Une entrevue avec Above The Snow Line
Joint sur la Rive-Sud de Montréal, Matthieu Gauthier Prud’homme, le créateur du projet Above The Snow Line, explique d’abord qu’il doit jongler entre son travail en vente et son rôle de père. Celui qui parle de sa musique comme étant « visuelle, texturée et propice à l’aventure » révèle ici un projet ambitieux; un album dévoilé en trois parties. Zoom sur un artiste d’ici qui voit loin.
Un premier album prometteur
D’où vient le titre de ton album The End Is… Soon Enough? Quels sont les thèmes que tu abordes?
Ce qui s’est passé au Bataclan m’a vraiment marqué et inspiré en même temps. Attaquer des gens qui s’amusent dans un spectacle ou dans d’autres endroits inoffensifs, c’est vraiment interrompre la fin d’une histoire. J’ai toujours une pensée pour ça, désormais, dans un événement bondé… Personne n’est à l’abri. D’ailleurs, toute l’histoire autour du vote américain et Donald Trump a submergé mon esprit. Est-ce qu’on est obligés de s’enfoncer davantage? Aussi, à l’âge que j’ai, j’ai l’impression qu’il ne m’en reste plus long, mais en même temps… Pourquoi essayer de courir après la fin? Elle arrive assez vite. Donc, c’est un thème qui revient souvent dans l’album, parce que je trouve cela déplorable. J’ai aussi voulu donner une twist un peu plus personnelle de la bonne vieille phrase clichée The end is near!
Parlons un peu du nom du projet, qui se traduit comme « Au-delà de limite des neiges éternelles »…
Je cherchais un nom qui évoquait notre côté nordique, un peu comme Snow Patrol, mais avec une signification plus profonde. Le « snow line », c’est la partie d’une montagne où la neige éternelle commence. Évidemment, il y a moins d’air, et tu te ramasses tout seul avec toi-même… C’est plus pesant, et j’aime le côté qui évoque la solitude, étant donné que je fais le projet seul; mais toute cette pesanteur repose sur mes épaules… Donc, il y a aussi l’aspect « aventure, expédition », etc. avec peut-être éventuellement manquer de souffle.
Beaucoup de liberté, mais aussi de solitude, donc. Tu as composé tous les instruments sur The End Is… Soon Enough?
J’ai décidé de tout faire, par but personnel, mais aussi, car j’ai voulu assumer toute la responsabilité musicale du projet. Au niveau de l’enregistrement, je n’ai pas à attendre après personne; j’enregistre tout chez moi dans mon « home-studio ». D’ailleurs, je me considère plus comme un compositeur qu’un musicien. Je suis au service des idées qu’il y a dans ma tête.
Pour les fans d’électro-rock des années 90
Le Canal Auditif a cru entendre beaucoup d’influences de Radiohead, de Nine Inch Nails, et de IAMX dans ton album. Est-ce le cas?
Oui, tout à fait! Plus jeune, j’ai découvert la musique avec Depeche Mode et j’ai cimenté mes goûts avec Nine Inch Nails, donc le côté « synth/new wave », et la musique pop, mais relativement « dark », ça vient pas mal de là. J’aime beaucoup aussi David Bowie, Queens of The Stone Age et Deftones, et plein de petits bands obscurs, comme Sneaker Pimps, qui date des années 90, par exemple. D’ailleurs, le leader de ce projet, Chris Corner, a sorti IAMX dans les années 2000, et c’est une très grande influence pour moi, pas juste par la musique, mais aussi pour le fait qu’il ne se considérait pas comme un chanteur… C’est vraiment un parallèle avec mon histoire, les gens m’ont encouragé à chanter sur mes propres chansons. Il sort des albums souvent et c’est toujours intéressant. Aussi, les Black Keys sortent des trucs assez régulièrement. Généralement, avec les plus grands groupes, c’est toujours plus long…
Il y a aussi un son résolument 90’s dans cet album. Souhaites-tu faire revivre cette décennie?
On est toujours un peu pris avec ce qu’on écoutait, lorsqu’on était adolescent (ou même au début de la vie d’adulte)! J’ai tripé sur Mechanical Animals, de Marilyn Manson, et sur The Fragile de Nine Inch Nails, par exemple… C’est ça qui revient dans mes sonorités, car c’est ça que je recherche. On trimballe nos bagages, comme on dit!
Quel est ton processus créatif?
Je suis complètement autodidacte, et j’ai un processus qui peut sembler étrange, surtout pour les musiciens. Je n’ai jamais suivi de cours et je détestais les cours de musique à l’école. Je n’écris pas de partitions, et je ne lis pas la musique non plus! Par contre, je suis capable de créer une symphonie dans ma tête, en conduisant ou en marchant, par exemple. Tout se découpe très clairement, j’entends chaque instrument séparément. La chanson et les paroles sont déjà dans ma tête, avant même que je concrétise le tout. En fait, je n’improvise jamais, pour trouver des idées… Il y a peut-être un petit côté « autiste » à tout ça! C’est un processus très intuitif, qui comprend son lot d’essais-erreurs, mais c’est très efficace. La seule chose que je ne fais pas est le mastering.
Une pléiade de titres
Pourquoi as-tu voulu faire un album double?
J’ai voulu offrir quelque chose de régulier, surtout pour extérioriser les affaires qui traînent (rires !). Aussi, j’avais besoin de matérialiser les idées que je trouvais pertinentes. Beaucoup de bands indie se découragent parce que la première sortie ne marche pas… Je m’attaque à cela avec patience. La première partie contient onze chansons, mais ce premier disque sera divisé en deux, c’est plus facile à digérer ainsi. Il est disponible depuis le 9 février sur toutes les plateformes. La deuxième partie comportera au minimum 8 chansons, pour l’instant. L’album pourrait même éventuellement être un livre ou une série… Il y a une certaine influence de Walking Dead, par exemple, et chaque chanson pourrait représenter un point de vue d’un personnage!
Trouves-tu dommage le fait que la musique soit consommée rapidement et par morceaux individuels, un peu comme une petite dégustation au lieu d’un repas de chef?
La musique est partout, et elle est tenue pour acquise… Mais elle perd sa valeur d’ensemble de plus en plus. Ceux qui vont triper sur ma musique vont vouloir l’écouter du début à la fin, pas juste écouter un single et dire que le reste est de la merde (rires)…
Un artiste présenté à Cannes!
D’ailleurs, tu as créé la trame sonore d’un court-métrage, The Gas Station, présenté au Festival de Cannes. Parle-nous plus en détail de cette aventure!
Le film a été présenté dans le « Short Film Corner », qui est une sélection mondiale, un endroit où tu présentes ton film et où tout le monde y a accès. C’est comme être un petit groupe au Festival des Montgolfières (rires) ! En fait, c’est parti d’une rencontre de trois personnes avec qui j’ai travaillé, dont deux qui font à la base de l’animation et des cinématiques, et l’acteur principal est un de mes amis de longue date. Notre projet a été autofinancé, et on a fait un peu de sociofinancement aussi. On n’avait pas nécessairement d’expérience à faire tout cela par nous-mêmes! Les choses ont pris du temps, mais la réception a été bonne. Notre film a joué dans le cadre du Festival Spasm, et à Cannes aussi. Mais The Gas Station a été difficile à placer dans plusieurs festivals, à cause de la durée du film (20 minutes), ce qui donne un trop long court-métrage, ou un trop court long-métrage…!
Et le futur?
On verrait bien Above the Snow Line faire des spectacles avec des groupes tels que Projekt F, End to End ou Spacemaker, par exemple, étant donné les éléments glamour et sophistiqués de ta musique. Est-ce que tu penses créer une version live du projet, un jour?
J’aimerais beaucoup ça! J’ai même des amis qui sont intéressés. Je lance ça au monde, et je vais voir la réaction… Pour l’instant, c’est plus un projet studio (avec des clips), mais si un succès raisonnable se présente, c’est sûr que je voudrais faire des spectacles, car la musique se ferait bien en groupe.
Bref, l’avenir s’annonce brillant pour l’auteur-compositeur-interprète. La troisième partie de The End Is… Soon Enough devrait sortir d’ici cet été. D’ailleurs, Matthieu Gauthier Prud’homme est déjà en train de travailler sur un quatrième album… On peut donc dire sans modération que cet artiste est prolifique. On peut suivre le projet Above the Snow Line sur le site officiel, ou encore sur Facebook! À s’enfoncer dans les tympans sans hésiter…