Nine Inch Nails
Bad Witch
- Null Corporation
- 2018
- 31 minutes
Bon!
Enfin, on peut se parler de Nine Inch Nails en 2018.
Pourquoi? Parce que même si le nouvel album ne contient que 6 chansons pour un total de 31 minutes, Trent Reznor refuse qu’il soit balancé dans la catégorie des EP. Puisque Kanye West a récemment sorti un album de 7 titres d’une durée de 24 minutes et que beaucoup d’albums punk durent 15-20 minutes, ça me semble « legit ».
Bad Witch s’inscrit comme étant le 9e album studio du projet de Reznor et son acolyte Atticus Ross, désormais membre à temps plein du projet. Ross est également complice de Trent quand vient le temps d’aller récolter un Oscar pour une de leurs brillantes trames sonores. Cette collaboration constante, semble inspirer solidement Reznor à réinventer NIN parce que depuis la sortie du EP Not the Actual Events, en 2016, il a pondu les pièces les plus intéressantes de son projet rock industriel depuis au moins 15 ans et tout ça a commencé avec She’s Gone Away, entendue pour la première fois dans le fameux épisode 8 de Twin Peaks : The Return. L’époque du rock méchant avec des refrains accrocheurs est-elle révolue pour autant ? Disons qu’après avoir surfé sur le format de With Teeth (2005) à Hesitation Marks (2013), il était temps d’aller un peu ailleurs. Bad Witch est un album qui ose la différence sans jamais se planter (looking at you Jack White !). Cela aura-t-il pour effet d’aliéner les fans de longue date ? Possiblement. Est-ce que c’est grave ? Compte tenu de la qualité des 6 pièces proposées, absolument pas.
Mais, diantre, de quoi s’agit-il ?
L’album commence en force avec l’abrasive Shit Mirror qui donnera l’illusion à l’amateur de la vieille garde d’être en terrain connu malgré la production très sale qui habille la ritournelle dystopienne : « New World. New Life. Mutation Feels Alright. » Cette phrase répétée plusieurs fois en fin de piste résume bien l’esprit de ce nouvel opus. L’assaut se poursuit avec Ahead of Ourselves et ses paroles politisées articulées autour d’un loop techno corrosif qui ralliera les fans de la première heure. C’est Play the Goddamned Part qui vient définitivement briser le moule. En gros, c’est une pièce instrumentale qui aurait très bien pu être ajoutée à la trame sonore de Lost Highway si elle avait été créée 21 ans plus tôt. Un genre de free jazz inquiétant ponctué de synthé malsain et de couches de saxophone maîtrisées. C’est ce même instrument qui ouvre God Break Down The Door, premier extrait paru il y a quelques semaines. David Bowie et Reznor ont déjà collaboré par le passé, mais l’influence du Thin White Duke n’a jamais été aussi facilement remarquable dans l’oeuvre de Trent Reznor que sur cette pièce. On dirait presqu’un « outtake » de Outside ou même de Black Star! C’est définitivement le point central de l’album, qui se poursuit avec I’m Not From This World, un morceau instrumental beaucoup plus ambiant et claustrophobe qui nous rappelle l’existence de Ghosts I-IV, album double entièrement sans voix, disque paru en 2008. C’est une des grandes forces de NIN de pouvoir proposer du matériel instrumental qui soit aussi fort que les pièces plus classiques que Trent compose. Le tout se termine avec Over and Out dans laquelle Reznor se la joue crooner sur un rythme synthétique et syncopé. Encore une fois, on jurerait que le fantôme de Bowie passe à travers lui.
C’est bien sûr une question de goût, mais au final, Bad Witch est selon moi le travail le plus intéressant de NIN depuis The Fragile. C’est loin d’être l’album le plus violent du groupe, mais on y retrouve une démarche exploratoire invitante et c’est bien la preuve que Trent a encore des choses à dire. Si vous vous ennuyez des albums-fleuves de NIN, je vous invite à vous monter une playlist regroupant Not the Actual Events, le EP de 2017 (Add Violence) et Bad Witch. Il y a vraiment moyen de s’amuser en travaillant sur la séquence de l’album qui regrouperait les trois sorties. Amusez-vous avec ça, les geeks!