Le FMEAT 2016
C’est avec un filet de bave séché sur le bord de la bouche que j’écris ces lignes encore en chemin entre Rouyn-Noranda et Montréal. Comme à son habitude, l’organisation du FME avait encore une fois préparé une édition bien en chair. Mais commençons du début. Nous avons touché terre en Abitibi jeudi, à temps pour profiter pleinement de notre soirée. Évidemment, ce périple impliquait qu’on était debout depuis plusieurs heures déjà et qu’on avait affronté le terrible, mais inévitable parc de La Vérendrye.
J’ai commencé mon périple musical en compagnie de la Montréalaise Charlotte Cardin. Celle-ci s’est installée au piano, entourée de deux collègues, pour nous livrer sa pop émouvante et intime. Elle a joué les pièces de son maxi Big Boy. La chanson-titre et Talk Talk qui ont frappé dans le mille. La foule de L’Agora des Arts semblait sous le charme lorsqu’elle a quitté la scène. Puis, c’est la formation Groenland qui avait de nouvelles chansons à présenter aux nombreux spectateurs amassés dans cette ancienne église. C’était seulement la deuxième fois que le groupe interprétait les chansons qui se retrouveront sur A Wider Space dont la sortie est prévue le 16 septembre. On peut dire que la mayonnaise est pas mal déjà prise! Groenland a, comme à son habitude, livré une solide performance où les chansons mélodieuses et entraînantes se succédaient. Le tout a été ponctué de quelques blagues dont une inévitable allusion à l’incident PKP lors des Quartiers d’hiver 2015 alors que l’ex-chef du PQ, qui n’était alors qu’un candidat au poste convoité, avait lancé tel un cornichon: «En français s’il-vous-plaît». Ils nous ont aussi joué quelques pièces tirées de leur premier album dont les sympathiques Immune et Superhero.
J’ai quitté l’Agora pour tomber sur Rouge Pompier qui était en pleine session de rock. Le duo ne lésine pas sur l’énergie, Jessy Fuchs allant jusqu’à monter sur la structure qui était sur le parterre devant la scène et d’inviter les gens à faire un bon vieux «circle pit». Leur distorsion était grasse tout comme leur humour. Je me suis ensuite dirigé du côté du Petit Théâtre du Vieux-Noranda pour Black Legary, un «supertrio» qui compte sur Mishka Stein et Robbie Kuster (tous deux jouent avec Patrick Watson) et Morgan Moore de Blood And Glass. La formation fait dans un genre de math rock non conventionnel. Stein feignait même de parler une langue slave tout au long de la prestation. Musicalement, c’est solide et ça donne envie d’aller entendre le maxi qu’ils viennent tout juste de lancer. Finalement, c’est We Are Wolves qui clôturait ma première soirée de FME. Le trio nous a présenté quelques nouvelles chansons de Wrong qui paraîtra le 30 septembre. Ça promet! Évidemment, ils nous ont aussi balancé de bons vieux succès qui ont fait danser les nombreux mélomanes.
Le réveil était déjà moins aisé vendredi. La journée s’est entamée avec La Colonie de Vacance. Avant d’en lire la description, j’avais peur qu’on soit convié au spectacle des finissants de camp de vacances spécialisé en chant. Heureusement, il s’agit plutôt de quatre groupes français qui jouent simultanément (et en alternance autour du public) une pièce construite et dirigée par Greg Saunier, batteur de Deerhoof. 60 belles minutes complètement hallucinantes de musique en continu alors que les sons viennent de tous bords, tous côtés. J’ai eu un sourire d’émerveillement collé dans le visage pendant la durée complète du spectacle. C’est un magnifique projet qui j’espère fera un jour escale à Montréal. Puis, je me suis dirigé vers Le Cachottier pour écouter Le Carabine en version 5 à 7. La formation originaire de Val-d’Or fait un mélange de rock, de jazz, de musique tropicale majoritairement instrumentale et franchement groovy.
Puis, je me suis dirigé à l’Agora des Arts pour voir Chantal Archambault qui ouvrait la soirée. Une autre abitibienne qui venait présenter ses chansons chez elle. Et ce fût totalement réussi! Les chansons d’À hauteur d’homme prenaient une nouvelle ampleur sur scène en band complet. C’était beau, doux, mélodieux et complètement hypnotique. La chanson-titre du maxi et Dos d’âne étaient plus que convaincantes. Puis, je me suis dirigé à la scène Paramount pour entendre les chansons de Kenlo. Le membre d’Alaclair Ensemble a donné un concert plus qu’énergique. Son débit est impressionnant dans sa rapidité et sa précision. En plus de livrer des pièces issues de projets des dernières années, il nous a aussi présenté quelques nouvelles chansons. Encore une fois, c’était très intéressant et j’ai hâte d’en entendre un peu plus. Lui et Caro, sa comparse, étaient très divertissants avec leurs steppettes et petites mise en scène. C’était tout à fait charmant.
J’ai par la suite sprinté pour retourner à l’Agora des Arts pour l’un des concerts les plus attendus de cette édition du FME. C’est Avec pas d’casque qui avait son Effets spéciaux à présenter à salle comble. La formation n’a pas déçu et a joué l’album dans son intégralité. Les introductions de Stéphane Lafleur étaient particulièrement savoureuses. Pour Il fait noir de bonne heure, il a parlé de l’automne qui arrive, mais après une longue explication sur les choses qui meurent a promis que la chanson allait être joyeuse. La formation a fait appel aux cordes vocales des spectateurs pour Hu-hum et encore une fois Lafleur a fait rire tout le monde en affirmant que c’était bien parce que si ça t’énerve de participer à ce genre de truc (comme lui) tu n’as pas à bouger les lèvres. Disons-le une fois pour toutes, c’est tout un boute-en-train! En plus des excellentes chansons du nouvel album, la bande a livré quelques classiques dont La journée qui s’en vient est flambant neuve.
Ma fin de soirée s’annonçait tout aussi plaisante puisque j’avais une «date» avec Fred Fortin au Cabaret de la dernière chance. Fortin était dans une forme resplendissante et a livré un généreux concert où les pièces d’Ultramarr étaient à l’honneur. Il a enfilé Oiseau et 10$ et Langevin s’est gâté à la guitare avec des solos comme lui seul sait les faire. Tête perdue et Grippe ont été deux autres forts moments de sa prestation. En rappel, ils nous ont gâtés avec une Vénus de Gros Mené et cherchaient à la fin de la performance d’autres chansons à jouer. Ils ont trouvé pour la représentation du lendemain puisque les spectateurs ont eu droit à 6 rappels. Oui, oui, par 6 fois, il est revenu.
Le soleil se levait sur Rouyn samedi matin, mais la plupart des gens dormaient encore. J’ai osé bravé la lumière du jour vers les midi trente pour aller écouter Samito sur la scène extérieure. Les chansons prennent une nouvelle tournure sur scène et sont franchement plus rock. Ce n’est pas étranger à la formation qui l’entoure: Nicolas Beaudoin (PONI, Les Buddy McNeil & The Magic Mirrors), Jonathan Bigras (PONI, Les Guenilles, Galaxie et j’en passe) et notre Sam Beaulé, lui-même, qui officiait à la basse. Parfois dansant, parfois rock et même bruyant, Samito a livré une bonne performance. Tiku la hina était plus que solide et il a même adapté Oskia pour que les gens chantent Huskies… la Coupe du Président bien en main. Samito aime se mêler à la culture locale et il l’a fait avec classe et perspicacité. En 5 à 7, je suis allé du côté de la scène Evolu-Son pour attraper le concert de Pandaléon. Les trois jeunes franco-ontariens sont des geeks de musique à voir les nombreuses pédales et multiples effets qu’ils utilisent. Encore une fois, c’était une prestation charmante qui fait voir les chansons sous un nouvel angle.
En soirée, j’ai été Petit Théâtre du Vieux-Noranda pour une soirée tout en rock. C’est le duo Royal Caniche qui cassait la glace avec ses chansons déjantées à l’humour scabreux. Il y a notamment une chanson sur le Petit Chaperon Rouge qui mange la grand-mère avec du beurre d’arachide… vous comprendrez qu’ils ne faisaient pas une lecture classique du conte pour enfant devenu très adulte. Ce n’est pas encore toujours à point, mais ils tiennent quelque chose d’assez intéressant entre les mains. Puis, c’est Violett Pi qui a cassé la baraque avec un spectacle très énergique. Gagnon a catapulté Héroïne avec la rage au corps, Fleur de Londres, Les huîtres de Julie Payette et Six perroquets séchés dans un tiroir en bois. Ça déménageait plus que Le Clan Panneton! C’est ensuite le trio canadien Metz qui est venu rincer les oreilles des spectateurs. Avec un bon mélange de chansons des deux albums, dont Headache, Spit You Out, Acetate et Wet Blanket. Ils ont tout donné, mais j’ai trouvé qu’une heure et quelques grenailles c’était un peu trop. Le groupe étirait les chansons alors qu’on les aime cassants, violents et dynamiques. Ça reste un bon spectacle quand même!
J’ai ensuite accouru à la Scène Paramount pour Koriass. Quel spectacle de feu. Le rappeur de Québec avait une amygdalite et ça n’a jamais paru. Il était d’un dynamisme et d’un entrain contagieux. Accompagné de son fidèle «padawan», Bobby One, ils ont donné l’une des meilleures prestations de la fin de semaine avec les Blacklight, Zombies, Petit Love, Ouvre Ta Fenêtre et un tas d’autres. C’était un sauna sur place et Koriass était le feu qui l’alimentait. C’était ardent, puissant et parfaitement mis en scène. Après avoir eu ma dose de hip-hop, j’ai décidé de retourner du côté du rock, mais misère! On m’a refusé l’entrée aux Goules. J’ai donc tourné les talons derechef et je me suis rendu à Abakos, le duo formé de Pierre Kwenders et Ngabonziza Kiroko (Dear Denizen). Je n’ai pas regretté, car les deux hommes ont livré une solide performance dansante affublée d’un visuel impressionnant. Des projections accompagnaient les deux chanteurs qui affichaient de grands sourires. Les deux hommes aiment jouer ensemble et ça paraît.
Ma quatrième et ultime journée a commencé en douceur au parc Botanique. Le groupe belge Dan San faisait une performance dans un décor enchanteur alors que le soleil brillait de plein feu. Le groupe n’a pas déçu et son folk aux harmonies vocales magnifiques a gagné les curieux. À dix-sept heures, je me suis rendu à la salle Evolu-Son pour prêter l’oreille au groupe The Vasts. Ceux-ci avaient fait un tabac un peu plus tôt cet été au FÉEAT. Le groupe offre en effet une performance digne de ce nom. Les cuivres sont chauds et très présents et leurs envolées musicales valent le détour.
En soirée, c’était le spectacle de clôture mettant en vedette Tire le coyote. Je fais mon mea culpa, je ne connaissais pas très bien la discographie du chanteur folk, mais après la solide performance de dimanche soir, je vais devoir y retourner. Les textes sont tout simplement délicieux comme dans Jésus: «Parfois l’amour s’achève au dépotoir/Une montagne de merde qui pue en ciboire/Parfois l’amour est à l’image de Jésus/Les questions demeurent même si on pense l’avoir vu». Sa prestation était tout simplement parfaite. D’ailleurs, Rouyn-Noranda lui a bien rendu avec une longue ovation. C’était ensuite au tour de Laura Sauvage. Et oh mon dieu! Vivianne Roy tient quelque chose avec ce projet solo. Les pièces sont bonnes sur l’album, mais sur scène, on a droit à du solide, même du très solide. La jeune femme a des airs de PJ Harvey et une attitude authentique et sincère. White Trash Theatre School, Dying Alone et Have You Heard The Good News ont toutes été interprétées avec brio. Elle nous a offert aussi une émouvante No Direction Home. Vraiment, la Hay Babies tient un filon de très solide avec ce projet solo et j’ai bien hâte de voir où ça va la mener.
C’était ensuite au Barr Brothers de venir charmer la foule… cette foule qui était plus que nombreuse. Les murs craquaient tellement c’était bondé. Mais ça n’a certainement pas empêché la formation montréalaise d’offrir un généreux concert où les titres coulaient les uns dans les autres avec aisance. Malgré le nombre incalculable de spectateurs, ils ont réussi à garder ça intime et chaleureux. Finalement, j’ai atterri au Cabaret de la dernière chance pour voir Plants & Animals. Et je n’ai pas regretté mon dernier arrêt du FME. C’était dansant, entraînant, mélodieux et carrément réussi pour le quatuor. Ils ont livré un spectacle incarné et généreux avec les pièces de leur dernier album, mais aussi quelques morceaux des précédents. Une très belle façon de fermer les livres sur cette 14e édition.
Encore une fois, je tiens à remercier toute la bande de beaux fous qui font en sorte que ce festival est une expérience hors du commun. Jenny Thibault et Sandy Boutin réussissent chaque année à créer une programmation magique. Mais ils ne sont pas seuls. Ils ont une équipe du tonnerre pour les épauler et une tonne de bénévoles qui font en sorte que ces quelques jours sont une expérience inoubliable pour tous les festivaliers. Pis merci à ma collègue Mélanie Harel-Michon qui a couru elle aussi les spectacles et qui a fait de ce FME une réussite. Merci Rouyn, je te love. On se revoit cet hiver.