Critiques

Polaroid3

Rivers

  • Collectif OH!
  • 2017
  • 43 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Polaroid3 est un projet français formé de la chanteuse Christine Clément, le pianiste Christophe Imbs et le batteur Francesco Rees, trois artistes de la scène strasbourgeoise. Ils font partie du Collectif OH!, un regroupement promouvant la musique actuelle. Bien que chacun ait une longue feuille de route en tant qu’auteur, compositeur, interprète ou professeur, c’est en 2012 que le projet offrait un premier EP intitulé : Rebirth of Joy. Il proposait quatre pièces électro aux teintes trip-hop et synth wave. Le trio est revenu en février dernier après plusieurs années de travail avec Rivers, un premier album homogène qui renouvelle le noyau de l’EP, et le complète avec un quartet de cordes et une réalisation étanche.

A Word is Dead ouvre sur un rythme reggae et une ligne de synthé à la basse; la voix de Clément lévite au-dessus, réverbérée comme si elle sortait d’une caverne. Le quartet de cordes s’ajoute au refrain tout naturellement, et propose une sorte de trip-hop de chambre. C’est déjà très bon rendu là, mais à mi-chemin la pièce passe à un pont extraordinaire qui amène la finale sur un plateau d’argent. Kate conserve la ligne de synthé et la voix, la batterie se fait plus discrète avec les toms frappés de façon tribale. La forme mélodique se déploie aux cordes et l’arpège synthétique en boucle ajoute sa part de groove. Moonghost utilise également la ligne de synthé à la basse, plus lourde cette fois-ci, les cordes jouées en pizzicato ponctuent celles en glissando, la batterie se joint au drame sur des contretemps jazz pendant que Clément nous partage ses sentiments.

Rivers propose un retour aux sources, à la tribu nomade qui marche en direction du prochain campement. L’ouverture combine la ligne de basse, la batterie et la voix, et semble se diriger vers une forme jazz lorsque Imbs enchaîne une boucle synthétique au clavier sur un kick en quatre temps. Le sentiment d’urgence donne un frisson; les cordes vibrent comme des coups de vent, Rees fait rouler les toms en contretemps pendant que Clément plane au-dessus du mouvement. You Must Go On change complètement d’atmosphère en mélangeant une scène de suspense avec un rêve éveillé. Le rythme augmente en intensité comme un train se dirigeant vers un canyon, mais sans la chute finale. What a Wave Must Be étire le temps avec les glissandos des cordes jusqu’à ce que les accords au clavier viennent encadrer les mesures. À partir du premier refrain, la voix vibre sur de longues notes soutenues par un rythme pink floydien.

The Sign Seeker s’élève à un niveau méditatif, quelque part dans les Alpes, le vibraphone réverbère à travers les cimes. La forme rythmique s’impose par la suite en deux séquences différentes, l’une plus calme et jazzée, l’autre plus agitée et tribale. Invoke surprend avec son synth wave quelque part entre Blondie et Siouxsie, une très belle surprise qui renouvelle la teinte de l’album. Le son de synthé analogique saturé ouvre Mitrovica Bridge sur un ton mélancolique, ouverture remplacée par la suite par la voix et les cordes, sur un kick de battement de cœur. Cachette fait sourire avec son atmosphère de pièce de théâtre chanté, la scène s’assombrit et le passage devient plus dramatique; le rythme s’intensifie progressivement pendant que la voix s’éloigne derrière la masse sonore.

À la différence de l’EP, Rivers profite d’une réalisation qui laisse à chaque pièce l’espace nécessaire pour prendre son souffle, et ainsi supporter de façon très concluante la poésie de Clément. Les basses d’inspiration reggae et jazz jouent beaucoup sur le groove de chaque pièce, et les lignes mélodiques qui passent du synth wave à la musique de chambre créent un « courant » sur lequel la voix de la chanteuse peut voguer aisément. Les amateurs de Massive Attack (avec Horace Andy particulièrement) et Portishead doivent absolument écouter cet album au moins une fois, question de vous laisser ensorceler par l’univers créatif du trio. Chapeau.

MA NOTE: 8,5/10

Polaroid3
Rivers
Collectif OH!
43 minutes

https://www.polaroid3.com