Louis-Jean Cormier
Le treizième étage
- Simone Records
- 2012
- 50 minutes
Oui, le premier disque solo de Louis-Jean Cormier, Le treizième étage, s’inscrit dans la continuité musicale de Karkwa, mais s’y distingue également – et fortement – par le travail d’écriture de l’auteur-compositeur-interprète. En fait, là où on disait de Karkwa que la sonorité primait dans l’écoute, ici, c’est l’opposé: d’abord, les textes, ensuite la musique. Ce n’est pas que l’enrobage ne soit pas magnifique, au contraire! Guitares claires, crescendos nombreux, changements de tempo à souhait, grosse batterie lourde, chœurs planants… Mais ce sont les mots de Louis-Jean Cormier qui prennent place à l’avant-scène. Enfin, diront certains, et avec raison.
Dès la première plage de l’album, il annonce ses intentions: «Toujours la même cassette / Et si on la faisait jouer à l’envers pour une fois ? / En éliminant tous les effets dans la voix / Est-ce qu’on y verrait plus clair ?» La réponse est évidente. Le travail d’écriture, en compagnie de Daniel Beaumont (Tricot Machine), a porté ses fruits. On a aussi l’impression que l’incursion de Louis-Jean Cormier dans l’univers du poète Gaston Miron au cours des dernières années (Les douze hommes rapaillés) a joué un grand rôle dans ce «resserrement» des textes, qui se veulent plus directs que dans l’univers karkwaien.
Une précision d’écriture qui sert bien les thèmes abordés, alors que l’on valse constamment entre l’individuel et le collectif sur ce Treizième étage: Cormier raconte l’histoire de ce père impuissant devant la maladie infantile (Le Monstre), puis celle d’un sociétaire regardant dériver le Québec (Un refrain trop long); il parle aussi de cet homme seul devant la bouteille, isolé et sans ami (Le cœur en téflon) avant de formuler une demande aux citoyens, celle de brûler les règles du jeu et de se prendre en main (Tout le monde en même temps).
Voilà ce qu’est Le treizième étage: un album engagé, intime et grand, personnel et multiple, qui se termine dans une symbiose des genres avec la chanson La seule question. Malgré les fraudes, scandales, les salles d’urgence pleines, les banquises fondantes, les ouragans et les églises à vendre, il formule la seule vraie question: «Crois-tu qu’on s’aime encore, fort ?» Mais à qui s’adresse-t-il ? À une femme ? À ses contemporains? À nous tous, sans doute, personnellement et collectivement.
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