma note: 8,5/10
Mamiffer
The World Unseen
SIGE
48 minutes