Young Fathers
Cocoa Sugar
- Ninja Tune Records
- 2018
- 37 minutes
Il n’y a pas grand-chose qui semble faire peur à Young Fathers. Après deux albums plutôt politisés où le trio métissait de la pop, du hip-hop, du krautrock et une tonne d’influences de manière complètement surprenante, voici qu’ils lancent un troisième album tout aussi déroutant. Dans le bon sens. Si White Men Are Black Men Too attaquait des questions comme les tensions raciales, allant même jusqu’à affirmer n’avoir aucune racine, voulant rompre leur lien avec une société trop injuste (métaphoriquement parlant), voici qu’il lance une œuvre plus intime où l’accent est mis sur des situations plus personnelles.
Cocoa Sugar aborde des thèmes plus personnels comme la recherche du bonheur, le rapport à la vie contemporaine tout en ne tournant pas le dos à l’injustice. Musicalement, le groupe se plonge plus à travers des expériences en pop expérimentales et utilise le gospel à profusion. Tout cela au plus grand plaisir de nos oreilles. C’est encore une fois fort réussi pour le trio écossais qui semble incapable de livrer un album ennuyant.
In my view, nothing’s ever given away
I believe to advance that you must pay
In my view, love will never come my way
So when I leave, you’ll be dancing on my graveI wanna be king until I am
– In My View
L’une des premières chansons à paraître de l’album, In My View, est une pièce au rythme contagieuse et au refrain fort efficace. C’est peut-être le plus « normal » qu’est capable d’être Young Fathers. Wow est aussi rythmée et compte sur des synthétiseurs très intéressants. Le discours y est beaucoup plus politique, étant une sorte de satire de notre condition à l’intérieur de la société. À un temps où le danger de mort est aussi peu présent, où l’information roule à une vitesse effarante, ce chant qui s’exclame « wow! » avec une voix apathique est à point. C’est une exclamation réjouissante sur le lithium fort réussi.
L’utilisation du gospel est particulièrement intéressante sur Cocoa Sugar. Parsemée dans les créations, elle est concentrée sur la chanson Lord. Une sorte de balade mélancolique qui se déploie en beauté avec un propos très pessimiste.
It’s too late, too late
I won’t see you later
If you fade, I’ll fade
Fading together
Love is blind– Lord
Tremolo est aussi réussie avec sa mélodie efficace, sa trame lo-fi et son groove qui oscille entre le R&B, le rap et la pop. Border Girl est un chant en chœur avec une drôle d’approche qui ne semble pas tout à fait catholique. Ça semble une critique peu masquée de ceux qui profitent des réfugiées qui sont dans un état de vulnérabilité. Le tout en utilisant encore une fois le gospel comme véhicule premier. Toy est aussi une composition fort réussie et entraînante qui sera efficace en concert.
C’est un autre album réussi pour Young Fathers qui n’a pas encore déçu dans leur jeune carrière. Chaque sortie est intéressante pour des raisons qui lui sont propres. Cocoa Sugar ne ressemble pas beaucoup aux deux précédents et c’est parfait comme ça. Young Fathers continue d’explorer pour notre plus grand plaisir.