Les 20 meilleurs albums de 2014 selon Mathieu Robitaille
À ma jeune époque, quand j’étais un mélomane menotté à sa collection de disques et à son lecteur Shockwave, j’avais remarqué une tendance chez moi à associer un certain effort d’écoute au prix que je payais pour un disque. Si quelques bons mots dans un magazine m’incitaient à dépenser 25,00$ pour un album, je m’obstinais à l’écouter encore et encore jusqu’à ce que je trouve des raisons de l’apprécier.
En 2014, avec une multitude de sources de musique en continu, le poids de cette vieille responsabilité commerciale n’existe à peu près plus. Je me sens libre comme l’air, sans grande loyauté à quelque artiste que ce soit. Je me force rarement à écouter plus de deux fois un album qui ne me convainc pas, à moins que j’aie promis d’en faire une critique. Là où je veux en venir, c’est que si ma liste vous semble déficiente, si elle manque d’albums qui vous semblent importants, c’est probablement parce que j’ai mal compris ces albums au premier contact et que je n’y suis jamais revenu. Et malgré cette flagrante paresse, j’ai été inondé de musique que j’aime, dont les albums suivants.
20. Noxagt – Brutage
Ces bruyants Norvégiens n’avaient rien lancé depuis huit ans, et ils ont compris que tant qu’à revenir, mieux vaut faire du neuf. Le groupe, qui était autrefois bref et dévastateur, s’étire cette fois en longueur pour le plaisir des amateurs de bruit brutal et répétitif.
19. Golden Retriever – Seer
Duo de la côte ouest qui offre une curieuse et envoûtante combinaison d’ambiant, de post-rock et de soul en mariant synthés et clarinette.
18. Mike Weis – Don’t Know, Just Walk
Sans que je le cherche, un album ambiant semble toujours s’imposer et obséder mes pensées. Cette année, c’était les sons trouvés oniriques du percussionniste Mike Weis.
17. Andy Stott – Faith In Strangers
Ce magnifique album mérite sûrement d’être classé plus haut, mais il est encore neuf à mes oreilles et j’ignore si je m’en fatiguerai vite ou non. Pour l’instant, il me dit que Stott n’a pas fini de nous éblouir.
16. Iceage – Plowing Into The Field of Love
On souhaiterait que tous les groupes punk aient le même genre de fourmis dans les jambes qu’Iceage. Le groupe, qui frappait jusqu’à présent par son nihilisme, trouve de nouvelles façons de cracher son fiel.
15. White Suns – Totem
BLEED IT OUT! BLEED IT OUT! BLEED IT OUT! BLEED IT OUT! BLEED IT OUT!
14. Pharmakon – Bestial Burden
Difficile de trouver plus frappante et troublante que la musique de cette jeune New-Yorkaise (quoiqu’elle reprend certaines idées de Diamanda Galas). Le noise industriel n’avait pas eu de meilleur porte-étendard depuis Wolf Eyes.
13. Perfume Genius – Too Bright
En bon gauchiste, je suis sensible aux droits des homosexuels, mais je ne m’étais jamais senti aussi concerné que quand Mike Hadreas de Perfume Genius a réussi à me faire ressentir son sentiment d’aliénation comme si c’était le mien.
12. Young Fathers – Dead
Pour une fois, ce sont mes favoris qui ont remporté le Mercury Prize cette année. La sonorité de Young Fathers, très de son temps, ne pouvait que convaincre une majorité de juges.
11. Spoon – They Want My Soul
Spoon semble ne déplaire à personne; c’est probablement parce que ses chansons sont toujours bien foutues. They Want My Soul est à mon goût leur meilleur depuis Gimme Fiction.
10. Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra – Fuck Off Get Free We Pour Light On Everything
Titre de l’année, de un. De deux: c’est un autre grand album d’un groupe qui en a fait plusieurs. Si vous aimez l’idée d’une musique à la fois furieuse et en extase, en voici.
9. Young Widows – Easy Pain
C’est injuste pour les autres groupes, mais Young Widows est à peu près assuré d’une place dans mon top de fin d’année avec chaque album, à moins que le groupe se plante lamentablement, ce qui ne leur est pas encore arrivé.
8. IDYLLS – A Prayer For Terrene
Ça me fait toujours un petit velours d’avoir le coup de foudre pour un jeune groupe dont presque personne ne parle (quoique parler de velours dans le cas d’IDYLLS n’est pas très juste, il faudrait plutôt parler de papier sablé no. 80).
7. Beck – Morning Phase
Je n’avais pas envie d’aimer cet album, mais il m’a pris de court. Beck a toujours fait semblant d’être quelqu’un d’autre ou de ne pas savoir qui il est, mais il a livré cette année un vrai bel album à fleur de peau.
6. Morgan Delt – Morgan Delt
Un mystérieux Californien qui semble avoir émergé d’une longue hibernation avec sa guitare et ses vieux micros des années soixante. Du rock psychédélique DIY du plus haut niveau.
5. Yob – Clearing The Path To Ascend
Le trio de Mike Scheidt fait dans le doom pas mal foncé, mais garde toujours une continuité mélodique. Clearing est ce qu’ils ont fait de plus varié et de plus maîtrisé.
4. Gazelle Twin – Unflesh
Cet album de la Britannique Elizabeth Bertholm me fait énormément de bien, et pas seulement parce qu’elle me rappelle The Knife, qui a annoncé leur séparation cette année. De l’électro-pop angoissant explorant les thèmes de la mort et du malaise physique.
3. Chad VanGaalen – Shrink Dust
C’est du folk dépouillé, mais ne baissez pas votre garde pour autant: cet album fait si peur à ma fille de sept ans qu’elle en pleure.
2. Run the Jewels – Run the Jewels 2
En plein la suite que j’espérais au premier album de l’an dernier: même énergie et même fougue, mais les sujets sont plus variés, passant des cris du coeur engagés aux absurdités vulgaires.
1. Swans – To Be Kind
Que puis-je encore écrire au sujet de Swans? J’ai donné un 10 à l’album en mai, je lui donnerais encore un 10 aujourd’hui. Cet album me donne tout ce que je souhaite recevoir de la musique, voire de l’expression artistique en général.
MENTIONS HONORABLES:
Moodie Black – Nausea, Protomartyr – Under Cover Of Official Right, Clipping – CLPPNG, Stephen Malkmus & The Jicks – Wig Out At Jagbags, Flying Lotus – You’re Dead!, Tanya Tagaq – Animalism, Woodsman – Woodsman, Giant Claw – Dark Web, DVA – Nipomo, Dope Body – Lifer.
ALBUMS DÉCOUVERTS EN RETARD:
De 2013: Vibration Animal Sex Brain Music par Orchestra Of Spheres. Plusieurs disent que la musique n’est qu’un aspect parmi d’autres de cette troupe néo-zélandaise très théâtrale. J’aime déjà, sans même les avoir vus.
Des années 80 et 90: Skullflower, groupe noise-rock chaotique, a réédité plusieurs de ses vieux enregistrements à la fin de 2013. Inspirant.
De 1966: Spirits Rejoice d’Albert Ayler. Je ne connaissais toujours pas cette oeuvre majeure, mais je ne m’y connais que très peu en jazz. Ayler avait un lien privilégié avec le cosmos.
MOMENT MUSICAL DE L’ANNÉE:
Father John Misty à Letterman chantant Bored in the U.S.A. Le piano qui joue tout seul, le ton comico-dramatique, les rires en canne, et surtout le silence de mort qui suit ces derniers à la toute fin de la prestation.
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