Critiques

Loyle Carner

Yesterday’s Gone

  • AMF Records
  • 2017
  • 43 minutes
8
Le meilleur de lca

« Le hip-hop britannique devient finalement sérieux – et Loyle Carner mène la charge. »

Voilà comment se termine la critique du NME concernant le premier album de Loyle Carner, Yesterday’s Gone, un opus qui enflamme les publications anglaises en ce début d’année. De ce côté-ci de l’Atlantique, on ne connait pas vraiment le jeune londonien de 22 ans. Mais cela devrait changer dans les prochains mois. Car oui, le gars a du talent. Beaucoup. Et en écoutant sa plaquette de 15 chansons, on peut dire qu’il a fait ses devoirs et qu’il connait déjà bien la musique.

L’album s’ouvre avec The Isle Of Arran, au rythme référencé, récupéré de It’s All on Me, œuvre de Dr.Dre entendue sur l’album Compton, sorti il y a deux ans. Une musicalité similaire qui se veut être un hommage au travail d’un rappeur important de la scène américaine. Mais là s’arrête la comparaison : si Dr.Dre peint les travers de L.A. à l’aide de paroles bien musclées et hargneuses, Loyle Carner, lui, revient sur son enfance à Londres, sur le départ de son père, le tout dicté sans arrogance dans une mélancolie qui, au final, se veut la ligne directrice de son offre musicale.

« My mother said, « There’s no love until you show some »
So I showed love and got nothing, now there’s no-one
You wonder why I couldn’t keep in tow, son?
I wonder why my dad didn’t want me, ex didn’t nee me. »
— The Isle of Arran

Mélancolie. Sensibilité. Histoires personnelles. Acceptation. L’album porte bien son titre. Loyle Carner, n’est peut-être âgé que dans la jeune vingtaine, mais il possède déjà un bagage personnel, disons, intense. Et au détour de ses revers amoureux, du départ de ses amis, de la maladie, de l’abus d’alcool, de l’abandon de son père (qui est finalement de nouveau présent dans sa vie… et sur l’album), mais aussi de l’amour de sa mère (également entendue sur cet album), on apprend à mieux connaitre le rappeur anglais. Et d’où lui vient sa détermination.

« I don’t ever worry ’bout my next step
Or ever even worry ’bout my next check
Like it’s the best bet, trying to protect neg
Living in this hurry, only worry is my next breath. »
— No Worries

Musicalement, Carner joue dans de nombreuses talles. Aux rythmes langoureux et sans excès, ajoutons du spoken word, du jazz, du folk, du gospel et du R&B-bluesy, qui enrobent ses paroles dictées avec précision, sans envolées lyriques, sans démesure, mais qui marque à chaque coup. Mariage réussi entre les paroles et la musique. Symbiose.

Loyle Carner ne crie pas au monde son mal intérieur sur Yesterday’s Gone, comme on l’entend (trop?) souvent sur la scène rap. Non. Lui, il l’extirpe, le décortique, nous l’offre, calmement, un souvenir à la fois. Et il fait la paix avec ses démons intérieurs. Un album rempli de souvenirs partagés généreusement par l’un des artistes à surveiller de près cette année. Absolument.