Concerts

Akousma XIII

594591702_1280x720-1024La treizième édition du festival AKOUSMA a eu lieu du 19 au 22 octobre à l’Usine C et au Studio multimédia du Conservatoire de musique de Montréal. La première bonne raison de fêter était le vingt-cinquième anniversaire du Réseaux des arts médiatiques, un phare pour les musiques acousmatiques et électroacoustiques québécoises. La deuxième était que Le Cycle des Profondeurs allait être spatialisé au CMM pour souligner l’anniversaire de son compositeur Francis Dhomont, qui soufflait ses 90 chandelles le 2 novembre dernier. Ensuite, Robert Normandeau allait présenter en post-AKOUSMA sa nouvelle pièce Tunnel Azur (2016) dans le cadre d’un concert de l’OSM pour souligner le cinquantième anniversaire du métro de Montréal; et que Michel Chion allait présenter sa Deuxième (2012,16) et Troisième symphonie (2016). Finalement que des artistes de la sphère électroacoustique présentaient pendant quatre soirs leurs dernières œuvres dans un acousmonium défiant le sens de l’orientation.

La Soirée I: Multiformes débutait littéralement de cette façon avec la vidéomusique Nuées (2016) de l’artiste montréalaise Myriam Boucher. Le thème du battement d’ailes servait de base à une ponctuation entre le déploiement gracieux et l’envolée striée au visuel, entre le saxophone baryton d’Ida Toninato et les itérations électroniques à l’audio. Un nouveau chapitre dans la série à l’esthétique aérienne, l’œuvre met en perspective le lieu pour se concentrer davantage sur le sujet et sa capacité à défier la gravité.

Casi_Linea (2015-16) de Pipo Pierre-Louis est une pièce acousmatique suivant une ligne sonore montée en forme de toupie, dont la propension à dévier la fait finalement tomber et se briser en mille éclats, projetée par une main pour déstabiliser la pièce entière.

La forme de | Miru | (2016) donne suite au premier album de Joël Lavoie, Absolument (2015), et rappelle l’énorme progression en masse et en intensité de la première piste, Aspires. Le jeu de lumière de Paul Chambers évolue très lentement en parallèle, et finit par aveugler pendant que Lavoie nous assourdit. L’impression laissée est celle d’une foire itinérante lointaine avalée par un ouragan, rien de moins.

PITA, alias le Britannique Peter Rehberg d’Editions MEGO, a offert une performance live de son nouvel album Get In (2016), qui fait suite à Get Off (2004) dans sa discographie en solo. L’œuvre défie les limites de la musique synthétique, et la capacité des oreilles à reconnaître ce qu’elles entendent, tout simplement. On se rappelle par exemple de la fréquence de 1000Hz (qui accompagne normalement une mire de barres) amplifiée au point de transpercer les tympans pour se rendre plus rapidement au cerveau.

Myriam Bleau terminait la soirée avec sa performance audiovisuelle autopsy.glass (2016), dont l’installation comportait une longue table de trente-trois coupes à vin. Les prises de son rapprochées amplifient les sons générés en manipulant les coupes, le montage rythmique et les effets sonores font évoluer la pièce de façon expérimentale, au point de culminer en verre éclaté. La surface de jeu est élargie par rapport à Soft Revolvers (2014), les sources lumineuses sont fines, précises, la captation vidéo apporte une atmosphère d’autopsie, théâtralité supportée par les lunettes et gants de protection.

Myriam Boucher
https://vimeo.com/user20638366

Pipo Pierre-Louis
https://soundcloud.com/jean-philippe-pierre-louis

Joël Lavoie
http://joellav.tumblr.com

PITA
http://editionsmego.com

Myriam Bleau
http://www.myriambleau.com

La Soirée 2: Sons éclectiques commençait avec les Incantations métalliques (2016) du québécois David Cronkite, dont le travail est très près de la matière première et de ses propriétés acoustiques. La pièce offre une variation de résonances métalliques générées à partir de différents gestes du musicien. Sans être nécessairement minimaliste, on remarque l’espace laissé autour de chaque son, à l’antipode de la saturation.

Adam Stanović nous présentait trois pièces de son répertoire. Escapade (2010) est formée d’échantillons sonores d’abord solitaires, qui se rapprochent progressivement pour obtenir une somme plus dense, créant une tension jusqu’à ce que tout s’évanouisse, pour enfin terminer sur un dernier grand souffle. Metallurgic (2015) et Inam (2016) reprenaient sensiblement la même méthode, de partir d’échantillons généralement isolés et de les faire se rencontrer pour phraser les différents niveaux d’intensité.

Le duo canadien formé de Jon Vaughn et Colby Richardson nous ont livré Mellotrauma (2016), une performance live alliant audio et vidéo en feedback, manipulé à souhait jusqu’au bruit total. Vaughn était aux commandes du noise expérimental pendant que Richardson apportait le paysage correspondant à travers la manipulation des sources vidéo. Le mélange final offrait des tableaux abstraits légèrement hypnotisant.

La deuxième soirée s’est terminée avec antiVolume (2016) de l’improvisateur Lucas Paris, une œuvre combinant un travail de son et de lumière en temps réel. Celle-ci proposait deux colonnes lumineuses réagissant à une trame sonore, dont le phrasé prenait forme selon l’intention/l’intuition du compositeur. Le synchronisme était plus perceptible que dans la prestation précédente, et proposait également un visuel épuré, géométrique.

David Cronkite
https://soundcloud.com/david-e-cronkite

Adam Stanović
https://adamstansbie.com

Jon Vaughn
http://jonvaughn.ca

Colby Richardson
http://colbycolby.co

Lucas Paris
https://soundcloud.com/lucasparis

La Soirée 3: Ondes vaporeuses s’ouvrait sur un orchestre de dix-huit musiciens du Concordia Laptop Orchestra (CLOrk) sur scène pour interpréter Tidal Flow (2016), une œuvre composée collectivement à partir du portable de chaque membre. Faut-il préciser que la palette sonore est pour ainsi dire infinie, rassemblant les sources sonores du numérique, de l’analogique et de l’acoustique. Le résultat s’apparente au concerto, à la différence que chacun peut occuper l’avant-scène de façon improvisée lorsque le passage le permet.

Hans Tutschku nous a présenté sa pièce agitated slowness (2010), une grande fresque sonore dessinée à partir d’échantillons de voix. La forme prenait naissance dans un mince filament sonore, ponctué par des passages bruités, et augmentait ensuite en masse et en volume, devenant momentanément reconnaissable à travers le montage. La spatialisation sur vingt-quatre haut-parleurs complétait l’œuvre en répartissant les différentes voix autour du public.

Simon Chioini assurait la suite avec sa composition Représentations (précieuses) (2016), dont la base minimaliste se développait graduellement en manipulations synthétiques et rythmes technos découpés et montés avec une précision chirurgicale.

Tristan Douglas, alias Antwood, fermait la troisième soirée avec une version condensée de trente minutes de son disque Virtuous.scr (2016), subdivisé en huit parties pour l’occasion. Le changement de registre détonait un peu; plus consonant au niveau sonore avec des échantillons sortis d’un Fairlight; aux genres EBM, hip-hop et plus récemment au IDM. Une belle surprise dans le cadre du festival.

Concordia Laptop Orchestra (CLOrk)
https://soundcloud.com/clork-1

Hans Tutschku
http://www.tutschku.com

Simon Chioini
http://chioini.com

Antwood
http://planet.mu/artists/antwood/

Vincent Fliniaux ouvrait la Soirée 4Micros et sons avec sa pièce/projet Black Bass (2016), qui le place sur scène avec sa contrebasse, dont les résonances sont captées par un microphone relié à un ordinateur. Les différents effets combinés aux styles de jeu créaient une sonorité s’apparentant au métal scandinave, un résultat hypnotisant et parfois violent.

Two Rooms from the Memory Palace: Variation 1 (2013-14, 16) d’Andrea Parkins était offerte en version diffusée dans un seul lieu, avec objets amplifiés et accordéon électronique. Les bourdonnements, scintillements et impulsions apportaient une esthétique rétro-futuriste, comme un laboratoire de recherche expérimentale interprété live.

Richard Chartier spatialisait ensuite ses compositions Recurrence (2012) et Retracing (2016), deux œuvres minimalistes dont les micro-variations servent à phraser un long souffle. Le niveau du volume à peine plus élevé que le chuchotement appelait l’oreille à être beaucoup plus attentive. Une expérience sonore qui apporte un agréable contraste aux études plus agressives de bruits.

La Deuxième symphonie (2012,16) de Michel Chion finissait la soirée et le festival en beauté à travers ses quatre mouvements: Hésitations, Agression, Apparition, ou le sonde la sieste, et Acclamation. La maîtrise de la forme concrète nous permettait d’apprécier une fresque de sons fixés montée de façon old school.

Vincent Fliniaux
http://www.vincentfliniaux.com

Andrea Parkins
https://soundcloud.com/andreaparkins

Richard Chartier
http://www.3particles.com

Michel Chion
http://michelchion.com

Tunnel Azur (2016) de Robert Normandeau est disponible pour écoute sur le site de Medici.tv.

http://www.medici.tv/#!/kent-nagano-truls-mork-evangelista-schumann-normandeau-strauss

http://www.akousma.ca