Critiques

Jay-Z

Jay-Z – 4 : 44

  • Roc Nation Records / UMG Recordings
  • 2017
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

Avant même de placer la cassette dans le tape deck, on se pose des questions d’une importance certaine : doit-on écouter ce 4 : 44, treizième opus de Jay-Z (que vous pouvez également écrire tout en majuscule, ou encore sans trait d’union, selon votre humeur) en gardant en tête l’album de Beyoncé, Lemonade, sorti il y a un an? Le petit dernier de l’ex-roi du rap est-il une excroissance du brûlot américano-perso-Black Live Matter conçu par sa douce moitié?

Écoutons…

Ouverture avec Kill Jay-Z, une lyrique satirique sur les faux pas de mister Shawn Carter.

« You walkin’ around like you invincible
You dropped outta school, you lost your principles
I know people backstab you, I felt bad too
But this ‘fuck everybody’ attitude ain’t natural
But you ain’t a saint, this ain’t kumbaya »
– Kill Jay-Z

L’artiste se met en scène en guise d’apéro. Ce discours personnel laissera heureusement la place à une parole plus criante, plus pertinente – et plus intéressante pour l’auditeur – dès la deuxième pièce, The Story of O.J.

«Skin is, skin, is
Skin black, my skin is black
My, black, my skin is yellow (…)
Light nigga, dark nigga, faux nigga, real nigga
Rich nigga, poor nigga, house nigga, field nigga
Still nigga, still nigga »
– The Story of O.J.

De sa tour d’ivoire, l’artiste multimilliardaire balance ainsi une dizaine de traques, tantôt personnelles, tantôt les reflets des travers sociétaires vécus par ses semblables.

L’offre – courte, 37 minutes – est déversée sur des trames simples signées No I.D., ce faiseur de rythmes originaire de Chicago, qui réalise ici un disque d’une grande cohérence, sans artifice et, il est vrai, un peu trop conservateur à notre humble goût.

Parlons justement du grand travail de découpe fait par le compositeur. Les simples utilisés (Nina Simone, Stevie Wonder, Jacob Miller, The Fugees, Donny Hathaway…) ne sont pas seulement collés en arrière-plan. Ils sont remâchés, retravaillés, reformulés. Les artistes du passé semblent reprendre le micro le temps d’un tour de chant aux côtés de Jay-Z. Osons écrire que ces ajouts musicaux sont drôlement plus intéressants que ceux offerts par les « vrais » collaborateurs présents, soit Damian Marley, Hannah Williams, Frank Ocean et une Gloria Carter, maman du rappeur, que l’on apprend ici être gaie (intéressant seulement pour l’amateur de potins).

Mais laissons de côté le travail de réalisation de No I.D. et revenons à l’homme du jour.
Jay-Z profite donc du micro pour s’excuser aux femmes de sa vie sur son nouveau disque; d’abord à sa femme – pour son adultère –, puis à sa fille – pour ne pas être un papa parfait. Oui, même bourré de fric, Jay-Z a encore des démons à combattre.

Mais…

Mais cette psycho-introspection chantée sur album sonne malheureusement faux, à quelques reprises. On se pose des questions… Jay-Z l’homme, le mari et père de famille, est-il réellement repentant? Offre-t-il des excuses sincères? Et pourquoi le faire sur disque? Est-ce seulement une réponse tardive à sa femme qui, l’an dernier, sur Lemonade, se plaignait d’être victime d’infidélité de la part de son mari? Écrit-il pour s’expliquer avec elle ou pour s’excuser auprès de nous tous, auditeurs et fans de l’artiste?

On ressort donc de ce 4 : 44 avec autant de questions – quoique différentes – qu’avant d’y être entrée. Mais au final, sans crier au génie créatif du passé, Jay-Z pond ici un disque cohérent, intime et à la réalisation soignée. On se questionne « seulement » sur la sincérité du discours entendu.

Ma note: 8/10

Jay-Z
4 : 44
ROC NATION/UMG RECORDINGS INC
37 minutes

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