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Le FMEAT 2015 selon LP Labrèche

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Jeudi matin, 5 h 30, mon cadran est mon pire ennemi alors qu’il crache son fiel à tue-tête pour s’assurer que je ne l’ignore pas. Je me lève péniblement, me gratte la bedaine de façon désinvolte, regarde dehors et je me dis: la journée qui s’en vient est flambant neuve. Je ramasse mes bagages et je me dirige vers Berri-UQAM où un bus m’attend pour me transporter en compagnie d’une bande de cinglés qui mettent le cap sur Rouyn-Noranda. Dans un autocar rempli d’Européen venu visiter les grands espaces québécois et surtout sa musique, je jase avec Marie-Ève qui me parle de la vie, Terre-Neuve pis toute. Faisons un saut en avant de quelques heures, on est rendu à Louvicourt. Question de faire honneur au FME et à la tradition qu’on m’a inculquée, j’achète une bouteille d’Ungava, une bouteille de coke à laquelle je soustrais quelques gorgées pour ensuite remplir le manque à gagner avec du gin. Le tout en me cachant du chauffeur de bus qui est plutôt strict, mettons. Je sirote donc mon gin/coke sur les routes de l’Abitibi avec un gros sourire dans la face.

Après m’être installé au motel, je mets le cap sur la 7e rue. Le monde afflue de partout pour le BBQ de lancement qui me remplit le bedon et m’assure un fond avant le début des hostilités. Premier arrêt? Totorro, groupe de «heavy gaze» qui groove pas mal et qui rappelle vaguement Explosion In The Sky. Les Rennais sont une première belle découverte après… un spectacle. Ça part bien, mettons. Ils mettent habilement la table pour le groupe Deerhoof qui a fait le trajet de New York jusqu’à Rouyn-Noranda. Les Californiens ont présenté un mélange qui comprenait beaucoup de l’album La Isla Bonita, mais aussi des derniers albums. Malgré un son déficient pour la voix de Satomi Matsuzaki, on a eu droit à une performance de feu. La disposition avec des gens assis, n’était peut-être pas l’idéal, mais le groupe a offert un spectacle à la hauteur de leur réputation ponctuée par quelques interventions de Greg Saunier qui nous a baragouiné des propos loufoques dans un français approximatif, mais ô combien apprécié.

Lors que je suis sorti de l’Agora des Arts, je me suis dirigé vers la 7e rue pour attraper le spectacle des punks rockeurs Barrasso qui ont offert un spectacle tout aussi intense que l’album Des x, des croix, des pointillés. 7021, Coup de dés et Argenterie ont particulièrement brillé dans le ciel étoilé de Rouyn-Noranda. Par la suite, je suis descendu dans le sous-sol rénové du Petit Théâtre du Vieux-Noranda pour attraper les bums de la formation Les Marinellis qui encore une fois en ont mis plein la vue. À coup de crachat de bière, de cigarettes fumées sur scène, de maracas et de déhanchements, le groupe a fait vivre des émotions aux gens. Et puis, disons-le, Cédric Marinelli possède un sourire de petit crisse prêt à foutre la merde à tout moment et c’est ce qui rend la performance d’autant plus attrayante. Pendant que les gens finissaient leurs dernières bières, j’ai mis le cap sur le Mistral pour aller m’échouer sur mon oreiller et ainsi plonger dans un sommeil bien mérité.

Vendredi, mon premier arrêt était le BBQ chez Bonsound où les Fleshtones se baignaient comme des gamins, où Safia Nolin a chanté deux ou trois tounes de Limoilou, où Ponctuation se trempait les pieds dans l’eau et où bon nombre de gens avaient des grains de blé d’Inde pogné dans les dents. C’était tout à fait sympathique. Puis, je me suis dirigé au lancement de Portraits de famine de Philippe Brach. Non seulement le jeune homme était encore une fois solide, mais il était accompagné par Louis-Jean Cormier. Il y avait beaucoup de plaisir sur scène et ça paraissait. En plus de nous gâter avec d’excellentes versions scéniques des nouvelles chansons, il nous a aussi raconté comment il s’est retrouvé à faire du pouce sur le bord de son motel la veille pour raison d’intoxication… avant que la personne qui avait arrêté son automobile lui signifiât qu’il était rendu… Notre homme a fait une blague de sodomie assez bien placée et a terminé avec une version de feu D’amour, de booze, de pot pis de topes. Un lancement totalement réussi pour Brach.

Puis, c’était le doux Philémon Cimon qui lançait Les femmes comme des montagnes. Victime d’une crevaison en chemin, le chanteur était en superbe forme et a livré les pièces avec aplomb. On se rend compte que Sébastien Moffet avait raison dans sa critique… c’est très pervers ce nouvel album. Est-ce l’escale au Cinéma l’amour qui a changé Philémon? Nul ne le sait, mais en spectacle, son petit côté ironique est beaucoup plus efficace que sur galette. Je me suis ensuite dirigé dans les ruelles pour rejoindre le Petit théâtre du Vieux-Noranda afin d’entendre PONI qui en a mis plein la vue au spectateur dans un théâtre complètement rénové d’une grande beauté. Égale à eux-mêmes, la bande à Nicolas Beaudoin a fait un tabac. Puis, je me suis dirigé à l’Agora pour voir le retour de Fire/Works en terre abitibienne. Il faut se rappeler qu’il y a deux ans, le duo avait eu droit à une longue ovation après son spectacle. Eh bien, l’amour était toujours très présent et dès leurs premiers pas sur scène, les spectateurs ont fait savoir leur appréciation. C’était très Martine St-Clair (dans le sens qu’il y avait de l’amour dans l’air) alors que le groupe nous a offert Underneath Your Skin, Grand Voyageur, Bicycle Thief et l’excellente Elephants. Mission accomplie, la foule était encore une fois sous le charme du groupe. Ah oui, et quelqu’un a crié: «En espagnol, svp!». Ah, Pierre-Karl, t’es ma tête de Turc préférée! Et apparemment, je ne suis pas seul. Si tu lis ces lignes, sache-le, c’était vraiment cave cet hiver. Fais que «be cool man». Pis convaincs le monde qu’un pays, ce serait une maudite bonne affaire.

Puis, c’était au tour de Duchess Says de prendre la scène. HIPELAY!!! Un quatuor de feu, avec une Annie-Claude Deschênes complètement déchaînée (oui, oui, j’ose) qui a fait du «body surfing», fait monter du monde sur la scène pour danser, a fait passer un énorme tissu dans la foule et a crié bon nombre de fois dans le micro. C’était tout à fait délicieux. Puis, à l’extérieur, Navet Confit venait jouer les pièces de son nouvel album LOL. Un autre qui compte sur des adeptes à Rouyn-Noranda. Devant la foule, il a livré une solide performance où le bruit occupait une place de choix. Il faut dire qu’avec Lydia Champagne à la batterie, c’est rarement modéré, car la fille pioche en torpinouche. Bonus pour les gens, Annie-Claude Deschênes est venue chanter Butterscotch Nuts avec le grand Navet. Le tout s’est terminé avec une guitare qui s’est fait frapper plusieurs fois au sol sur laquelle, il a même sauté à pieds joints dessus. C’était dément.

Ensuite, je me suis dirigé au Diable Rond pour le groupe mythique The Fleshtones. Quand un membre faisait partie de la gang à Andy Warhol, tu t’attends à quelque chose de flyé. Mais jamais comme ça. Ces gars qui ont passé le cap de la soixantaine rockent plus que la plupart des gars de vingt ans. Les Américains sont constamment rendus dans le public, pas de farce, Peter Zaremba me tenait la main et chantait en me regardant directement dans les yeux. Un moment que je n’oublierai jamais. C’était plus que musical, c’était une expérience humaine immensément gratifiante. Si vous avez la chance de les croiser un de ces quatre, n’hésitez pas. Que vous aimiez le garage et le punk ou non, vous y trouverez votre compte c’est certain. Époustouflant. Tout simplement époustouflant.

Samedi, en après-midi, un spritzer à la main et au gros soleil, Hologramme offrait une performance sur la scène extérieure. Le quatuor a enchaîné les tubes de son album paru un peu plus tôt cette année avec une exécution parfaite. La foule s’est progressivement massée sur la 7e pour leur généreux spectacle d’une heure. Le groupe nous a même offert une première nouvelle chanson. Puis, je suis allé voir du côté de Tomas Furey. Le jeune homme avait fait paraître un premier extrait bien intéressant un peu plus tôt cette année. Le groupe a offert une performance honnête qui manquait un peu de cohésion, mais ça se pardonne, ce n’était que leur troisième spectacle à vie! Du côté des chansons, son électro-pop intelligent aux rythmes atypiques est très efficace. Un artiste qui est très prometteur!

Puis, Jesse Mac Cormack a pris d’assaut la scène de l’Agora. En fait, on aurait pu intituler sa performance: Jesse à la conquête de l’Abitibi. Une prestation incroyable qui m’a fait lever le poil sur les bras à quelques reprises. Quel petit génie! Sa voix qui nous vient directement du centre de son âme est d’une beauté exceptionnelle et l’ensemble au complet mérite votre attention. À un certain moment, la bande jouait même à trois basses… lourd et beau. No Other était particulièrement marquante alors que la salle au complet était pendue à ses lèvres. Un des moments les plus marquants de cette 13e édition. Puis, c’est Jeanne Added, qui vient tout juste de faire paraître Be Sensational en Amérique du Nord, qui prenait la scène de l’Agora. Elle a d’abord enchaîné les pièces plus douces de son album, ce qui a eu un effet soporifique sur la foule. Mais par la suite, la demoiselle à la voix puissante a tranquillement monté le ton pour finir dans une orgie de bruit. Comme à l’habitude, la chaleur était au rendez-vous dans la salle et j’avouerai que je plaignais un peu sa claviériste qui avait opté pour le cuir. Ça devait être collant en ti-péché. Finalement, la Française a donné le coup de grâce avec la puissante Lydia et sa batterie tellement forte qu’elle m’a causée de l’arythmie temporaire. Et j’exagère à peine! OK, un peu, mais ça rentrait au poste.

J’ai ensuite traversé au Vieux-Théâtre pour les très attendues Galaxie. La formation d’Olivier Langevin n’a pas déçu. Un spectacle où les tubes de Zulu reprenaient de la lourdeur. Si leur dernier album compte sur plusieurs rythmes dansants, sur scène ça se traduit par de lourdes guitares, une basse groovy de Fred Pellerin (oups je voulais dire Fortin). La bonne humeur et le plaisir qui règne entre les musiciens sur scène se sont rapidement propagés à la salle comble et les têtes battaient allègrement la mesure. Entre deux gorgées de cognac, Galaxie a offert une performance impeccable et généreuse. Puis, lorsque le coup de minuit moins le quart a sonné, François Lafontaine a dû ramasser ses nombreux claviers pour traverser au Cabaret de la dernière chance et accompagner Marie-Pierre Arthur. Deux spectacles consécutifs, on le dit tout haut: Lafontaine est dérangé de la manière la plus positive possible. D’ailleurs, le Cabaret débordait de mélomanes, si bien que j’ai été cloué à l’extérieur à boire de la bière et dire des choses salaces en compagnie de Louis-Jean Cormier pour lequel j’agissais à titre de photographe officiel à chaque fois que quelqu’un approchait en criant: «Oh my god! C’est Louis-Jean». L’homme a le sourire facile et la patience aiguisée. J’ai tout de même pu suivre les péripéties de mademoiselle Arthur de l’écran géant installé dans la cour du Cabaret. Oui, oui. Un écran géant comme aux Francofolies pis toute. Le FME, ça devient gros en torpinouche.

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Dimanche lorsque mon cadran a sonné, ma tête m’a rappelé mes excès de la veille. Après trois jours à faire la fête mes organes me signifiaient que j’avais pu vingt ans. Mais bon, tout pour le rock! Mon premier arrêt de cette ultime journée était Fannie Bloom qui officiait à la salle Evolu-Son. La jeune femme a donné un spectacle du tonnerre et sa générosité sur scène est remarquable. Elle était en communion avec la salle qui buvait ses paroles et ses rythmes accrocheurs. En plus des pièces de ses deux derniers albums, elle a joué une nouvelle composition intitulée Diachylon et une reprise de Danse Danse de Martine St-Clair, mais en version «full sentimentale».

Parlant de sentiments, à l’Agora, pour le spectacle de clôture, c’était Safia Nolin qui donnait le coup d’envoi de la soirée. En compagnie de son complice Joseph Marchand, elle est venue présenter les pièces de Limoilou qui paraîtra vendredi prochain. Le duo est épatant. La sobriété des pièces laisse toute la place à la mélancolie et la voix unique de Nolin. Il faut dire que le duo qui fait dans le profond musicalement prend des airs de Laurel et Hardy entre les pièces. À plusieurs reprises, Nolin a fait rire de bon cœur la foule. Elle a présenté entre autres, Noël Partout en disant que Noël: «c’est fucking nice!» pour ensuite partir la pièce la plus déprimante jamais écrite sur le temps des Fêtes. Puis, c’est le combo électro-pop Seoul qui enchaînait. Le quatuor avait fait tout un périple pour se rendre à Rouyn-Noranda. Deux jours auparavant, ils jouaient en République-Dominicaine et avaient dû prendre deux avions qui les amenèrent à New York pour ensuite prendre leur fourgonnette et monter jusqu’en Abitibi. 35 heures de voyage pour faire 45 minutes en prestation, c’est quand même impressionnant. Pour une formation qui venait de faire tout ce chemin, la fatigue ne semblait pas être un grave problème et ils ont offert une performance honnête à hauteur de leur album I Become A Shade paru un peu plus tôt cette année.

Mais bon, tout ça mettait la table pour la pièce de résistance: Louis-Jean Cormier. Celui-ci est rentré sur scène en précisant que ce serait une soirée sans règlements outre que d’avoir du plaisir ensemble et partager de la musique. Il n’a pas failli à la tâche. Présentant les pièces de Les Grandes Artères sur scène, il a opté pour une approche franche, directe, et plutôt rock. Contrairement à l’album qui s’amuse à aller chercher des sonorités un peu partout, sur scène, accompagné par une guitare, une basse, une batterie et Adèle Trottier-Rivard à tout le reste (percussions, voix pis toute), les pièces prennent une nouvelle saveur drôlement charmante. Après avoir épuisé le dernier album appuyé par un visuel hors pair et magnifique pour la rétine, il a décidé de plonger dans le vieux stock. Mais pour ce faire, il a décidé de donner une nouvelle tournure à ses succès passés. Fini le temps du folk, c’est maintenant le temps du plancher de danse. Cormier et sa bande ont retravaillé les pièces pour les rendre dansantes si bien que Bull’s Eye et Le cœur en téflon se trouvent rajeunis et ont fait danser la foule déjà collante de l’Agora des Arts. En sueur, tout le monde se brassait le popotin sur les rythmes contagieux de la formation. Vraiment un spectacle digne de clôturer une si belle édition du FME. Mais ce n’était pas tout!

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Oh que non! Kid Koala était à la scène Paramount pour faire danser les plus courageux. Évidemment, avec mon sens du devoir aigu, je n’ai eu d’autres choix que d’aller boire et suer encore plus pour vous, chers lecteurs. Oui, j’ai mis mon corps en danger pour vous faire vivre par procuration le plaisir intense de cette soirée festive. Kid Koala est un maître de la table tournante et l’a démontré avec aplomb avec des manipulations plus rapides que l’éclair. C’est franchement impressionnant de le voir enchaîner les manipulations avec la fluidité du Karaté Kid. Le Montréalais a frappé un grand coup lorsqu’il a mis le vinyle de La Bìttt à Tìbì. La réaction de la foule fut non seulement instantanée, mais en plus magistralement puissante. Et puis, on va se dire les vraies affaires, Raoul Duguay en version Kid Koala, c’est pas mal capoté.

Par la suite, s’est enchaînée une suite de mauvaises décisions qui ont fait en sorte que je suis revenu à ma chambre d’hôtel vers 4 h 30 alors que mon autobus de retour partait à 6 h. Oui, oubliez ça, je n’ai pas dormi. Mon alcoolémie m’a ralenti dans la préparation de bagages, dans mes au revoir à Marie-Ève qui a été ma fidèle complice dans l’aventure et finalement j’ai fermé l’œil dans l’autobus et je ressemblais à ça:

moi qui dort dans le bus

J’écris ces dernières lignes pas très loin de St-Jérôme quelque part entre l’épuisement et le bonheur total. Merci encore à toute l’équipe de fou qui nous accueille à bras ouverts à Rouyn-Noranda, les Sandy Boutin, Jenny Thibault, Mathieu Joanisse, Claudine Gagné et tous les bénévoles qui peuplent à un moment donné ou un autre notre fin de semaine. Vraiment, FME, je t’aime d’amour et un peu plus chaque année. Les nombreux festivaliers qui se sont déplacés ont eu la chance de profiter d’une programmation incroyable, la meilleure qu’il m’a été donné de voir à date. Et merci à Boréal qui encore cette année a participé à l’extrême régularité de mon système digestif. Là-dessus, on se voit cet hiver!!!

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